Banque d’Algérie : Des règles comptables renforcées pour la finance islamique
La Banque d’Algérie poursuit la structuration des activités de finance islamique en publiant deux règlements qui établissent pour la première fois un cadre comptable détaillé et contraignant pour les établissements pratiquant la finance conforme à la charia. Ces textes, le règlement 25-10 et le règlement 25-11 du 24 juillet 2025, imposent aux banques islamiques et aux guichets dédiés un plan comptable distinct de celui de la finance conventionnelle, marquant ainsi une séparation nette entre les deux systèmes. Cette initiative répond à une nécessité pratique devenue urgente depuis l’autorisation officielle des opérations bancaires islamiques en Algérie. Jusqu’à présent, les établissements qui proposaient des produits conformes à la charia utilisaient les mêmes outils comptables que la finance classique, ce qui posait des problèmes d’identification et de traçabilité des opérations. Désormais, toute banque disposant de guichets exclusivement dédiés à la finance islamique, ainsi que les établissements qui exercent uniquement ce type d’activité, devront appliquer un plan de comptes spécifique identifiable par le suffixe « A » ajouté à chaque numéro de compte. Le règlement 25-10 introduit huit classes de comptes adaptées aux spécificités de la finance islamique. La classe 1 couvre les opérations de trésorerie et interbancaires, incluant notamment les contrats Moudaraba et Wakala, qui remplacent les prêts avec intérêts de la finance conventionnelle. La classe 2 regroupe les opérations avec la clientèle, détaillant les différents types de financements conformes à la charia comme la Mourabaha pour le commerce, l’Istisna’a pour la construction, ou encore le Salam pour les produits agricoles. Une particularité notable concerne la classe 5 qui intègre deux réserves spécifiques à la finance islamique : la réserve de péréquation des bénéfices et la réserve pour risque d’investissement, destinées à lisser les résultats et protéger les déposants.
Le texte accorde une attention particulière aux créances douteuses, classées en trois catégories : les créances à problèmes potentiels, les créances très risquées et les créances compromises. Cette classification détaillée doit permettre un suivi rigoureux de la qualité des actifs. Les marges et profits non recouvrés font l’objet de comptes séparés, une exigence qui traduit la volonté de transparence du régulateur sur la rentabilité réelle des opérations.
Le règlement 25-11 complète ce dispositif en définissant les états financiers que les établissements devront publier. Au-delà du bilan et du compte de résultats classiques, les banques islamiques devront produire un tableau spécifique sur l’évolution des comptes d’investissements restreints, ces placements où les clients assument directement les risques et bénéfices des projets financés, selon le principe du partage des pertes et profits. Cette exigence de publication, qui devra intervenir dans les six mois suivant la clôture de l’exercice au bulletin officiel des annonces légales, vise à renforcer la confiance du public dans ces établissements. Les banques concernées disposent d’un délai de 24 mois pour se conformer à ces nouvelles règles, à compter de la publication au Journal officiel. Elles devront transmettre semestriellement un rapport d’étape à la commission bancaire, l’autorité de supervision du secteur. Cette période de transition permettra aux établissements d’adapter leurs systèmes informatiques et de former leurs équipes aux spécificités de cette comptabilité. Cette réglementation s’inscrit dans le cadre de la loi monétaire et bancaire de juin 2023, qui avait déjà reconnu officiellement les opérations de finance islamique. Elle répond également aux normes internationales de l’industrie, notamment celles édictées par l’AAOIFI, l’organisation de référence en matière de standards comptables islamiques. En clarifiant les règles du jeu, l’Algérie espère attirer davantage de capitaux et satisfaire une demande croissante de la population pour des produits financiers conformes aux préceptes religieux, tout en garantissant la stabilité du système bancaire national.
Sabrina Aziouez