Maroc : Une corruption institutionnalisée et amplifiée
Au Maroc, la condamnation de trente parlementaires pour corruption en quatre ans confirme l’ampleur d’un système gangrené où l’emprise du régime et la collusion entre argent et pouvoir attisent la colère sociale, aujourd’hui portée par les mobilisations du mouvement GENZ212. Les révélations médiatiques publiées dimanche lèvent un peu plus le voile sur une dérive institutionnelle devenue structurelle. Selon ces rapports, trente députés ont été condamnés à des peines de prison pour des affaires de corruption depuis 2021. À la tête de cette liste figure le Rassemblement national des indépendants, avec huit élus impliqués, suivi du Parti authenticité et modernité, dont quatre députés ont été condamnés. Au total, quatorze parlementaires issus de l’opposition sont concernés, dont le plus récent, Mohamed Krimen, membre du Parti de l’Istiqlal, condamné à sept ans de prison ferme. Autant d’affaires qui alimentent le scepticisme général et interrogent la probité d’élus censés défendre les intérêts de la population. Ce chiffre, déjà alarmant, ne représente toutefois que « la partie émergée de l’iceberg », les observateurs estimant que les responsables corrompus, à l’intérieur comme à l’extérieur du Parlement, sont « des multiples de ce nombre ». L’année 2024 a ainsi marqué un tournant, avec un niveau jugé « dangereux » de prolifération de la corruption, dans un contexte où l’autorité au Maroc s’est transformée en véritable alliance entre argent et pouvoir politique. Les critiques convergent sur le rôle du makhzen et de son entourage, accusés d’avoir accaparé les plus grandes transactions publiques, ainsi que la cession d’équipements et services publics à de grands groupes financiers.
Cette dérive s’est accentuée malgré les avertissements répétés sur les risques liés à la corruption systémique, touchant l’ensemble des rouages de l’État et des institutions publiques. Les organisations de lutte contre la corruption ont réclamé le renforcement des mécanismes de reddition des comptes et la protection des magistrats chargés de ces dossiers. Elles ont dénoncé avec « une grande fermeté » le retrait par le gouvernement de plusieurs textes législatifs destinés à combattre ce fléau, dont le projet de réforme du code pénal intégrant des dispositions essentielles sur l’enrichissement illicite. Les défenseurs des droits humains confirment que l’expansion de la corruption s’accompagne d’un affaiblissement des organes de contrôle et d’une corruption judiciaire persistante, favorisant l’impunité. La combinaison de ces facteurs facilite le contournement de la loi et offre un bouclier solide aux grands corrompus. Parallèlement, la domination croissante des notables, des grandes fortunes et des familles d’affaires sur le champ politique nourrit et consolide ce système. Les observateurs soulignent que le Maroc est passé d’un « modèle où la corruption servait l’autoritarisme » à un « modèle plus dangereux encore, où l’autoritarisme protège la corruption ». Ce climat, largement documenté, constitue l’un des ressorts majeurs de la contestation sociale actuelle. Les manifestations de la GENZ212, symboles d’un mécontentement profond, s’inscrivent dans cette dynamique : une jeunesse révoltée face à un régime verrouillé, et à un appareil politique miné par l’impunité et les privilèges. Dans un pays où les dérives du pouvoir se banalisent, ces scandales judiciaires ne font que renforcer une exaspération qui, de la rue aux réseaux sociaux, ne cesse désormais de s’amplifier.
Lyes S.

