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Sahara occidental : Les enjeux de l’arrêt de la CJUE

L’Observatoire international Western Sahara Resource Watch (WSRW) a appelé l’UE à engager « immédiatement » des discussions exploratoires avec le Front Polisario pour développer des relations bilatérales avec le Sahara occidental, notamment en matière de pêche et de commerce.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu vendredi dernier un arrêt capital concernant les accords commerciaux entre l’Union européenne et le Maroc, invalidant deux accords qui incluaient illégalement le territoire du Sahara occidental. Cette décision, qui confirme le jugement de première instance de septembre 2021, représente un revers significatif pour la Commission européenne, le Conseil de l’UE, et le gouvernement espagnol qui soutenait le plan d’autonomie proposé par Rabat pour le Sahara occidental. La CJUE a réaffirmé dans son arrêt que le Front Polisario est « un interlocuteur privilégié dans le cadre du processus mené sous l’égide des Nations unies en vue de la détermination du futur statut du Sahara occidental ». Elle a souligné que le consentement du peuple sahraoui, représenté par le Front Polisario, est indispensable pour toute activité économique impliquant le territoire du Sahara occidental. Cette décision met en lumière l’échec de l’approche adoptée par la Commission européenne, qui avait tenté de contourner les précédents arrêts de la Cour en modifiant les accords pour inclure explicitement le Sahara occidental dans leur champ d’application géographique, sans pour autant obtenir le consentement du peuple sahraoui. L’Observatoire international Western Sahara Resource Watch (WSRW) a réagi promptement à cette décision, appelant l’UE à engager « immédiatement » des discussions exploratoires avec le Front Polisario pour développer des relations bilatérales avec le Sahara occidental, notamment en matière de pêche et de commerce. L’organisation plaide pour l’adoption d’une politique européenne stricte de différenciation entre les territoires du Maroc et du Sahara occidental dans toutes les transactions de l’UE, afin de garantir le respect du statut distinct du Sahara occidental et du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.

Parmi les recommandations formulées par WSRW, on trouve l’inclusion d’une clause territoriale dans tous les accords de l’UE avec le Maroc excluant explicitement le Sahara occidental, l’adoption d’une définition légale du « territoire du Maroc » dans tous les actes juridiques de l’UE, et la demande de remboursement par le Maroc de tous les financements passés et actuels illégalement accordés par l’UE en relation avec le Sahara occidental. L’organisation appelle également à la création d’un Fonds fiduciaire comme première étape vers la réparation due au peuple sahraoui et à la nomination d’un représentant spécial de l’UE pour le Sahara occidental. Sur le plan politique, WSRW exhorte l’UE à soutenir activement la reprise des efforts de résolution du conflit sous l’égide de l’ONU et à insister pour que la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) reçoive un mandat en matière de droits de l’Homme. L’organisation demande également une cartographie complète des relations de l’UE avec le Maroc afin d’identifier les domaines où les pratiques de l’UE sont en conflit avec sa propre législation et jurisprudence concernant le Sahara occidental.

Des implications pour les entreprises européennes

La décision de la CJUE a également des implications importantes pour les entreprises européennes, notamment espagnoles, qui ont bénéficié des accords désormais invalidés. Le Dr Sebastian Ruiz-Cabrera, professeur en relations internationales à l’Université de Madrid, a souligné l’ampleur du pillage des ressources sahraouies, révélant qu’en 2019, les captures dans les eaux du Sahara occidental se sont élevées à 1.067.000 tonnes pour une valeur totale de 496.408 millions d’euros, tandis que les exportations vers l’UE au cours de la même année se sont élevées à 124.900 tonnes, pour une valeur de 434.437 millions d’euros. La décision de la CJUE remet également en question la position du gouvernement espagnol de Pedro Sanchez, qui avait soutenu le plan d’autonomie proposé par le Maroc pour le Sahara occidental. Le quotidien espagnol ABC a souligné que la question du Sahara occidental n’a jamais été un simple « différend régional » comme le prétend le Maroc, mais plutôt une question en suspens d’un processus de décolonisation que l’Espagne avait l’obligation d’administrer. En plus de l’invalidation des accords commerciaux, la CJUE s’est également prononcée sur l’identification et l’étiquetage des produits agricoles provenant du Sahara occidental, stipulant que cet étiquetage doit indiquer le Sahara occidental comme seul pays d’origine, à l’exclusion de toute référence au Maroc, afin d’éviter d’induire le consommateur en erreur. Ces décisions de la CJUE réaffirment le statut séparé et distinct du Sahara occidental par rapport au territoire marocain et soulignent que le peuple sahraoui constitue un sujet de droit international tiers aux relations UE-Maroc, dont le consentement est incontournable pour toute activité économique impliquant son territoire.

Lyes Saïdi

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