Alors que le régime ignore les besoins de la population : Le Maroc à l’heure de la protestation

Deux années après le séisme dévastateur d’Al-Haouz et plus d’un mois après le début des manifestations de la GenZ 212, le Maroc connaît une vague de contestation sans précédent qui révèle le fossé grandissant entre un pouvoir sourd aux revendications populaires et une population exaspérée par des décennies d’injustice sociale et d’autoritarisme.

Entre victimes de catastrophes naturelles abandonnées à leur sort et jeunes déterminés à briser le cercle de l’oppression, le royaume traverse une crise profonde qui met en lumière les dysfonctionnements structurels d’un système politique dépassé. La Coordination marocaine des victimes du séisme d’Al-Haouz a annoncé l’organisation d’un sit-in de protestation devant le Parlement à Rabat lundi prochain pour dénoncer l’indifférence des autorités face à la situation dramatique dans laquelle se trouvent des milliers de familles qui vivent encore, deux ans après le tremblement de terre, sous des tentes en plastique et dans des conditions indignes. Dans un communiqué rendu public dimanche, la Coordination a affirmé que cette démarche intervient suite à l’échec du gouvernement à tenir ses promesses concernant la reconstruction des habitations et le relogement des victimes, considérant que la situation actuelle représente une atteinte avérée aux droits des citoyens et un recul quant aux engagements annoncés dans la déclaration gouvernementale du 14 septembre 2023. Selon la Coordination, les chiffres relatifs aux montants des compensations ne sont pas précis et de nombreuses familles n’ont obtenu qu’une compensation partielle alors que leurs domiciles se sont effondrés complètement. L’absence de transparence concernant la gestion de ce dossier a aggravé la souffrance des habitants, notamment avec l’approche de l’hiver. La Coordination a appelé les mouvements citoyens et ceux des droits humains ainsi que les médias à se tenir du côté des victimes et à participer au rassemblement de protestation afin d’exiger des autorités de revoir leur gestion de ce dossier et de faire en sorte que les responsables rendent des comptes pour avoir lamentablement échoué à répondre aux besoins des victimes.

Parallèlement, le mouvement GenZ 212 poursuit sa mobilisation malgré les annonces du gouvernement le 19 octobre allant dans le sens de ses revendications avec des mesures pour l’éducation et la santé. Le mouvement a répondu par deux soirées de manifestations samedi et dimanche, les protestataires étant déterminés à poursuivre le mouvement tant que toutes les personnes arrêtées depuis le début des manifestations n’auront pas été libérées. Le parti de la Voie démocratique ouvrière a affirmé dans un communiqué que les manifestations pacifiques croissantes que connaît le royaume ne constituent pas un événement passager, mais une expression sincère d’une nouvelle conscience sociale en train de se cristalliser. Le parti a souligné que le Makhzen, comme à son habitude, n’a pas hésité à affronter ces manifestations par le fer et le feu, lâchant ses appareils policiers pour poursuivre et arrêter les jeunes et noyant les villes dans un climat d’intimidation et de militarisation. Au lieu d’ouvrir un dialogue sérieux avec les manifestants concernant leurs revendications légitimes, le régime a choisi de poursuivre sa politique de répression, de déformation et de trahison dans une tentative ratée d’étouffer la colère populaire alimentée par des décennies d’injustice sociale et d’inégalité de classe flagrante.

L’historien et expert marocain Mustapha Bouaziz a affirmé dans une lettre ouverte que la nouvelle génération de la jeunesse marocaine est capable de briser le cercle ancien de l’oppression et de fabriquer une alternative démocratique, à condition de ne pas tomber dans l’isolement des générations précédentes ou de reproduire leurs erreurs, soulignant que le Maroc reste prisonnier d’une culture conservatrice qui reproduit le même modèle autoritaire malgré le changement des slogans et des plans de développement.

Lyes Saïdi