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LF 2026 : ce qu’il faut savoir

Le projet de loi de finances 2026, adopté dimanche dernier en Conseil des ministres, confirme la priorité accordée par le gouvernement algérien aux dépenses sociales avec un budget colossal dépassant 135 milliards de dollars, tout en introduisant un arsenal de mesures contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent qui pèsent lourdement sur l’économie nationale.

Le texte, dont les grandes lignes ont été dévoilées par plusieurs de nos confrères, table sur la poursuite d’une croissance soutenue malgré un recul attendu des exportations d’hydrocarbures, et prévoit d’importantes enveloppes pour les salaires, le logement et les subventions, parallèlement à un durcissement notable des dispositions fiscales et douanières visant à réduire l’économie informelle estimée entre 50 et 60 milliards de dollars.

Budget et cadrage macroéconomique

Le projet de loi de finances 2026 s’appuie sur un cadrage macroéconomique prudent mais optimiste pour la période 2026-2028. Le prix de référence fiscal du baril de pétrole est maintenu à 60 dollars, tandis que le prix du marché est anticipé autour de 70 dollars. Malgré un repli progressif des volumes d’exportation des hydrocarbures de 2% en 2026, puis de 0,5% en 2027 et de 2,7% en 2028, les autorités tablent sur une croissance économique vigoureuse portée essentiellement par les secteurs hors hydrocarbures. Le taux de croissance devrait atteindre 4,1% en 2026, avant de grimper à 4,4% en 2027 et 4,5% en 2028. Cette dynamique s’explique notamment par les performances attendues dans l’agriculture, où la production céréalière devrait passer de 44 millions de quintaux en 2026 à 62 millions de quintaux en 2028, reflétant les résultats des réformes structurelles engagées dans les filières stratégiques comme les céréales, le lait et les viandes rouges. Le secteur industriel devrait enregistrer un taux de croissance annuel moyen de 6,2% sur la période 2026-2028, tandis que le bâtiment afficherait une progression moyenne de 5,1%, soutenu par la relance des investissements dans les infrastructures et les programmes immobiliers. Le Produit intérieur brut aux valeurs courantes devrait atteindre 41.878,3 milliards de dinars en 2026, 45.018,4 milliards en 2027 et 48.395,7 milliards en 2028. Quant au PIB hors hydrocarbures, il passerait de 36.286,5 milliards de dinars en 2026 à 43.117,8 milliards en 2028. Le budget de l’État pour 2026 avoisinera 16.861,5 milliards de dinars en autorisations d’engagement et 17.636,7 milliards en crédits de paiement, soit une hausse de 6,6% par rapport à la loi de finances 2025. Les recettes budgétaires devraient s’établir à 8.009 milliards de dinars en 2026, puis à 8.187,2 milliards en 2027 et 8.412,7 milliards en 2028, malgré le recul anticipé de la fiscalité pétrolière qui passerait de 2.697,9 milliards de dinars en 2026 à 2.513,5 milliards en 2028. Les recettes non pétrolières devraient croître à un rythme annuel moyen de 1%, portées par les recettes fiscales qui progresseraient de 6,6% par an. Le déficit budgétaire, bien que persistant, devrait se réduire progressivement de 12,4% du PIB en 2026 à 11,2% en 2028, traduisant les efforts de maîtrise des dépenses publiques sans renoncer aux engagements sociaux.

Salaires et logement : maintien du cap social

Le volet social du projet de loi de finances 2026 témoigne de la volonté des pouvoirs publics de préserver le pouvoir d’achat et d’améliorer les conditions de vie des citoyens. La masse salariale atteindra 5.926 milliards de dinars en 2026, incluant les salaires des établissements publics à caractère administratif pour 1.241,57 milliards de dinars, soit 33,6% du budget de l’État. Cette enveloppe enregistre une augmentation de 83 milliards de dinars, soit 1,4% par rapport à 2025. Les transferts sociaux occupent également une place prépondérante avec 2.812 milliards de dinars destinés au soutien des institutions publiques et organismes sous tutelle, dont 1.768 milliards pour les établissements à caractère administratif. Les transferts aux personnes représentent 2.284 milliards de dinars, comprenant notamment l’allocation chômage pour 420 milliards de dinars bénéficiant à 2.184.560 personnes, ainsi que 424 milliards pour les retraites et pensions.

