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L’Etat renforce le contrôle des dépenses publiques

Le Premier ministre Mohamed Nadir Larbaoui vient d’apposer sa signature sur trois décrets exécutifs majeurs instaurant de nouvelles dispositions réglementaires, publiées au Journal officiel, qui revoient a gestion des finances publiques en Algérie, en instaurant des mécanismes de contrôle plus stricts et des procédures plus rigoureuses pour la gestion des deniers publics.

Le premier décret exécutif (n° 24-344), qui entrera en vigueur dans six mois, apporte des précisions cruciales sur la procédure de réquisition des comptables publics par les ordonnateurs. Cette mesure, loin d’être anodine, introduit un nouveau niveau de responsabilisation dans le processus de dépense publique. Désormais, lorsqu’un ordonnateur souhaite passer outre le refus de paiement d’un comptable public, il devra établir un acte formel comportant la mention explicite « le comptable est requis de payer ». Cette formalisation accrue s’accompagne d’une obligation de transparence : le comptable public qui se conforme à une telle réquisition devra en référer dans un délai de quinze jours au ministre des Finances ainsi qu’à la Cour des comptes, en fournissant un compte-rendu détaillé exposant les motifs initiaux du refus de paiement. Cette disposition permet ainsi un meilleur suivi des décisions de paiement contestées et renforce la chaîne de contrôle des dépenses publiques.

Le deuxième décret (n° 24-345) s’attaque à un aspect tout aussi fondamental de la gestion financière publique en définissant précisément les conditions de mise en jeu de la responsabilité pécuniaire des comptables publics et les procédures d’apurement des débets. Cette nouvelle réglementation s’inscrit dans le cadre de l’article 112 de la loi n° 23-07 du 21 juin 2023 relative aux règles de comptabilité publique et de gestion financière. Le texte introduit une responsabilisation accrue des comptables publics en établissant qu’ils devront désormais répondre sur leurs deniers personnels des irrégularités constatées dans leur gestion. Les cas de mise en cause de leur responsabilité sont clairement définis : déficit de caisse, écarts non justifiés sur les comptes de disponibilité, recettes non recouvrées pour non-respect des procédures réglementaires, paiements de dépenses non justifiées ou encore manques constatés en valeurs inactives.

Cette responsabilisation s’accompagne toutefois de garde-fous et de voies de recours. Les comptables publics disposent ainsi d’un délai de deux mois pour contester un arrêté de débet auprès du ministre des Finances. En cas de vol ou de perte résultant d’un cas de force majeure, ils peuvent également solliciter une décharge totale ou partielle de responsabilité. Ces demandes sont examinées par un comité consultatif institué auprès de l’agence judiciaire du Trésor, permettant ainsi une évaluation équitable des situations particulières. Dans les cas d’insolvabilité ou d’autres causes rendant le recouvrement impossible, le texte prévoit la possibilité d’une admission en non-valeurs des débets, conformément à la législation en vigueur.

Le troisième décret (n° 24-346) vient compléter ce dispositif de contrôle en redéfinissant les modalités de création, d’organisation, de fonctionnement et de contrôle des régies de recettes et/ou de dépenses. Ce texte concerne un large éventail d’institutions publiques : l’État, les collectivités locales, les établissements publics administratifs, les établissements publics de santé, ainsi que toutes les personnes morales chargées de l’exécution de programmes étatiques. L’innovation majeure réside dans la caractérisation de ces régies comme procédure exceptionnelle, destinée uniquement aux opérations ne pouvant s’accommoder des délais normaux d’exécution en raison de leur urgence. La création de ces régies est désormais soumise à un double contrôle : elle nécessite non seulement une décision de l’ordonnateur du budget, mais également l’accord écrit préalable du comptable public assignataire. Le texte précise également que l’exécution des dépenses publiques par voie de régie doit se faire par dépense unitaire, dont le montant maximum est fixé périodiquement par arrêté du ministre des Finances. Cette disposition permet un meilleur contrôle des flux financiers en imposant une granularité plus fine dans le suivi des dépenses.

Le décret apporte également des précisions importantes sur le statut et la nomination des régisseurs. Ceux-ci doivent être choisis parmi le personnel titulaire et leur nomination, effectuée par décision des ordonnateurs, requiert l’accord écrit du comptable public assignataire. Cette procédure de nomination, qui implique plusieurs niveaux de validation, renforce le contrôle sur les personnes habilitées à manipuler les deniers publics.

Des restrictions significatives sont également apportées quant aux types de recettes pouvant être encaissées par les régies. Notamment, les impôts, taxes et redevances prévus aux codes fiscaux, au code des douanes et au code du domaine national ne peuvent être encaissés par ce biais, sauf disposition expresse de la loi de finances. Cette limitation vise à maintenir un contrôle strict sur les recettes fiscales et douanières, qui constituent des ressources stratégiques pour l’État.

L’ensemble de ces mesures témoigne d’une volonté politique forte de renforcer la gouvernance financière publique. En instaurant des mécanismes de contrôle plus stricts, en clarifiant les responsabilités des différents acteurs et en encadrant plus strictement les procédures exceptionnelles, ces trois décrets constituent une avancée significative vers une gestion plus rigoureuse et transparente des deniers publics. Cette réforme s’inscrit dans une démarche plus large de modernisation de l’administration publique et de renforcement de la bonne gouvernance financière, répondant ainsi aux exigences croissantes de transparence et d’efficacité dans la gestion des ressources publiques.

Hakim Aomar

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