Gouvernance des entreprises publiques / Libérer les managers publics
La gestion des entreprises publiques économique est au cœur du débat depuis quelques mois déjà. La multiplication des opérations d’assainissement financier et des plans d’aide mobilisés par les pouvoirs publics, en sus des crédits d’urgence dégagés par les banques publiques pour assurer la continuité du fonctionnement de certaines de ces entreprises a posé la problématique de la performance des entreprises publiques.
Le Premier ministre Aïmen Benabderrahmane avait indiqué, il y a quelques, au moment où il ne présidait qu’aux destinées du département des Finances, que désormais, l’aide publique aux EPE serait assujettie à leur performance et à leur management. Ce qui implique la gouvernance de ces entités économiques, ainsi que la responsabilité des managers publics qui seront assujettis à des contrats de performances.
C’est dans ce contexte justement que le Conseil économique, social et environnemental a organisé hier une rencontre sur la gouvernance des entreprises publiques et le rôle des conseils d’administration et des conseils de surveillance. L’occasion de se pencher sur la gestion des entreprises publiques et les conditions à réunir pour améliorer leur efficacité et leurs performances. Les participants ont d’ailleurs été unanimes à souligner la nécessité d’attirer les compétences aussi bien dans le top management des EPE, mais aussi au sein de leurs conseils d’administration. Il en est de même de la nécessité de libérer les managers publics des interférences politiques, laquelle a fait consensus au sein des intervenants.
Ce fut le cas de la professeure Yakout Akroune, experte en droit des affaires qui appelé à « libérer » l’EPE en choisissant ses dirigeants sur la base de leurs compétences et leurs qualifications. Mme. Akroune a précisé que l’Etat actionnaire a le droit d’exiger aux EPE des performances, « sans interventionnisme excessif qui bloque l’initiative et la prise de risque en appliquant la règle du juste milieu ». Elle a préconisé, également, que « les membres du CA bénéficient d’une totale indépendance dans la prise de décision afin de pouvoir s’opposer à une décision du président du CA qu’ils jugent défavorable à l’entreprises », expliquant que « le rôle des membres du CA est d’orienter, de contrôler mais aussi de conseiller l’équipe dirigeante de l’EPE ». Mme. Akroune a ajouté que le président du conseil d’administration (PCA) ou président directeur général (PDG) d’une EPE (selon l’organigramme de l’entreprise) « doit être élu par ses pairs et non pas désigné par l’Etat en sa qualité d’actionnaire unique ».
Pour sa part, l’expert économiste, Naceur Bourenane, a mis l’accent sur « le choix judicieux des membres du CA selon leurs qualifications pour défendre au mieux les intérêts de l’entreprise ».
Le chef exécutif de l’Institut de gouvernance des entreprises Hawkama au Centre international financier de Dubaï, Dr Ashraf Gamal El Din, a expliqué, dans le même sens, que « si les administrateurs sont nommés par l’Etat, les entreprises perdront leur indépendance, notamment sur le plan économique », ajoutant que « les rôles des membres des CA consistent, notamment, à définir la stratégie de l’entreprise et agir dans l’intérêt de l’entreprise tout en gérant au mieux les risques ».
De son côté, Hans Christiansen, Senior economist à l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), a souligné que « le gouvernement doit accorder une plus grande autonomie aux administrateurs des EPE dans le but de leur permettre de résister à la concurrence », ajoutant « qu’un contrôle total de l’Etat de ses EPE leur ferait perdre leur statut d’entreprises au profit d’un statut d’institutions ». A ce titre, l’OCDE ne recommande pas, selon M. Christiansen, que « des ministres siègent dans les CA du fait que leurs fonctions au sein du gouvernement puissent influencer leurs décisions au sein du CA, ces décisions qui pourraient ne pas être dans l’intérêt de l’entreprise ». M.Christiansen a préconisé que les CA soient composés de moins de fonctionnaires et plus de professionnels du management.
Par ailleurs, le président du CNESE, Rédha Tir, a affirmé que cette rencontre vise à l’amélioration du dispositif managérial des EPE en améliorant la composante de leurs CA en matière de compétence, de vision prospective et d’indépendance, dans le but d’optimiser le rendement de ces entreprises en termes d’exploitation, d’investissement et de financement.
Samira Ghrib