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Soudan : L’ONU alerte sur une crise humanitaire devenue « incontrôlable »

Le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a lancé mardi un appel urgent pour mettre fin à la violence au Soudan, lors d’une conférence de presse en marge du deuxième sommet mondial pour le développement social à Doha, au Qatar.

Antonio Guterres a exhorté les parties belligérantes à « venir à la table des négociations » et à « mettre fin à ce cauchemar de violence, maintenant ». Le chef de l’ONU n’a pas caché son inquiétude face à l’ampleur de la tragédie humanitaire, affirmant que « la crise horrifiante au Soudan est en train de devenir incontrôlable ». Cette alerte fait écho aux données alarmantes collectées sur le terrain par diverses organisations internationales.

Le conflit oppose depuis plus de deux ans l’armée régulière soudanaise aux Forces de soutien rapide (FSR). Selon les estimations des Nations unies, cette guerre a déjà fait des dizaines de milliers de morts et contraint près de douze millions de personnes à fuir leurs foyers, générant ce que l’organisation qualifie de pire crise humanitaire au monde actuellement. La situation s’est particulièrement aggravée depuis la prise de la ville d’El-Fasher, capitale de l’État du Darfour-Nord, par les FSR le 26 octobre dernier. Cette offensive a déclenché un exode massif de la population civile. Selon l’ONU, des dizaines de milliers de Soudanais ont fui l’avancée des combats dans une vaste région à l’est du Darfour dans les jours qui ont suivi la chute de la ville. Les violences perpétrées contre les civils ont atteint des niveaux particulièrement préoccupants. L’ONG Acled, qui répertorie les victimes de conflits à travers le monde en compilant des données provenant de sources diverses jugées fiables, a publié lundi des statistiques accablantes. Selon cette organisation, plus de 1500 civils ont été tués en octobre par les FSR. Depuis le début du conflit en avril 2023, Acled dénombre près de 49.800 morts au Soudan. La moitié de ces victimes ont été recensées dans les régions du Darfour-Nord et de Khartoum, avec respectivement 14.000 et 11.200 décès. L’organisation précise toutefois que ce bilan n’est pas exhaustif, de nombreuses victimes n’étant pas comptabilisées. Les témoignages des autorités locales révèlent l’ampleur des atrocités commises. Salma Ishaq, ministre d’État soudanaise au Bien-être social, a affirmé que les FSR ont tué 300 femmes au cours des deux premiers jours suivant leur entrée dans El-Fasher. Ces violences systématiques touchent également les infrastructures de santé, considérées comme sanctuarisées par le droit international humanitaire.

Lundi, le Réseau des médecins soudanais a rapporté qu’une frappe de drone menée par les FSR contre un hôpital pour enfants à Kornoi, dans le nord du Darfour, a tué sept civils et blessé cinq autres personnes, dont deux enfants hospitalisés. Dans son communiqué, l’organisation médicale a qualifié cette attaque de « crime de guerre à part entière », dénonçant « l’ampleur des tueries continues qui font des civils innocents des cibles quotidiennes ». Le réseau a ajouté que « viser un hôpital qui soigne des enfants n’est rien d’autre qu’une autre forme de terreur systématique et une attaque brutale contre la vie elle-même ». Tenant les FSR « pleinement responsables de ce crime », le Réseau des médecins soudanais a appelé la communauté internationale, les organisations de défense des droits humains et les instances médicales « à rompre leur silence honteux et à assumer leurs responsabilités face à un peuple exterminé sous les yeux du monde ».

Sur le plan juridique international, le bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a publié lundi un avertissement solennel concernant les exactions commises à El-Fasher. Dans un communiqué, l’institution basée à La Haye a déclaré que les atrocités perpétrées par les FSR dans la ville « pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité au sens du Statut de Rome », le texte fondateur de la Cour. Le procureur a souligné que « ces atrocités s’inscrivent dans un contexte de violence plus large qui ravage toute la région du Darfour depuis avril 2023 ».

Lyes Saïdi

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