ANIE, la défaillance de trop !
L’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) est au cœur d’une tempête suite à l’annonce des résultats préliminaires de l’élection présidentielle. Les trois candidats – Youcef Aouchiche du Front des forces socialistes (FFS), Abdelmadjid Tebboune, candidat indépendant, et Abdelaali Hassani Cherif du Mouvement de la société pour la paix (MSP) – ont vivement critiqué la gestion du processus électoral par l’ANIE, dénonçant l’imprécision et l’incohérence des chiffres annoncés dimanche après-midi par le président de l’Autorité Mohamed Charfi.
Les directions de campagne des trois candidats ont publié un communiqué commun, dimanche, qui fait état « d’imprécisions, de contradictions, d’ambiguïtés et d’incohérences » dans les résultats provisoires annoncés par le président de l’ANIE. Les candidats relèvent notamment des contradictions flagrantes entre les chiffres annoncés et les procès-verbaux de dépouillement remis par les commissions électorales communales et de wilaya.
De plus, les directions de campagne soulignent l’opacité du communiqué d’annonce des résultats provisoires, qui ne comportait pas la plupart des données essentielles habituellement fournies lors d’échéances nationales importantes. «Nous soussignées, directions de campagne des trois candidats à la présidentielle du 7 septembre 2024, Aouchiche Youcef, candidat du Front des forces socialistes (FFS), Tebboune Abdelmadjid, candidat indépendant, et Hassani Cherif Abdelaali, candidat du Mouvement de la société pour la paix (MSP), informons l’opinion publique nationale que des imprécisions, des contradictions, des ambiguïtés et des incohérences ont été relevées dans les chiffres lors de l’annonce des résultats provisoires de l’élection présidentielle par le président de l’Autorité nationale indépendante des élections», lit-on dans le communiqué. Le texte cite, en particulier, «des imprécisions et des contradictions dans les chiffres des taux de participation annoncés et des contradictions entre les chiffres annoncés par le président de l’Autorité et les procès-verbaux de dépouillement et de concentration des voix remis par les commissions électorales communales et de wilaya». Les directions de campagne ont aussi relevé «l’ambiguïté du communiqué d’annonce des résultats provisoires de l’élection présidentielle, qui ne comportait pas la plupart des données essentielles des communiqués d’annonce des résultats, comme il est d’usage dans toutes les échéances nationales importantes», faisant également état d’«une incohérence dans les taux annoncés pour chaque candidat». Il est vrai que lors de l’annonce des résultats, le président de l’ANIE a fait une longue intervention au cours de laquelle les résultats de l’élection n’ont accaparé qu’une part marginale. L’ANIE n’a annoncé en effet que le nombre de bulletins exprimés et validés, et les taux remportés par chacun des candidats. L’ANIE n’a communiqué ni le taux de participation définitif, ni le nombre de votants et encore moins le nombre de bulletins nuls, encore moins le nombre de bulletins blancs. Une énième communication chaotique qui provoqué de la confusion et qui a d’ailleurs été instrumentalisée par certains. Cela a d’ailleurs suscité de vives réactions de la part des candidats qui n’ont pas manqué de fustiger l’ANIE. Youcef Aouchiche, premier Secrétaire national du FFS, a été particulièrement virulent lors d’une conférence de presse tenue hier. Il a affirmé que les chiffres communiqués par l’ANIE « ne correspondent pas » à ceux figurant dans les procès-verbaux de certains centres de vote reçus par les représentants des candidats.
L’ANIE seule responsable
Aouchiche n’a pas hésité à pointer du doigt la responsabilité de l’ANIE dans ce qu’il qualifie de « dérapages ». Il a souligné que l’autorité, censée garantir la transparence de toute l’opération électorale, assume « l’entière responsabilité » des irrégularités constatées. Le leader du FFS a annoncé son intention d’introduire un recours auprès de la Cour constitutionnelle, démontrant sa détermination à contester les résultats par les voies légales. Concernant le communiqué commun, publié dimanche par les représentants des directions de campagne des trois candidats à la présidentielle, suite à l’annonce des résultats préliminaires, M. Aouchiche a estimé que cette initiative « peut jeter les bases d’une nouvelle action politique et permettre de trouver des terrains d’entente sur des questions d’intérêt pour la nation ». De son côté, Abdelaali Hassani Cherif, président du MSP, a lui aussi remis en cause les résultats avancés par l’ANIE lors d’une conférence de presse. Il a qualifié la présentation des résultats de « chiffres flous et contradictoires », en contradiction avec les procès-verbaux de dépouillement obtenus par son parti auprès des délégations de wilaya de l’ANIE. Hassani Cherif est allé jusqu’à affirmer que les 170 000 voix attribuées à son parti étaient « falsifiées », une accusation grave qui remet en question l’ensemble du processus de décompte des voix.
Le président du MSP a également critiqué l’ANIE pour son incapacité à maîtriser le processus électoral, accusant l’autorité de « participer avec ses pratiques et ses erreurs à tuer l’espoir des Algériens ».
Face à cette vague de critiques, l’ANIE a publié un communiqué explicatif qui semble avoir manqué sa cible. L’autorité s’est contentée de prendre note du contenu de la déclaration conjointe des candidats, sans réellement répondre aux accusations précises formulées à son encontre. L’ANIE a indiqué que le processus de réception des procès-verbaux originaux des wilayas pour la centralisation des résultats était toujours en cours. Elle a promis de transmettre les résultats enregistrés dans ces procès-verbaux à la Cour constitutionnelle dès que leur réception serait complétée, et d’informer l’opinion publique des résultats du scrutin inscrits dans ces documents.
La balle dans le camp de la Cour constitutionnelle
Avec l’annonce des candidats de leur intention de déposer des recours, l’attention se tourne désormais vers la Cour constitutionnelle. Ahmed Ibrahim Boukhari, directeur général des affaires juridiques et du contentieux constitutionnel par intérim à la Cour, a confirmé qu’aucun recours n’avait été reçu jusqu’au lundi 9 septembre, mais que les délais pour le faire étaient fixés à 48 heures après l’annonce des résultats provisoires par l’ANIE.
La Cour constitutionnelle se trouve ainsi face à un défi de taille : elle devra examiner non seulement les éventuels recours des candidats, mais aussi les procès-verbaux de centralisation des résultats et autres documents électoraux. Boukhari a indiqué que 11 équipes avaient été mises en place pour examiner ces documents, soulignant l’ampleur de la tâche à accomplir. Il a révélé la réception de 52 procès-verbaux de centralisation des résultats de vote, en attendant de recevoir les autres procès-verbaux.
Hocine Fadheli