Le Président Tebboune dévoile sa vision pour la réforme du secteur : Une justice au service des ambitions économiques et sociales
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a dévoilé dimanche à Alger une vision ambitieuse pour une justice algérienne en phase avec les mutations profondes que connaît le pays.
Présidant l’ouverture de la nouvelle année judiciaire 2025-2026 en sa qualité de président du Conseil supérieur de la magistrature, le chef de l’État a tracé les contours d’une refonte globale du système judiciaire, conçue comme un levier indispensable pour accompagner la transformation économique et sociale de l’Algérie. Au cœur de cette approche : adapter l’arsenal juridique national aux réalités d’une économie en pleine mutation et aux aspirations d’une société qui évolue à grande vitesse. Dans un discours-programme détaillé, Abdelmadjid Tebboune a posé les fondements d’une philosophie réformatrice où la justice n’est plus seulement une institution régalienne, mais un véritable outil de développement et de consolidation de l’État de droit. Cette vision globale place le système judiciaire au centre d’un triptyque stratégique : garantir les droits et libertés des citoyens, créer un environnement propice à l’investissement et à la croissance économique, et lutter implacablement contre la corruption qui ronge le tissu social et économique. L’annonce de la promulgation du statut de la magistrature avant la fin de l’année 2025 vient concrétiser cette ambition, en offrant aux magistrats un cadre renforcé pour exercer leurs missions en toute indépendance.
Rupture avec les dysfonctionnements du passé
Le président de la République a d’emblée situé sa démarche dans une perspective de rupture avec les dysfonctionnements du passé. « Ces dernières années, nous avons initié de nouveaux textes juridiques et entamé la révision en profondeur d’autres lois, conformément aux engagements que j’ai pris pour la moralisation de la vie publique et la lutte contre les dérives et la corruption, qui portent atteinte à nos valeurs religieuses et culturelles et à notre identité nationale », a-t-il affirmé. Cette réforme, loin d’être une simple refonte technique, s’inscrit dans un projet plus vaste de régénération de la gouvernance publique, où le droit devient l’instrument privilégié pour assainir les pratiques et restaurer la confiance entre l’État et ses citoyens. Au cœur de la philosophie défendue par le chef de l’État figure la conviction que le système juridique doit impérativement épouser les transformations rapides que traverse la société algérienne. « Au regard de la vitesse à laquelle se développe notre pays sur le plan économique, notamment en matière d’économie de la connaissance, il est impératif de s’adapter aux évolutions et d’élaborer de nouvelles lois dans ce sens », a souligné Abdelmadjid Tebboune. Cette exigence d’adaptation permanente témoigne d’une prise de conscience essentielle : dans un monde globalisé et digitalisé, le droit ne peut plus être statique, il doit anticiper les changements plutôt que de les subir. Le Président Tebboune a insisté sur le fait que la majeure partie du nouvel arsenal juridique élaboré « vise à servir directement les citoyens en matière de droits et libertés, à adapter les institutions dans ce sens et à renforcer les acquis des droits de l’Homme qui sont indissociables ». Cette approche place l’individu au centre du dispositif réformateur, en créant « un environnement favorisant l’adaptation du système juridique aux progrès technologiques et socioéconomiques que connaît notre pays ». Il ne s’agit donc pas simplement de moderniser des textes, mais de repenser l’ensemble du cadre juridique pour qu’il serve de catalyseur aux aspirations individuelles et collectives.
Une justice modernisée pour sécuriser le développement économique
La dimension économique de cette refonte judiciaire occupe une place centrale dans le discours présidentiel. Abdelmadjid Tebboune a rappelé que « compte tenu de la vitesse à laquelle notre pays se développe et de l’évolution des approches économiques et d’investissement, l’élaboration de nouvelles lois s’impose, d’autant plus qu’au moins 85% des transactions économiques sont désormais libres, s’effectuant entre opérateurs privés ou entre l’État et des opérateurs privés ». Ce chiffre révélateur illustre la mutation profonde du modèle économique algérien, passé d’une économie largement administrée à un système où l’initiative privée devient prédominante. Cette libéralisation massive appelle naturellement un cadre juridique robuste, capable de sécuriser les transactions, de protéger les investisseurs et de réguler les rapports économiques dans la transparence. Pour accompagner cette transformation, le président de la République a annoncé que les textes en cours d’élaboration seront « consolidés par des textes complémentaires visant à encadrer l’initiative en matière économique, commerciale et d’investissement, à consacrer la transparence et l’intégrité et à renforcer la lutte contre la corruption ». Cette architecture juridique renouvelée doit créer un écosystème favorable à l’entrepreneuriat et à l’innovation, tout en établissant des garde-fous contre les dérives. La lutte contre la corruption, qualifiée de « priorité absolue dans la démarche que nous menons avec une détermination politique sans faille », apparaît comme le fil rouge de cette refonte, condition sine qua non pour assainir le climat des affaires et restaurer la confiance des opérateurs économiques. Le chef de l’État a présenté le nouveau code de procédure pénale comme l’illustration parfaite de cette philosophie d’adaptation aux besoins du développement. Ce texte, a-t-il expliqué, « confèrera davantage d’efficacité au pouvoir judiciaire, en garantissant la sécurité juridique, conformément aux exigences de la lutte contre la criminalité, protègera les droits et libertés, renforcera les règles du procès équitable, facilitera l’accès à la justice, encouragera l’investissement et établira les fondements de la sécurité économique au sens large ». Cette énumération traduit la volonté de faire du droit pénal non pas seulement un instrument répressif, mais aussi un outil de sécurisation de l’environnement économique et social.
