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Face à la colère populaire : Le Makhzen intensifie la répression

Le régime marocain répond par la force brute à la contestation sociale qui secoue le royaume depuis le 27 septembre.

Plus de 600 personnes ont été interpellées ces derniers jours, dont une centaine d’enfants et de mineurs, selon l’Instance marocaine de soutien aux prisonniers politiques (Himam). Ces chiffres, que l’organisation qualifie de « terrifiants », n’incluent même pas les personnes détenues puis relâchées par la police, témoignant de l’ampleur d’une campagne répressive sans précédent. Dans un communiqué sans concession, Himam dénonce une dérive autoritaire qui « reflète l’ampleur des atteintes portées à l’encontre du droit, de la liberté et l’intégrité physique et morale » des citoyens. L’instance s’alarme particulièrement des arrestations massives de mineurs, qu’elle considère comme une « violation évidente des procédures pénales ». Elle note avec une préoccupation croissante « la réduction inquiétante des espaces d’expression » au Maroc, signe d’un régime qui privilégie désormais ouvertement « l’approche sécuritaire au détriment du droit ». L’Association marocaine de défense des droits de l’Homme enfonce le clou en dénonçant « la poursuite de la répression » contre des jeunes manifestant pacifiquement pour des revendications légitimes. L’organisation pointe du doigt le nombre « excessif » d’arrestations et les « nombreux dépassements et les verdicts abusifs à l’encontre des prévenus dont des mineurs ». Plus grave encore, elle accuse les autorités d’inculper sans preuves de nombreuses personnes « afin de justifier les actes de violences qu’elles ont subies », instaurant un véritable « climat de terreur » dans le royaume. La répression judiciaire frappe avec une sévérité calculée pour briser le mouvement. Jeudi dernier, un manifestant a écopé de cinq ans de prison ferme, tandis qu’un autre avait été condamné la veille à une année d’emprisonnement. Ces peines dissuasives s’inscrivent dans une stratégie de terreur destinée à décourager toute velléité de contestation. Mais elles ne suffisent pas à éteindre la colère d’une jeunesse qui a fait sienne le slogan : « Restez sereins, nous poursuivrons la lutte ». Le parti de la Voie démocratique s’insurge contre cette escalade répressive et dénonce notamment les tirs à balles réelles contre les manifestants. Pour cette formation politique, ces agissements reflètent « la corruption et la tyrannie qui caractérisent le régime » marocain, un système bloqué qui ne peut répondre aux aspirations populaires que par la violence.

Samedi, malgré la répression féroce, les manifestations ont repris dans une douzaine de villes du royaume. À Rabat, Casablanca et Tanger, les jeunes du mouvement GenZ 212, fort de ses 200 000 membres sur les réseaux sociaux, ont ajouté une nouvelle revendication à leur cahier de doléances : la libération immédiate de leurs camarades emprisonnés. Ils appellent désormais au boycott de la CAN 2025, dont les stades coûteux incarnent le gaspillage des deniers publics pendant que les hôpitaux manquent de tout. Car derrière cette répression se cache l’incapacité chronique du régime à répondre aux besoins élémentaires de sa population. Avec une dette publique dépassant les 100% du PIB en 2025 et un service de la dette qui représente plus de dix fois le budget de la santé publique, la monarchie a choisi de museler une contestation qu’elle ne peut satisfaire. Le discours royal du 10 octobre devant le parlement, qui a délibérément ignoré les revendications du mouvement GenZ 212, a sonné comme un aveu d’impuissance déguisé en mépris. Le bilan humain de cette répression s’alourdit. Trois jeunes ont déjà été tués par les gendarmes dans la nuit du 1er octobre. Des centaines d’autres croupissent dans les geôles du royaume pour avoir osé réclamer des hôpitaux au lieu de stades. Le Makhzen a choisi son camp : celui de la répression aveugle plutôt que celui de l’écoute et du dialogue. Mais à tout juste deux mois du coup d’envoi de la CAN 2025, cette stratégie du pire pourrait bien se retourner contre un pouvoir qui refuse obstinément de voir que la colère populaire n’en est qu’à son début.

Lyes Saïdi

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