Les subventions aux produits de large consommation, tels que les céréales, le lait, l’eau dessalée, l’énergie, le sucre, l’huile et le café, atteindront près de 657 milliards de dinars. L’ensemble des subventions sous toutes leurs formes culminera à 5.753 milliards de dinars. Le texte prévoit d’ailleurs la prolongation jusqu’au 31 décembre 2026 des exonérations fiscales accordées sur l’huile brute, le café, les légumes secs, les viandes blanches et rouges, confirmant la volonté de stabiliser les prix à la consommation. Les dépenses d’investissement sont évaluées à 4.073,8 milliards de dinars en crédits de paiement, destinées notamment aux infrastructures et projets de développement.

Sur le plan immobilier, le projet de loi de finances 2026 consacre d’importantes ressources au secteur du logement et de l’urbanisme avec une enveloppe de 344,49 milliards de dinars en autorisations d’engagement et 589,23 milliards en crédits de paiement. Le programme prévoit la réalisation de 10.000 logements publics locatifs à travers les wilayas, ainsi que le lancement de 300.000 unités dans la formule location-vente. Un allègement fiscal de 100% est instauré sur les intérêts des crédits octroyés par les banques publiques pour financer ces programmes de location-vente. Les délais sont également prolongés jusqu’au 31 décembre 2026 pour permettre aux occupants de logements publics locatifs à caractère social, financés définitivement par le budget de l’État, de déposer leurs demandes d’acquisition. Le taux d’intérêt sur les prêts accordés par les banques et établissements financiers dans le cadre de la finance islamique pour l’acquisition, la construction ou l’aménagement d’un logement sera réduit au profit des fonctionnaires occupant certains postes. Les travaux concernant le métro d’Alger, les extensions du tramway à Alger et Constantine, ainsi que les nouveaux projets de tramway à Mostaganem et les téléphériques dans plusieurs villes bénéficieront de financements substantiels.

Nouvelles taxes et lutte contre l’évasion fiscale

Sur le plan des mesures législatives, le projet de loi de finances 2026 introduit un dispositif renforcé de lutte contre l’évasion fiscale, phénomène considéré comme la principale source de l’économie informelle en Algérie. Les amendes infligées aux auteurs d’infractions fiscales, y compris celles liées à la taxe sur la valeur ajoutée, seront significativement alourdies dans une logique dissuasive. Les pénalités de retard passent du simple au double, de 1% à 2%, avec l’affectation de 30% du produit de ces pénalités à l’amélioration du contrôle fiscal. Un régime exceptionnel de régularisation fiscale volontaire est instauré, permettant aux contribuables de régulariser leur situation jusqu’au 31 décembre 2026 moyennant un taux forfaitaire de 10%, sans application de sanctions fiscales. Cette mesure vise à encourager le retour à la conformité fiscale tout en élargissant l’assiette imposable. Le texte prévoit également une réduction du taux de l’impôt sur le revenu global applicable aux dividendes perçus par les personnes physiques résidentes, passant de 15% à 10%. Un taux forfaitaire de 40% du prix de vente est appliqué pour le calcul de la plus-value sur la cession d’immeubles bâtis et non bâtis aux fins du calcul de l’impôt sur le revenu global. Les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel atteint ou dépasse deux milliards de dinars seront soumises à de nouvelles obligations déclaratives. Le projet prolonge également de deux ans au lieu d’un an la période d’exonérations fiscales accordées aux startups en cas de renouvellement de leur label, et étend les avantages fiscaux octroyés aux incubateurs d’entreprises.

