France-Algérie : Nuñez plaide rompt avec la politique du « bras de fer »
Alors que les relations entre Paris et Alger traversent l’une de leurs plus fortes zones de turbulence depuis des décennies, le ministre français de l’Intérieur, Laurent Nuñez, a choisi de rompre avec la ligne dure incarnée par son prédécesseur.
Dans un entretien publié samedi 1ᵉʳ novembre par Le Parisien, il met en garde contre la « méthode du bras de fer » adoptée vis-à-vis de l’Algérie, quelques jours après que l’Assemblée nationale française a voté une résolution visant à « dénoncer » l’accord migratoire de 1968. Un geste lourd de symboles, qui a provoqué un nouvel accès de tension entre les deux pays. « Ceux qui font croire aux Français que le bras de fer et la méthode brutale sont la seule solution, la seule issue, se trompent. Ça ne marche pas, dans aucun domaine », a déclaré Laurent Nuñez, regrettant « les conditions dans lesquelles s’est déroulé ce vote ». Selon lui, « le canal est totalement coupé aujourd’hui avec Alger », conséquence directe, dit-il, de la politique de confrontation menée ces derniers mois. Ce constat sans fard tranche avec la rhétorique souverainiste qui domine dans une partie de la classe politique française depuis la montée en puissance du Rassemblement national. Le ministre plaide, à rebours de cette logique, pour un retour au dialogue et à la coopération. « Je constate que le bras de fer n’a pas produit de résultat », admet-il, rappelant que la coopération sécuritaire entre la France et l’Algérie, essentielle notamment dans la lutte antiterroriste au Sahel, est aujourd’hui à l’arrêt. « Nous n’avons plus de laissez-passer consulaires », déplore-t-il encore, soulignant les effets concrets d’une crise diplomatique qui, au-delà du symbole, pèse sur la sécurité et la gestion migratoire des deux pays.
Cette prise de parole marque une inflexion dans la ligne du gouvernement français. « Il y a des signaux », confie-t-il, précisant que son homologue algérien lui a « récemment écrit pour [l’]inviter ». Un geste perçu comme une ouverture prudente d’Alger, après plusieurs mois de gel diplomatique consécutifs à la crise du printemps dernier, marquée par l’expulsion d’agents consulaires et la suspension de la coopération judiciaire.
La dénonciation de l’accord migratoire de 1968, signé au lendemain de l’indépendance algérienne, est devenue un cheval de bataille de l’extrême droite française, qui y voit un « privilège migratoire » injustifié. Mais pour de nombreux observateurs, cette offensive politique met à mal un équilibre fragile. En rompant un texte fondateur des relations bilatérales, la France fragilise les passerelles de dialogue qu’elle prétend pourtant vouloir préserver. Dans ce contexte, l’appel à la raison lancé par Laurent Nuñez prend une résonance particulière. « Le bras de fer n’a rien produit », martèle-t-il, s’adressant autant à l’opinion française qu’à ses propres collègues du gouvernement. Derrière cette déclaration, se lit une double reconnaissance : celle des limites d’une diplomatie de confrontation, et celle de la nécessité, pour Paris, de reconstruire un lien de confiance avec Alger — un partenaire incontournable sur les questions migratoires, sécuritaires et mémorielles.
Hocine Fadheli

