Bantu Film Festival 2025 : Triple consécration pour « Tayara Safra »
Le court-métrage d’Hadjer Sebata rafle trois prix au Bantu Film Festival 2025.
Le film algérien « Tayara Safra » (L’Avion jaune) de la réalisatrice Hadjer Sebata a remporté trois prix majeurs au Bantu Film Festival 2025 au Botswana : meilleur court-métrage, meilleure photographie et meilleurs costumes et maquillage, confirmant le retour en force du cinéma algérien sur les scènes africaine et internationale. Ce triple couronnement marque bien plus qu’un succès artistique passager. Il témoigne de la maturité d’une nouvelle génération de cinéastes algériens qui affirme une voix singulière dans le paysage cinématographique mondial. « Tayara Safra » transcende le simple exercice cinématographique pour devenir un cri esthétique et humaniste qui s’envole des cendres de l’histoire vers les espaces de liberté et de dignité. L’œuvre résonne parfaitement avec la thématique du festival, consacrée à la « déconstruction du colonialisme dans le récit du cinéma africain ». Hadjer Sebata propose un traitement visuel raffiné où se croisent mémoire, identité et résistance. Le film réussit à réinvestir la mémoire algérienne à travers le personnage d’une femme qui a porté la patrie dans son cœur et affronté le colonialisme avec patience, foi et détermination, demeurant témoin de la renaissance et de l’éternité nationale. Sur le plan symbolique, » Tayara Safra » convoque ce rêve collectif qui a toujours animé la conscience algérienne : le rêve d’émancipation de toute contrainte matérielle ou symbolique, l’élévation de la dignité nationale au rang de l’éternité. Cette vision se déploie dans un langage cinématographique imprégné de symbolisme, s’appuyant sur l’esthétique de la lumière et de l’ombre, l’équilibre du rythme et l’authenticité de l’interprétation, faisant parler l’image avant les mots.
Le film s’inspire d’un chant révolutionnaire emblématique du patrimoine algérien et met en lumière le combat méconnu des femmes algériennes face au colonialisme français. Au cœur du récit, Djamila, jeune Algérienne endeuillée par la perte de son frère durant la guerre de libération nationale, voit son deuil se muer en résistance, dans un voyage cinématographique où se mêlent réalité historique et envolées poétiques. Combattantes sur le terrain ou piliers silencieux de la société, ces figures féminines incarnent la mémoire collective d’une nation en lutte pour son émancipation. « Ce film continue de s’élever, portant la mémoire d’une nation et l’identité d’un cinéma algérien qui tisse ses récits à partir de la douleur de la mémoire et de la beauté de la résistance », confie la réalisatrice. Pour elle, participer à des festivals internationaux représente « une responsabilité accrue et un message artistique profond qui reflète la capacité du cinéma algérien à porter ses histoires vers le monde ». Elle conclut avec émotion : « Ce film est un hommage à toutes les femmes algériennes qui ont écrit un chapitre de la liberté, par leur sang, leur patience ou leur voix qui n’a cessé de raconter l’histoire de la patrie. »
Soutenu par le ministère de la Culture et des Arts à travers le Centre Algérien de Développement du Cinéma (CADC), ce projet démontre que le nouveau cinéma algérien est capable de retrouver son rôle de pionnier lorsque le professionnalisme technique rencontre la passion créative et la foi dans la mission de l’art. Les trois récompenses obtenues au Botswana s’ajoutent à un palmarès déjà impressionnant, puisque « Tayara Safra » avait été couronnée meilleure fiction court et moyen métrage à la 41ᵉ édition du prestigieux Festival Vues d’Afrique de Montréal, le jury saluant « l’alternance réussie entre le passé et le présent, un choix esthétique très original, une grande maîtrise des aspects techniques, ainsi qu’un cadre et un décor d’une justesse rare ». Cette reconnaissance ne constitue pas seulement un hommage à l’excellence d’un film ou d’une équipe, mais consacre l’émergence d’un parcours esthétique nouveau dans le cinéma algérien, un parcours qui redéfinit la relation entre l’art et l’identité, entre la mémoire et l’image, entre l’humain et le rêve.
Mohand Seghir