Contrebande et fuite des devises : arsenal renforcé

Le projet de loi de finances 2026 déploie aussi un dispositif strict contre le blanchiment d’argent et la fuite des capitaux. Le seuil de déclaration des devises à l’entrée ou à la sortie du territoire national est unifié et abaissé à 1.000 euros ou l’équivalent en autres devises étrangères pour tous les voyageurs, qu’ils soient résidents ou non. Cette obligation s’applique aux billets de banque, pièces de monnaie, moyens de paiement au porteur, effets de commerce, valeurs et titres de créance négociables au porteur ou endossables, ainsi qu’aux métaux et pierres précieux. L’acheminement de moyens de paiement, y compris les métaux précieux, par poste ou courrier express est désormais interdit. Les douaniers sont habilités à saisir ces valeurs à titre conservatoire en cas de soupçon de blanchiment d’argent, et peuvent exiger toutes les informations et documents relatifs à la provenance et à la destination des fonds transportés. Les activités de négoce de métaux précieux font l’objet d’une régulation renforcée. Tous les artisans, fabricants, exportateurs et négociants d’or, d’argent et de platine ont désormais l’obligation d’obtenir un agrément préalable délivré par l’administration fiscale, susceptible de révocation en cas de non-respect des exigences légales. Un délai supplémentaire est accordé aux négociants pour la liquidation des stocks de produits fabriqués localement ou de provenance inconnue, sous réserve du respect des normes légales. La taxe dite carburant appliquée aux passages frontaliers est révisée à la hausse, passant de 3.500 à 5.000 dinars pour les véhicules légers, tandis qu’elle est maintenue à 12.000 dinars pour les autobus et camions de plus de dix tonnes. Pour les véhicules traversant plusieurs fois la frontière dans la même journée, une taxe progressive est instaurée, débutant à 1.000 dinars et augmentant à chaque passage, pouvant atteindre 25.000 dinars pour quatre passages ou plus. Ces mesures visent à lutter contre la contrebande de carburant et les mouvements transfrontaliers suspects.

Le projet introduit également une hausse des tarifs de la taxe spécifique applicable à l’achat de yachts et bateaux de plaisance, avec extension de son champ d’application aux jet-skis dont le tarif est fixé à 400.000 dinars, avec affectation de 20% du produit de cette taxe au Fonds national de retraite. Le délai d’exercice du droit de préemption de l’État sur les biens immobiliers est réduit, et les exceptions dans lesquelles ce droit ne peut être exercé sont plus clairement définies. Les marchandises confisquées au profit de l’État en vertu de décisions judiciaires définitives sont exemptées du paiement des droits et taxes douanières ainsi que des amendes de retard, à condition que l’importation ait été effectuée dans le respect de la réglementation.

Importations : véhicules d’occasion et renouvellement du parc de transport

Le projet de loi de finances 2026 apporte des changements majeurs dans le domaine des importations automobiles. Pour la première fois, les Algériens immatriculés auprès des consulats d’Algérie à l’étranger pourront dédouaner des véhicules d’occasion de moins de cinq ans lors de leur retour définitif au pays. Cette mesure, très attendue par la diaspora, constitue une évolution significative du Certificat de changement de résidence qui était jusqu’à présent limité aux véhicules neufs. Les ressortissants algériens doivent justifier d’un minimum de trois ans de résidence ininterrompue à l’étranger et ne pas avoir bénéficié auparavant d’un CCR. Les agents diplomatiques et consulaires sont également concernés par cette disposition qui entrera en vigueur dès le 1er janvier 2026 si le texte est adopté par le Parlement. Le projet prévoit toutefois un encadrement strict des opérations de dédouanement afin de garantir la conformité des véhicules neufs et d’occasion aux normes de sécurité et environnementales.

Dans le cadre du renouvellement du parc de transport public, le texte accorde une exonération douanière totale pour l’importation de 10.000 autobus destinés au transport de dix passagers ou plus, conformément aux instructions des autorités publiques lors du Conseil des ministres du 3 septembre 2025. Cette exonération, applicable dès le 1er octobre 2025, couvre l’ensemble des droits et taxes y compris le droit additionnel provisoire de sauvegarde, la contribution de solidarité et le prélèvement. Elle s’étend également aux pièces et composants importés séparément pour les véhicules non assemblés. Un agrément délivré par le ministère de l’Industrie sera exigé lors du dédouanement. Cette mesure vise à moderniser la flotte de transport collectif, répondre aux besoins des transporteurs et assurer le respect des normes de sécurité dans ce secteur vital.

Le projet de loi de finances 2026 inscrit résolument l’Algérie dans la transition énergétique avec l’exonération de la vignette automobile pour les véhicules électriques et hybrides, dans le cadre du développement des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert. En contrepartie, l’exonération précédemment accordée aux véhicules équipés de GPL carburant est supprimée, ce combustible connaissant un engouement tel qu’il impacte les quantités de gaz de pétrole liquéfié destinées à l’exportation. Un programme d’installation de 1.000 bornes de recharge ultra-rapide pour véhicules électriques sur les autoroutes, zones urbaines et stations-service traduit l’engagement de l’État dans la réalisation de ses objectifs climatiques à l’horizon 2050. Les tarifs de contrôle technique des véhicules et motocycles sont revus à la hausse, de même que le droit de consommation sur les carburants pour les autobus, véhicules utilitaires et camions à leur sortie des frontières.

Amar Malki

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