À la UneActualité

Règlement de la crise libyenne : L’ONU enlisée 

Le report des élections (législatives et présidentielle, Ndlr), censées inaugurer un nouveau gouvernement unifié et légitime, risque d’avoir un effet dévastateur sur les Libyens. Les observateurs le notent, plus ces scrutins tardent à être organisés plus la situation empire. 

Les atermoiements des uns et des autres ont déjà eu pour conséquence de faire revenir l’ex-Jamahiriya à la logique de confrontation entre l’Est et l’Ouest. C’est la raison pour laquelle sont enregistrés ces dernières semaines de plus en plus d’épisodes de violence dans le pays et notamment dans la banlieue de Tripoli. Soutenus par leurs milices respectives, les deux camps rivaux – la Chambre des représentants à l’Est et le Gouvernement d’unité nationale à l’Ouest – n’ont même pas encore réussi à s’entendre sur les articles clés d’une nouvelle constitution. En sommes, pas grand-chose n’a été accompli pour sortir le pays de la crise. Les acteurs internationaux contribuent également au problème par leur présence militaire préjudiciable sur le territoire libyen. Mais ces acteurs extérieurs pourraient encore faire partie de la solution si, plutôt que de semer la discorde, ils utilisaient leur influence pour faire pression sur leurs alliés libyens afin qu’ils recherchent un compromis qui profite à l’ensemble du pays.

Même l’ONU qui a pourtant déployé beaucoup d’efforts pour trouver un épilogue satisfaisant à la crise apparaît impuissante. Comme enlisée dans le bourbier libyen, les Nations Unies n’arrivent pas à remettre en marche la dynamique de paix initiée lors de la conférence de Berlin. Le 1er août dernier, la Conseillère spéciale du Secrétaire général de l’ONU pour la Libye, l’américaine Stéphanie Williams, avait démissionné de son poste après avoir sans doute constaté le peu de volonté de ses interlocuteurs de jouer le jeu.  Ce qui est inquiétant est qu’il n’y a pas eu jusqu’à présent d’accord sur son remplacement au niveau du Conseil de sécurité. Il est possible que cette situation perdure en raison des clivages importants qui opposent les acteurs extra-régionaux présents sur le terrain et les Libyens eux-mêmes.

Après le véto opposé par certains pays hostiles à l’Algérie à la candidature de l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères  Sabri Boukadoum au poste d’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye, c’est celle du sénégalais Abdoulaye Bathily qui vient d’être rejetée. En réalité, ce poste est vacant depuis la démission, il y a huit mois, du Slovaque Jan Kubis. A la différence que cette fois, l’opposition est venue de l’intérieur de la Libye. Ce sont en effet les Libyens qui ont annoncé officiellement leur opposition à la nomination d’Abdoulaye Bathily.

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité qui s’est tenue jeudi à New York, Tripoli a réclamé que son avis soit dorénavant pris en considération lors du choix du prochain émissaire. Son représentant à l’ONU Taher al Sonni a appelé à des discussions préalables « sérieuses et profondes » avec les Libyens avant de procéder au vote, afin d’éviter un échec de dernière minute. « Nous souhaitons que l’envoyé spécial soit africain, mais nous allons être plus sélectifs, nous cherchons, dit-il, une personnalité plus compétente et connaisseuse du dossier ». Des observateurs disent  comprendre pourquoi les Libyens sont sceptiques par rapport à la candidature d’Abdoulaye Bathily. Ils craindraient que le Sénégalais soit en réalité le cheval de Troie de la France qui soutient clairement Khalifa Haftar. Ce seigneur de guerre dont le quartier général se trouve en Cyrénaïque n’a jamais caché son projet de prendre le pouvoir par la force.  

En revanche, le Gouvernement d’union nationale dirigé par Abdelhamid Dbeibah ne désespère toujours pas d’obtenir l’assentiment du Conseil de sécurité de l’ONU pour désigner Sabri Boukadoum au poste d’envoyé spécial. Le diplomate algérien, de l’aveu de nombreux spécialistes étrangers, connaît bien le dossier libyen. Il a donc une chance de réunir les Libyens autour d’un Smig politique.  Dbeibah a par ailleurs confiance en l’Algérie car c’est le seul pays dans la région qui n’a pas de visées sur la Libye.  C’est la raison pour laquelle on dit qu’il fera tout pour imposer la piste algérienne.

Khider Larbi

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *