Trois régimes d’incitation instaurés par le projet de loi sur les investissements : Quels avantages pour les investisseurs ?
Le processus de réforme du cadre réglementaire régissant l’investissement entre dans sa dernière ligne droite. Un cadre qui instaure trois régimes d’incitation à l’investissement selon les secteurs prioritaires, les projets structurants et les zones à promouvoir.
Le projet de loi sur les investissements vient d’être transmis à la Chambre basse du Parlement pour débattre du texte, lequel doit permettre de rompre avec les pratiques qui ont freiné les flux d’investissement dans notre pays. En ce sens, le projet de loi sur les investissements, dont nous détenons une copie, introduit plusieurs nouveautés que ce soit en ce qui concerne les principes et le cadre juridique devant régir les investissements ou en ce qui concerne les garanties aux investisseurs et leurs obligations.
Une remise en ordre du cadre juridique et institutionnel de la promotion de l’investissement que l’exposé des motifs du texte estime nécessaire pour « la relance économique et qui constitue un axe essentiel des réformes structurelles pour stimuler durablement le redressement de notre économie ». Il s’agit surtout de remédier aux insuffisances constatées et établir un cadre réglementaire unique et stable pour pallier à « la prolifération et la disparité des dispositions » qui ont marqué ces dernières années et qui ont « impacté la promotion de l’investissement, en particulier celles qui étaient régulièrement prises au titre de chaque loi de finances rendant le cadre général de l’investissement instable et de plus en plus illisible », note le texte. C’est dans ce sens que le texte insiste sur la nécessité d’éviter les mesures insuffisamment maturées qui alourdissent le dispositif mis en place, de ne plus recourir à des changements récurrents du cadre légal à travers les lois de finances et de donner une stabilité à la loi pour lui permettre de produire les effets escomptés. Un texte qui garantit également la non-rétroactivité des dispositions postérieures à cette loi par une mesure explicitement introduite par le texte.
Trois régimes d’incitations fiscales
Au-delà, le projet de loi instaure un nouveau type d’incitations pour les investisseurs selon trois régimes, soit le régime d’incitation des secteurs prioritaires; le régime d’incitation des zones auxquelles l’Etat accorde un intérêt particulier et le régime d’incitation destiné aux investissements revêtant un caractère stratégique et/ou structurant.
Ainsi, le régime d’incitation des secteurs prioritaires concerne la substitution aux importations ; la diversification des exportations ; l’intégration des chaînes de valeurs locales et internationales et l’acquisition de technologie. Le texte précise que ce régime couvre plusieurs secteurs et pas seulement l’industrie. Il s’applique ainsi aux projets Industriels ; aux projets de réalisation d’infrastructures socio-économiques ; à la valorisation des ressources naturelles locales ; aux services et enfin aux projets agricoles. Autant dire qu’il couvre l’ensemble des activités économiques à l’exception du secteur des hydrocarbures régi, lui, par un texte spécifique. Les projets structurants et les zones à promouvoir qui constituent l’essentiel des deux régimes restants doivent par contre être définis par voie réglementaire selon les critères qui sont fixés par les pouvoirs publics.
Les investisseurs éligibles à ces régimes bénéficient outre les incitations fiscales, parafiscales et douanières prévues dans le cadre du droit commun, de plusieurs autres avantages à partir de la date d’enregistrement au niveau de l’ANDI qui devient à la faveur de cette loi « Algeria Invest ». Ainsi, au titre de la phase de réalisation l’investisseur bénéficie de l’exonération des droits de douane pour les biens importés et entrant directement dans la réalisation de l’investissement, de l’application du taux réduit de la TVA pour les biens et services importés ou acquis localement entrant directement dans la réalisation de l’investissement, et de l’exemption du droit de mutation à titre onéreux et de la taxe de publicité foncière pour toutes les acquisitions immobilières effectuées dans le cadre de l’investissement concerné. Il s’agit aussi de l’exemption des droits d’enregistrement, de la taxe de publicité foncière, ainsi que de la rémunération domaniale portant sur les concessions des biens immobiliers bâtis et non bâtis destinés à la réalisation de projets d’investissement, de l’exonération de la taxe foncière et de l’exonération des droits d’enregistrement frappant les actes constitutifs de sociétés et les augmentations de capital.
Au titre de la phase de réalisation, les incitations accordées aux investisseurs varient selon les régimes appliqués. Ainsi pour le régime des secteurs prioritaires, l’investisseur bénéficie pour une durée fixée selon une grille d’évaluation et allant de trois à cinq ans, après constat d’entrée en exploitation, de l’exonération de l’impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS) et de la taxe sur l’activité professionnelle (TAP). Il bénéficie aussi d’un abattement de 50% sur le montant de la redevance locative annuelle fixée par les services de l’administration des domaines. Pour ce qui est du régime des zones à promouvoir, l’Etat accorde en plus des avantages fixés pour la phase de réalisation, une franchise de la TVA pour les biens et services importés ou acquis localement entrant directement dans la réalisation de l’investissement. Pour ce qui est de la phase d’exploitation, l’investisseur bénéficie d’une exonération de l’IBS et de la TAP sur une période de cinq à dix ans fixé sur la base d’une grille d’évaluation et en fonction du lieu d’implantation du projet d’investissement.
Enfin, en ce qui concerne le régime des investissements stratégiques et/ou structurants, et durant la phase de réalisation, les investisseurs bénéficient en plus de la franchise de la TVA pour les biens et services importés ou acquis localement entrant directement dans la réalisation de l’investissement. Dans la phase d’exploitation, l’investisseur bénéficie d’un allongement de la durée des avantages d’exploitation sur une période pouvant aller de trois à dix ans, selon la grille d’évaluation. Des avantages qui peuvent être transférés à ses sous-traitants chargés de la réalisation de l’investissement. Le texte précise que « les avantages bénéficiant aux investissements stratégiques et structurants sont établis par voie de convention négociée entre l’investisseur » et Algeria Invest et est approuvée par le Conseil National de l’Investissement.
Des délais pour la réalisation des investissements
Notons que les investisseurs bénéficient à la faveur de cette loi de nombreuses autres garanties comme l’exemption des formalités du commerce extérieur et de domiciliation bancaire pour les biens neufs constituant un apport extérieur en nature et la garantie de transfert de l’investisseur étranger ainsi que le montant transférable sont déterminés en fonction de sa part de financement dans le coût total de l’investissement. Elle introduit aussi une disposition se rapportant à l’information sur l’offre foncière en matière d’octroi et de disponibilité des terrains relevant du domaine privé de l’Etat destinés à la réalisation des projets d’investissement. La réforme introduite par le texte mise en outre sur la facilitation de l’acte d’investir grâce à la limitation du nombre d’intervenants à travers la révision des prérogatives du Conseil National de l’Investissement (CNI) et l’attribution à Algeria Invest (ANDI) de missions en rapport avec les objectifs en matière de promotion de l’investissement, en plus de la création, auprès de l’agence, d’un guichet unique dédié aux grands projets d’investissement et des investissements étrangers et de la réorganisation des centres créés au niveau des guichets uniques décentralisés abritant l’ensemble des services habilités à fournir les prestations nécessaires à la création des entreprises, à leur soutien, à leur développement ainsi qu’à la réalisation des projets, par leur adaptation à la situation de chaque wilaya. Le projet de loi prévoit aussi la mise en place d’une plateforme numérique de l’investisseur au niveau de l’Agence Algérienne de Promotion de l’Investissement à l’effet d’assurer une interconnexion avec les organismes et administrations concernés par l’acte d’investir. Il n’en demeure pas moins que l’ensemble de ces avantages devra être contrebalancé par le respect des obligations par l’investisseur auquel cas les avantages lui seront retirés. Et l’une des obligations les plus importantes est l’astreinte à un délai pour la réalisation et l’entrée en exploitation du projet d’investissement. Ainsi, les investissements doivent être réalisés dans un délai maximum de trois ans pour les investissements relevant du régime des secteurs prioritaires et cinq ans pour les investissements relevant du régime des zones et du régime des investissements stratégiques et /ou structurants. Le texte précise que les délais de réalisation peuvent être prorogés pour une durée de douze mois au maximum. Ce délai peut être prorogé, une deuxième fois pour une durée de douze mois pour les investissements enregistrant un taux d’avancement important dans leur réalisation. Des dispositions qui s’appliquent également « aux investissements enregistrés et/ou déclarés sous l’empire » de la loi actuelle et de celles qui l’ont précédé.
Samira Ghrib