Maroc : Le mouvement de contestation se poursuit malgré la répression sanglante du régime
Pour le huitième jour consécutif, les rues marocaines résonnent des cris de colère d’une jeunesse déterminée à ne pas plier face à la répression brutale orchestrée par le Makhzen. Samedi, des membres du collectif de jeunes ont de nouveau manifesté dans plusieurs villes du royaume pour dénoncer la corruption endémique qui gangrène les institutions et réclamer des services publics de santé et d’éducation dignes de ce nom. À Tétouan, dans le nord du pays, des centaines de manifestants se sont rassemblés pour scander « le peuple veut la fin de la corruption », « liberté, dignité et justice sociale », tandis qu’à Casablanca, la capitale économique, des dizaines de voix s’élevaient pour exiger « l’éducation et la santé ». À Rabat, le rassemblement s’est tenu symboliquement devant le parlement, là où siègent ceux qui sont censés représenter le peuple mais qui semblent sourds à ses revendications. Ce mouvement de protestation, organisé depuis le 27 septembre par un collectif qui compte désormais plus de 180.000 membres sur la plateforme Discord, s’inscrit dans la continuité de revendications sociales et politiques qui ont émergé à la mi-septembre dans plusieurs villes marocaines. Les manifestants dénoncent l’abandon social extrême dont sont victimes les plus démunis dans un pays où les inégalités se creusent sans cesse, ainsi que le système de corruption profondément ancré dans les rouages du pouvoir. Le collectif insiste sur le caractère résolument pacifique de ses rassemblements, rejetant catégoriquement « toute forme de violence, d’émeute ou de destruction ». Mais cette détermination non-violente n’a fait qu’exacerber la réponse disproportionnée et féroce du régime.
La répression policière s’est révélée d’une brutalité inouïe. Dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, des violences ont éclaté dans plusieurs villes marocaines, et les arrestations se comptent par centaines selon la presse locale. Le bilan humain de cette répression sanglante est déjà lourd. Mercredi soir, trois personnes ont été abattues par des gendarmes dans le village de Lqliaa, près d’Agadir. Les autorités ont tenté de maquiller cet assassinat en présentant les faits comme une attaque contre un poste de la gendarmerie royale, une version qui ne trompe personne et qui témoigne du mépris du pouvoir pour la vérité et la vie humaine. Les services de sécurité n’ont pas hésité à ouvrir le feu sur des manifestants désarmés, démontrant que le régime du Makhzen est prêt à verser le sang pour maintenir son emprise sur le pays et protéger le système corrompu qui l’enrichit.
Mais loin de briser la volonté des contestataires, cette répression brutale a eu l’effet inverse. Vendredi soir, de nouvelles manifestations ont été organisées dans plusieurs villes marocaines dont Rabat et Agadir, à l’appel du collectif qui se présente comme un groupe de « jeunes libres » sans affiliation politique. Dans un communiqué rendu public samedi, le collectif a appelé à poursuivre les manifestations dans les grandes villes du royaume, envoyant un message clair au pouvoir : la peur ne les fera pas taire. Le mouvement exige des réformes profondes au niveau des secteurs de la santé publique et de l’éducation, deux domaines abandonnés par un régime qui préfère investir dans l’appareil répressif plutôt que dans le bien-être de sa population. Les manifestants appellent également à l’instauration d’une véritable justice sociale dans un pays où les richesses sont accaparées par une élite corrompue tandis que des millions de Marocains peinent à survivre.
La diaspora marocaine mobilisée
La mobilisation ne se limite plus aux frontières du royaume. Le mouvement a trouvé un écho puissant au sein de la diaspora marocaine qui se mobilise pour dénoncer la répression et exprimer sa solidarité avec les manifestants. Samedi, des rassemblements ont été organisés par des membres de la communauté marocaine à l’étranger devant les ambassades de leur pays à Paris et Amsterdam. Les participants ont répété le slogan principal du mouvement : « Dignité et liberté pour le peuple », tout en exigeant que des comptes soient rendus au peuple par les responsables marocains. Ces deux rassemblements ont été précédés vendredi par un sit-in organisé devant l’ambassade du Maroc à Bruxelles, en Belgique. Dans un communiqué, le collectif des jeunes de Bruxelles a exprimé sa volonté de « montrer sa solidarité et dénoncer la répression et les violences policières injustifiées », tout en rappelant que les revendications initiales portaient sur l’accès aux soins, à l’éducation et à la lutte contre la corruption. Un rassemblement de militants marocains était également prévu dimanche devant le consulat général du Maroc à Montréal, au Canada. Le collectif de jeunes de Montréal s’est dit « profondément inquiet face à la répression qui s’abat sur le mouvement pacifique de jeunes au Maroc », dénonçant « une vague d’arrestations et de violences ». Cette internationalisation du mouvement constitue un camouflet supplémentaire pour le régime marocain qui tente désespérément de contrôler le récit et de minimiser l’ampleur de la contestation. Le Makhzen se retrouve désormais sous les projecteurs de la communauté internationale, exposé dans sa brutalité et sa corruption. Malgré les centaines d’arrestations, malgré les morts, malgré la violence déchaînée de l’appareil répressif, le mouvement poursuit son action avec une détermination inébranlable. Les jeunes Marocains ont compris qu’ils n’ont plus rien à perdre dans un système qui les a abandonnés et qui les méprise.
L.S.