Partis politiques : L’heure du changement ?
Plusieurs personnalités politiques ont décidé de se retirer de la scène politique, du moins des structures de directions des formations qu’ils dirigent. La dernière d’entre elles est le président du conseil consultatif du Front pour la justice et le développement (FJD- El-Adala), Lakhdar Benkhellaf, qui a annoncé sa démission le jour de la tenue du congrès de son parti, dimanche dernier.Des annonces de retrait en cascade, notamment dans le camp islamiste. Dimanche dernier, alors que le congrès de son parti, le Front pour la justice et le développement (FJD- El-Adala), se tenait, l’ex-député Lakhdar Benkhellaf, annonce sa démission, sans donner de raisons précises. Certains, dans l’entourage du parti, lient cette décision avec la volonté de son chef, Abdallah Djabballah de rester encore à sa tête pour un autre mandat. Benkhellaf était tout destiné à lui succéder. Mais il se pourrait aussi que les raisons soient autres puisque le FJD n’est pas le premier parti politique à connaître une démission ou l’annonce d’un retrait. Pas plus tard que samedi 31 décembre dernier, le président du mouvement El Bina, Abdelkader Bengrina, a confirmé son souhait de se retirer de la présidence du parti lors du prochain congrès qui devra se tenir vers les mois de mai ou juin. Il avait réaffirmé ce qu’il avait déclaré presque un mois auparavant. « Je souhaite être déchargé de cette mission pour me reposer », a-t-il déclaré, en ajoutant : « Il y a des cadres dans le parti plus compétents que moi ». Transfuge du Mouvement de la société pour la paix (MSP), celui-ci avait accompagné Abdelmadjid Menasra, en 2009, qui avait créé le Mouvement pour la Prédication et le Changement (MPC). Mais en 2013, avec d’autres dissidents, il fonde pour sa part, le parti Al-Bina Al-Watani, dont il est président depuis. Bengrina, faut-il le rappeler, avait été candidat à l’élection présidentielle de décembre 2019. Il était arrivé à la deuxième place, avec 17,4% des voix exprimées, derrière Abdelmadjid Tebboune, élu Président. S’il se confirme, ce retrait du devant de la scène politique s’ajoute à celui d’un autre candidat à la présidentielle, en l’occurrence Azzedine Mihoubi, qui s’était présenté à la présidentielle sous les couleurs du Rassemblement national démocratique (RND) qu’il dirigeait, qui a annoncé, hier, son retrait définitif de la scène politique pour ne se consacrer, comme il l’a indiqué, qu’à sa carrière littéraire. L’autre annonce importante de retrait concerne Abderazak Makri, président du MSP, qui, d’un ton solennel, a indiqué le 27 novembre dernier qu’il quitterait, au prochain congrès qui va avoir lieu à la mi-mars, c’est-à-dire dans près de deux mois, toutes les instances dirigeantes du parti. « Ce congrès verra la fin de ma mission au niveau des instances dirigeantes du parti afin de reprendre le militantisme au niveau de la base », a-t-il déclaré lors d’une intervention faite à l’occasion d’un regroupement du parti à Rélizane. Rappelant qu’il a passé « 45 ans sans interruption dans les instances dirigeantes » (membre du bureau national du MSP depuis 1991, avant d’occuper le poste de vice-président et président du groupe parlementaire, pour terminer à la tête du MSP en 2013), il a ajouté que ce « long parcours va se terminer durant ce congrès ». « Je suis heureux et tranquille parce que je quitte un mouvement fort et stable », a-t-il encore lancé. Même si les raisons diffèrent d’un cas à un autre, – avant les chefs de ces partis islamistes, il y a eu par exemple le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), qui en juin dernier a élu Atmane Mazouz à la place de Mohcine Belabbas, qui a décidé de ne pas briguer un autre mandat – il n’en demeure pas moins que la multiplication des annonces de retraits ou démissions laissent supposer que cela est lié à la situation de la scène politique nationale. Est-ce un aveu d’échec ou un signe de résignation ? A ce propos, l’enseignant en science politique et relations internationales à l’université d’Alger 3, Rabah Laroussi, a nous a indiqué que les directions de ces formations politiques se sont rendues à l’évidence qu’il faut qu’ « elles cèdent leur place à d’autres ». En plus du fait que ce sont là des formations politiques ou des personnalités ayant une trentaine d’années d’expérience, ce qui voudrait dire qu’elles peuvent faire une lecture de l’évolution des choses, les derniers résultats lors des plus récents rendez-vous électoraux, fait-il remarquer, plaident pour ces changements. Pour l’enseignant universitaire, il y a un problème d’ « incompatibilité » entre le discours actuel de ces partis et celui des jeunes. A cet effet, « les formations politiques doivent être au diapason des développements qu’a connu la société », selon ses dires. Donc, « il faut un nouveau souffle et de nouvelles figures ». Et il semble que ces formations politiques ont compris cette donne. En tous cas, il faudrait attendre les prochains mois pour savoir si ces partis vont réellement aller dans le sens d’un changement fait pour être en phase avec les développements de la scène politique nationale.
Elyas Nour