Patrimoine : Khelifi Ahmed, icone de l’art bédouin saharien
Au moment où le colonialisme français combattait et s’acharnait contre tout ce qui symbolisait l’Algérie, son histoire et sa culture, Khelifi Ahmed, à l’instar de beaucoup d’artistes, résistait culturellement en œuvrant par son travail à la préservation de cet art authentique et à sa diffusion à travers différentes régions du pays, contribuant à sa manière au renforcement de l’attachement des Algériens à leur algérianité.
Il y a onze ans, jour pour jour, disparaissait l’icône de la chanson bédouine Khelifi Ahmed laissant un riche répertoire qui a fait sa gloire sur la scène artistique algérienne. Khelifi Ahmed, de son vrai nom Abbas Ahmed Ben Aissa, est né en 1922 à Sidi Khaled (Ouled Djellal). Instruit à l’école coranique, le jeune homme est initié au chant et à la poésie par son oncle maternel, un des anciens chanteurs du genre saharien. Il accompagnera son précepteur dans les soirées de Medh organisées à Messaad, Djelfa et Biskra avant de s’en séparer. Après un court passage à vide, il émigra à Ksar Chellala où il fut accueilli par un menuisier qui l’engagea comme apprenti. Il trouvera chez son hôte, un passionné de la musique, la chance de renouer avec sa passion artistique. A partir de 1943, il monte à Alger pour chanter le madih et rejoindre la Radio Algérie libre (durant la colonisation française). En 1949, il a fondé un nouveau genre de la chanson saharienne, « Eyey ». A la fin des années 40, le défunt a commencé à faire ses pas dans la chanson saharienne. Il s’est déplacé en dehors de la capitale, pour animer des soirées dans différentes villes, devenant par la suite le pionnier de l’art « Eyey » sans conteste. Khelifi Ahmed a interprété les textes des grands poètes du Malhoun, notamment « Hiziya » de Mohamed Ben Guittoun, « Gamr Ellil » d’Abdallah Ben Kerriou et « Guelbi Tfakar Orbane rahala » de Cheikh Aïssa Ben Allal. Au moment où le colonialisme français combattait et s’acharnait contre tout ce qui symbolisait l’Algérie, son histoire et sa culture, Khelifi Ahmed, à l’instar de beaucoup d’artistes, résistait culturellement en œuvrant par son travail à la préservation de cet art authentique et à sa diffusion à travers différentes régions du pays, contribuant à sa manière au renforcement de l’attachement des Algériens à leur algérianité. Khelifi Ahmed, dont le frère aîné était membre de la Troupe artistique du Front de libération nationale (FLN), dira un jour dans une déclaration que ses chansons et celles de nombreux artistes algériens de l’époque « comportaient des messages codés en soutien à la Révolution ». Un demi-siècle durant, Khelifi Ahmed a chanté le « Eyey » et a maitrisé ce genre artistique de par ses capacités vocales et sa finesse artistique, qui lui ont valu une place dans la cour des grands artistes algériens. Le défunt a adopté dans ses chansons des poèmes populaires, marqués par une sagesse et imprégnés de l’amour de la femme et de la patrie, grâce auxquels il s’est fait connaitre en Algérie et dans le monde arabe, en plus d’avoir à son palmarès de nombreux hommages à l’instar de la médaille d’or, obtenue lors du Festival de la chanson arabe tenu à Damas (Syrie) pour sa chanson « Kelemni ou nkelmek bel téléphone » avec les paroles du grand artiste Rabah Deriassa.
En Algérie, le regretté a été honoré à maintes fois, une reconnaissance pour ce qu’il a apporté la scène artistique, étant l’un des piliers de la chanson algérienne et symbole de son authenticité. Feu Khelifi Ahmed n’est pas seulement parvenu à faire entendre et à promouvoir la chanson algérienne bédouine au-delà des frontières, il a également mis en lumière des trésors de la poésie populaire algérienne.
APS