Aoun assure que l’État ne lâchera pas l’ENIEM : Il n’y aura pas de privatisation !
Un plan de la dernière chance doit être discuté dès lundi entre le ministère de l’Industrie, le P-DG de l’ENIEM Tizi-Ouzou et les représentants des travailleurs pour sauver l’entreprise qui vit une crise majeure depuis plusieurs années. Un plan qui s’appuie sur une refonte du staff, la fixation de nouveaux objectifs avec la mise en place de contrats de performance, mais surtout l’orientation de l’entreprise vers des partenariats et une ouverture du capital pour lui permettre de mettre à niveau ses process et adapter sa production aux besoins du marché.
L’Entreprise nationale des industries de l’électroménager vit une crise structurelle depuis plusieurs années. L’entreprise publique est surendettée au point où elle peine à accéder à des lignes de crédits pour financer son approvisionnement en intrants. Ce qui a provoqué des arrêts techniques de ses unités à diverses occasions. Elle peine aussi à s’imposer sur le marché. Une situation qui n’est pas sans conséquences. L’ENIEM tourne d’ailleurs très en-deçà de ses capacités. Dotée d’une capacité de production de 220.000 unités de produits électroménagers, l’ENIEM n’a produit que 35.000 unités. Bien que les pouvoirs publics aient engagé des mesures pour relancer l’entreprise, notamment à travers le rééchelonnement de la dette contractée auprès de la BEA, l’ENIEM a du mal à se redresser.
La visite que le ministre de l’Industrie et de la Production pharmaceutique, Ali Aoun, a effectué hier à l’unité de production de l’entreprise publique à l’occasion de son déplacement dans la wilaya de Tizi-Ouzou, a d’ailleurs été l’occasion pour ce dernier de se pencher sur la situation de la société et d’évoquer de possibles solutions pour un sauvetage. Ce fût surtout l’occasion pour Aoun de rassurer les travailleurs éprouvés par les arrêts techniques et qui craignent pour leurs emplois. Le ministre a d’ailleurs assuré que « l’Etat ne lâchera pas » ce fleuron de l’industrie nationale, tout comme «il n’y aura pas de privatisation ».
Le ministre qui s’exprimait devant la presse à l’issue d’une réunion avec les responsables de l’entreprise et les représentants des travailleurs, a évoqué diverses solutions envisagées pour le sauvetage de l’ENIEM. Un plan qui doit faire l’objet de discussions avec le P-DG de l’entreprise et les représentants des travailleurs lundi. Elles seront consacrées à l’élaboration d’un programme concret dont dépendra l’avenir de l’entreprise, jugeant nécessaire la mise en place d’un « programme effectif de travail » pour surmonter les difficultés auxquelles fait face l’unité.
Les conséquences d’une politique qui a favorisé l’import
Un programme qui s’appuie notamment sur une possible ouverture du capital de l’entreprise ou son orientation vers des partenariats avec des opérateurs nationaux ou étrangers pour appuyer sa modernisation que ce soit au niveau de la gestion ou des process de production. Le ministre a expliqué que le choix d’ouvrir le capital de l’ENIEM pour un partenariat relevait des responsables de l’entreprise même. Pour préserver les postes d’emploi de l’entreprise qui sont « menacés », a-t-il dit, « un plan de modernisation et de relance de la production » est indispensable.
Cependant, le sauvetage de l’entreprise dépendra de certaines conditions liées, notamment, aux efforts que devront consentir aussi bien les dirigeants de l’entreprise que les travailleurs pour la relancer. C’est dans ce cadre qu’il évoque la mise en place de contrats de performances pour les dirigeants avec des objectifs précis. M. Aoun qui a affirmé que « la gestion moderne exige de fixer des objectifs et les moyens d’y parvenir », a rappelé qu’à partir du mois de septembre prochain il y aura la mise en place des contrats de performance pour tous les cadres de cette entreprise afin, justement, de fixer des objectifs et les moyens à mettre en place pour les atteindre. Il balaye d’ailleurs toute éventualité d’assainissement de « la dette que traîne l’entreprise », indiquant que « pour effacer la dette d’une entreprise, il faudrait que celle-ci produise et enregistre des bénéfices ». Il faut dire que l’ENIEM est un cas d’école pour ce qui est des entreprises publiques parfaitement viables et qui ont été totalement déstructurées en raison de politiques qui ont favorisé l’import au détriment de la production nationale. Bien que l’entreprise fût un fleuron de l’intégration de l’électroménager qui affichait des taux d’intégration de 100% sur certains de ses produits, celle-ci a dû faire face à l’ouverture anarchique du marché aux produits importés puis à la concurrence des unités de montage des produits en CKD et SKD. L’entreprise qui a dû elle aussi opter pour le montage CKD-SKD pour s’adapter au marché, a également été minée par une absence de politique réelle de modernisation des process. Ce qui a induit des investissements dans la ligne de production de « froid statique », consommatrice d’énergie, aux taxes élevées et qui fait augmenter le coût de production. Des conditions qui ont fragilisé l’entreprise qui a fini par être lourdement impactée par l’arrêt des importations CKD/SKD, à la faveur de la promulgation du Décret 20-313 portant conditions et modalités d’accès au régime fiscal préférentiel. «Les taux d’intégration fixés par le cahier des charges dudit décret s’avèreront en deçà des moyens et du savoir-faire technologique (dont dispose) la majorité des entreprises industrielles», ont indiqué des syndicalistes dans une correspondance adressée à l’APN, il y a quelques mois.
Le défi est aujourd’hui pour l’ENIEM, au-delà du redressement, de retrouver sa place de fer de lance de l’industrie nationale de l’électroménager, en modernisant ses process de production, en basculant vers les technologies « Go Frost », mais aussi la refonte totale de la gestion de l’entreprise pour rattraper le retard, retrouver le savoir-faire perdu et augmenter les taux d’intégration, dans un contexte où les politiques mises en place et promues par le président de la République Abdelmadjid Tebboune, favorisent explicitement la production nationale. Laquelle production nationale est appelée à se substituer aux importations, mais aussi à conquérir les marchés à l’export au regard de sa qualité et de sa durabilité.
Samira Ghrib