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La solidarité est avant tout une obligation morale ! : Abbas à Alger, Gantz à Rabat et Bensaad dans Barlamane

Par Yazid Ben Hounet

Anthropologue, Chercheur

Texte initialement transmis au quotidien Liberté. Resté sans réponse. Il est regrettable que le lectorat de ce journal n’ait pas eu les éclairages qui suivront. 

« Il n’y a pas de liberté pour l’ignorant » (Condorcet).

Ali Bensaad a récemment publié un texte intitulé « La solidarité est d’abord une ‘charité’ pour soi-même » dans le quotidien algérien Liberté (15 décembre 2021). Qu’il propage ses élucubrations, et ses diffamations (notamment à mon égard), sur Facebook est une chose. Que ses tromperies soient publiées dans la presse algérienne en est une autre. Qu’on me permette donc d’apporter publiquement la contradiction à Ali Bensaad et surtout d’éclairer le lectorat algérien s’agissant de son texte plus que discutable.

Commençons par situer l’auteur et le contexte de publication. Ali Bensaad est un professeur des universités, exerçant en France, membre du centre GEODE (https://geode.science/team/bensaad-ali/), partenaire du centre de recherche des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, relevant du ministère français de la Défense (https://geode.science/partenariats/). Il est membre d’honneur de l’association EUROMED-IHEDN (ici : https://www.euromed-ihedn.fr/ils-ont-ecrit.html), liée à l’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale (en France). Comme écrit sur le site de l’IHEDN (ici : https://www.ihedn.fr/presentation-ihedn), ce dernier est un « Établissement public, à dimension interministérielle, placé sous la tutelle du Premier ministre (…). L’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) a pour mission de développer l’esprit de défense et de sensibiliser aux questions internationales ».

Ali Bensaad est l’un des rares chercheurs à avoir réussi « l’exploit » d’obtenir un poste de professeur des universités sans jamais avoir publié un seul ouvrage en son nom propre. Il tire sa « légitimité » scientifique essentiellement de quelques ouvrages qu’il a coordonné, et donc du bénéfice symbolique des contributions d’autres chercheurs. Connu comme étant un spécialiste du Sahara, il n’a « étrangement » jamais eu de posture critique s’agissant de la colonisation du Sahara occidental. Son analyse un peu « hors sol » de l’autonomie du Sahara s’articule de plus assez bien avec le plan d’autonomie proposé par le Maroc (plutôt que le référendum d’indépendance) . 

Présenté comme un spécialiste de géopolitique, il excelle en « sciences pathétiques » lorsqu’il s’agit de l’Algérie, développant des critiques acerbes, erronées et fortement orientées, à propos des actions menées par les autorités algériennes, sans jamais remettre en cause les intérêts français, marocains et israéliens en Afrique du Nord et au Sahel – ce qui est un comble pour quelqu’un qui prétend faire de la géopolitique.  

C’est ainsi que ce « professeur » a réussi récemment « l’exploit » de se voir offrir, en moins de deux semaines, une tribune dans le quotidien français Le Monde (19 octobre) et une autre à Radio France Internationale (1er novembre), toutes deux aussitôt reprises in extenso dans Barlamane (19 octobre et 2 novembre), l’un des médias de diffamation du Makhzen, servant, entre autres, à salir les journalistes marocains indépendants, avant, pendant et après leurs procès politiques. Pour information, Barlamane a repris sa deuxième « brillante analyse », le 2 novembre, juste après l’assassinat de trois de nos compatriotes, par l’armée du Makhzen, dans la bande du Sahara Occidental libérée par le Polisario. Bien entendu, ce crime de guerre n’a jamais fait réagir notre spécialiste en « sciences pathétiques ». 

Son dernier texte est donc dans le sillage de son « œuvre » : accabler les autorités algériennes, préserver les intérêts français, marocains et israéliens dans la région, en tentant d’influencer l’opinion publique en Algérie. Son texte part d’emblée d’une prémisse qui est erronée, et qui traduit une pensée colonisée par la doxa libérale, capitaliste, paternaliste de ses maitres. La solidarité, en effet, ce n’est ni l’aumône, ni la charité, fut-elle entre guillemets, et ni une affaire d’argent. C’est avant tout une obligation morale, traduisant la conscience d’une commune interdépendance. Le fait marquant n’a pas été les 100 millions de dollars donnés par l’Algérie à la Palestine – il appartient aux Palestiniens d’évaluer si ce petit geste a son utilité, actuellement – mais bien l’accueil en grande pompe du président Mahmoud Abbas à Alger quelques jours après la visite du ministre de la défense israélien au Maroc, un ministre en outre accusé de crime de guerre (bombardements de Ghaza). Mais cela, Ali Bensaad ne l’écrit pas. La solidarité algérienne vis-à-vis de la Palestine relève d’un autre registre que toutes ces aumônes octroyées par les grandes puissances (où les affaires de corruption existent également) pour se racheter une bonne conscience. C’est grâce à l’Algérie, et notamment le travail d’Abdelaziz Bouteflika, que Yasser Arafat a pris la parole à l’ONU en 1974 et que la Palestine en est devenue un membre observateur. C’est à Alger, en 1988, que l’État palestinien a été déclaré et c’est l’Algérie qui a été le premier État à le reconnaître. Tout cela les Palestiniens et les Algériens le savent. L’obligation morale que l’Algérie et les Algériens ont envers la Palestine et les Palestiniens, comme ils l’ont vis-à-vis du Sahara Occidental, dernière colonie d’Afrique, et des Sahraouis (mais aussi à l’égard d’autres peuples dans l’histoire), relève de la conscience d’une commune interdépendance, d’un commun engagement contre le colonialisme et le néo-colonisalisme. Il est ici question de principe, de morale et d’actions politiques et diplomatiques algériennes constantes ; il n’est pas question d’argent. Cela n’est que subsidiaire. 

Tout son propos n’est donc qu’un grand hors sujet, une énième tentative de déverser sa bile et de jouer l’intellectuel organique du régime franco-makhzen. Qu’en tire-t-il ? Est-il en service commandé ?  C’est là des questions que je me pose depuis fort longtemps.     

Quoiqu’il en soit, les solidarités, en termes d’obligations morales, d’Ali Bensaad sont limpides. Au lecteur de se positionner. Mais en toute conscience !

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