Multiplier les tribunaux de commerce
Parmi les autres textes révisés ou en cours d’adoption, le président a cité la loi relative à la prévention et à la répression de l’usage et du trafic illicites de stupéfiants, celle concernant le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, ainsi que la loi sur la protection des données personnelles. Chacun de ces textes répond à des défis contemporains spécifiques, qu’il s’agisse de menaces sécuritaires, de flux financiers illicites ou de protection de la vie privée à l’ère numérique. Leur révision simultanée témoigne d’une approche systémique où tous les aspects de la vie sociale et économique sont pris en compte. Face à l’accumulation des contentieux commerciaux qui nuit à l’image de la justice et au climat des affaires, le président Tebboune a appelé à multiplier les tribunaux de commerce pour résorber les dossiers qui « donnent aux citoyens la fausse impression d’une justice lente dans ses décisions ». Cette mesure concrète s’inscrit dans une logique plus large de fluidification des procédures et de rapprochement de la justice des justiciables, permettant aux opérateurs économiques de résoudre leurs litiges dans des délais raisonnables et aux entreprises de prospérer dans un cadre juridique prévisible. Le président de la République a par ailleurs réaffirmé les principes cardinaux devant guider l’action judiciaire dans cette nouvelle ère. Il a insisté sur « l’importance de consacrer le principe de la défense et de la présomption d’innocence, comme une des garanties fondamentales d’un procès équitable et d’une protection contre les abus ». Pour lui, « la véritable justice repose sur l’équité, le rapprochement et l’interaction positive avec les citoyens, l’amélioration des services et la lutte, avec fermeté et rigueur, contre toutes les formes de corruption et de criminalité qui menacent le tissu social ». Cette conception humaniste de la justice, attentive aux droits individuels tout en étant ferme contre les délinquances, dessine les contours d’un système équilibré, ni laxiste ni autoritaire. La modernisation technologique du système judiciaire constitue un autre pilier de cette transformation. Le président s’est félicité des « progrès réalisés par le secteur dans le processus de transition vers un système de justice numérique », soulignant que « des ressources humaines qualifiées et compétentes dans ce secteur constituent un facteur clé pour incarner le principe d’indépendance, qui découle de l’individu et d’un engagement total à instaurer une justice rassurante et plus proche des citoyens, tendant à simplifier ses procédures ». La digitalisation n’est pas ici une fin en soi, mais un moyen de rendre la justice plus accessible, plus rapide et plus transparente, tout en allégeant la charge administrative qui pèse sur les magistrats.
Abdelmadjid Tebboune a rendu un hommage appuyé aux magistrats intègres qui « exercent leurs nobles missions, armés de valeurs morales, de savoir et de vertu, et qui sont attachés au devoir de réserve et de prudence qui leur sont dictés par leur statut distingué dans la société ». Ces professionnels, a-t-il dit, « font honneur au secteur de la justice, qui a réalisé des progrès notables sur la voie de la modernisation et de la consécration des méthodes de travail modernes ». Le chef de l’État a également rappelé qu’il insiste « constamment, dans ses directives adressées au Gouvernement, sur la nécessité d’une prise en charge optimale des personnels du secteur de la justice », soulignant l’importance de « prendre en charge les besoins courants des magistrats afin de leur permettre de se consacrer entièrement à leurs missions ». Cette attention portée aux conditions d’exercice de la magistrature n’est pas anodine : elle traduit la conscience que l’indépendance de la justice ne peut être réelle que si les magistrats jouissent d’un statut et de moyens leur permettant de résister aux pressions et de se consacrer sereinement à leur office. Le nouveau statut de la magistrature, dont la promulgation a été annoncée avant la fin 2025, devrait concrétiser cette ambition en renforçant les garanties statutaires et matérielles de la profession.
En conclusion de son allocution, le président de la République a situé cette réforme dans une perspective historique et patriotique. Il a réitéré « sa ferme détermination à mobiliser et à mettre à disposition tous les moyens humains et matériels pour garantir une justice indépendante et intègre, inspirant la confiance et reflétant l’État de droit, et ce, par fidélité au vaillant peuple algérien et aux valeureux martyrs ». Ces réalisations, a-t-il estimé, « contribueront à améliorer le climat des affaires dans notre pays, qui connaît actuellement une transformation économique prometteuse, et encourageront les entreprises économiques à prospérer, grâce à la contribution efficace du secteur de la justice ».
Cette vision ambitieuse fait du système judiciaire l’un des piliers de la construction d’une Algérie moderne, prospère et respectueuse des droits de ses citoyens, en phase avec les standards internationaux tout en préservant son identité et ses valeurs.
Hocine Fadheli