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Réforme fiscale en Algérie : Les recommandations du FMI

Le Fonds monétaire international identifie un potentiel inexploité de 2 à 4% du PIB dans la fiscalité non-hydrocarbures et trace une feuille de route ambitieuse pour diversifier les revenus budgétaires du pays.

L’Algérie dispose d’une marge de manœuvre considérable pour renforcer ses recettes fiscales domestiques, révèle une étude récente du Fonds monétaire international (FMI). Selon ce rapport publié en octobre 2025 et préparé par l’économiste du Fonds Charles Vellutini, le pays pourrait augmenter ses revenus fiscaux non-hydrocarbures de 2 à 4 points de pourcentage du PIB en réformant son système fiscal et en élargissant l’assiette d’imposition. L’analyse du FMI, basée sur une méthodologie de benchmarking international comparant 163 pays, établit que le potentiel fiscal non-hydrocarbures de l’Algérie s’élève à 13,5% du PIB, contre 10,3% actuellement collectés. « Ce gap fiscal significatif souligne un potentiel substantiel inexploité », indique le rapport, qui précise que même en tenant compte de la structure économique dominée par les hydrocarbures, le potentiel minimal reste d’environ 2% du PIB. Cette marge de progression intervient dans un contexte où les recettes pétrolières et gazières, bien qu’elles représentent 67% des revenus totaux du gouvernement depuis 2020, demeurent hautement volatiles et dépendantes des prix internationaux. À l’inverse, les recettes fiscales non-hydrocarbures, stagnant autour de 10% du PIB depuis deux décennies, offrent une stabilité précieuse pour les finances publiques.

Des réformes ciblées sur les taxes clés

Le FMI identifie plusieurs leviers prioritaires pour débloquer ce potentiel. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) apparaît comme le premier gisement de recettes. Avec un rendement de seulement 3,3% du PIB entre 2018 et 2024, contre 6,5% dans les pays émergents non-exportateurs de pétrole, la TVA souffre d’une « efficacité C » de 27% en 2024, bien en deçà des 59% observés ailleurs. L’institution recommande une rationalisation des exemptions et des taux réduits, qui pourrait générer à elle seule 0,75% du PIB supplémentaire. L’impôt sur les sociétés (IS), qui ne rapporte que 1,8% du PIB comparé à 3,4% dans les économies émergentes similaires, constitue un autre axe d’amélioration. Le rapport préconise une simplification de la structure des taux actuellement échelonnés entre 19%, 23% et 26% selon les secteurs, ainsi qu’une rationalisation des multiples incitations fiscales introduites par le Code de l’investissement de 2022. Au-delà de ces deux piliers, le FMI identifie des opportunités dans les taxes d’accise (actuellement 0,9% du PIB contre 2,2% dans les pays comparables), la taxe foncière jugée sous-exploitée malgré un potentiel estimé à plus de 1% du PIB, et le régime fiscal minier. Ce dernier, avec des recettes actuelles de seulement 0,02% du PIB, pourrait bénéficier d’un système de redevances progressif basé sur les profits pour attirer les investisseurs privés tout en captant une part équitable des revenus en période de hausse des prix des matières premières.

L’administration fiscale n’est pas oubliée. Le rapport salue les efforts de digitalisation entrepris et souligne qu’environ 1.500 milliards de dinars d’arriérés fiscaux (4,4% du PIB de 2024) sont considérés comme recouvrables, avec un potentiel annuel de recouvrement de 200 milliards de dinars (0,6% du PIB). Le FMI recommande également la réalisation d’un diagnostic TADAT (Tax Administration Diagnostic Assessment Tool) pour identifier les priorités de réforme administrative.

Une approche progressive et structurée

Conscient que la stabilité du système fiscal importe autant que sa réforme, le FMI propose une hiérarchisation des actions. Les améliorations de la TVA, de la fiscalité minière et des taxes d’accise peuvent être engagées à court terme, tout comme la poursuite du recouvrement des arriérés déjà en cours. En revanche, les réformes de l’IS et de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, récemment modifiés respectivement en 2022, devraient être reportées à moyen terme pour préserver la prévisibilité du cadre fiscal. L’institution préconise l’adoption d’une Stratégie de mobilisation des revenus à moyen terme (MTRS), un cadre sur 4 à 6 ans déjà utilisé dans 24 pays dont l’Égypte. Cette approche permettrait de coordonner les réformes de politique fiscale, d’administration et de cadre juridique, tout en fixant des objectifs quantifiés et en assurant un engagement politique soutenu.

Le rapport souligne enfin que des réformes structurelles complémentaires renforceront l’efficacité des mesures fiscales : l’élargissement de l’inclusion financière, la limitation de l’usage des espèces, la lutte contre la corruption dans l’administration fiscale et la réduction de l’économie informelle, estimée à 32% du PIB.

En diversifiant ses sources de revenus et en réduisant sa dépendance aux hydrocarbures, l’Algérie pourrait ainsi renforcer la résilience de ses finances publiques et soutenir une consolidation budgétaire durable, conclut le FMI.

Sabrina Aziouez

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