17e FNTP: « Agrrabu N’Kayan » remporte le Grand prix
Le 17e Festival national du théâtre professionnel (FNTP) a conclu son édition 2024 en beauté lundi soir à Alger, avec le triomphe de la pièce « Agrrabu N’Kayen » (l’embarcation vers Cayenne) du Théâtre régional de Tizi-Ouzou qui a remporté le Grand prix. Cette œuvre majeure, qui explore les thèmes de l’exil et du déracinement, s’inscrit dans la grande tradition du théâtre social algérien, perpétuant l’héritage culturel de la région de Kabylie tout en l’inscrivant dans une modernité scénique remarquable.
La cérémonie de clôture, accueillie dans le cadre prestigieux du Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi (TNA), a rassemblé les figures majeures du théâtre algérien en présence de Missoum Laroussi, Inspecteur général du ministère de la Culture et des Arts, représentant le ministre Zouhir Ballalou. Mohamed Yahiaoui, directeur du TNA et commissaire du festival, a souligné dans son allocution l’importance croissante de cette manifestation dans le paysage culturel national, marquée cette année par l’introduction de cinq nouvelles catégories de prix venant enrichir un palmarès déjà conséquent. Le jury, sous la présidence éclairée du docteur Lakhdar Mansouri, a particulièrement salué l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes. Le jeune Benyoucef Sid Emmou s’est ainsi distingué comme meilleur espoir masculin pour son interprétation saisissante dans « Sarkhat el aswad » du théâtre régional d’Ain Defla, une pièce qui aborde avec force les contradictions de la société contemporaine. Dans la catégorie féminine, Feriel Medjadji a conquis le jury avec sa prestation dans « Oun’tha El Djinn » du théâtre régional de Mostaganem, une œuvre qui revisite les mythologies locales à travers un prisme féministe contemporain.
Les seconds rôles ont également brillé avec la reconnaissance du talent de Fethi Mebarki dans « El Ikhtiyar » du théâtre régional de Saïda, une performance subtile qui a su donner de la profondeur à un personnage complexe. Hadjer Seraoui, quant à elle, a impressionné dans « Aqd el Djouhar » du TNA, apportant une dimension nouvelle à cette production qui interroge les traditions et leur place dans la modernité. L’excellence technique n’a pas été en reste, comme en témoigne le prix de la meilleure chorégraphie attribué à Aissa Chouat pour « Zahret Er’Rimel » du théâtre régional d’Adrar, une création qui marie avec brio les expressions corporelles traditionnelles et contemporaines. La mise en scène innovante de Mohamed Frimehdi pour « El Ikhtiyar » a également été saluée, tout comme le scénario audacieux de Haroun El Kilani pour « Oun’tha El Djinn », qui propose une relecture originale des contes populaires. Dans les catégories d’interprétation principale, Tahar Ben Safieddine s’est imposé pour son rôle dans « Infisam thoulathi el abâad » du théâtre régional de Laghouat, une performance qui explore les multiples facettes de l’identité algérienne contemporaine. Lydia Larini, couronnée pour « Es’Saqia » du théâtre régional de Souk Ahras, a quant à elle livré une interprétation puissante d’une femme en lutte contre les préjugés sociaux.
La dimension technique a été particulièrement mise à l’honneur avec le prix de la meilleure scénographie décerné à Hamza Djaballah pour « El Kalima » du théâtre régional de Sidi Bel Abbès, une création qui repousse les limites de l’espace scénique traditionnel. La bande sonore innovante d’Ahmed Boumaâza pour « Infisam thoulathi el abâad » a également été récompensée, soulignant l’importance croissante de la conception sonore dans les productions théâtrales contemporaines.
Le festival, qui s’est déroulé du 20 au 31 décembre, a présenté une programmation riche de 19 spectacles en compétition, enrichie par des représentations hors concours et des animations de rue qui ont fait vibrer la capitale. Les conférences organisées en parallèle ont permis d’approfondir la réflexion sur le théâtre algérien, notamment dans le contexte des célébrations du 70e anniversaire du déclenchement de la Guerre de libération, soulignant le rôle historique du théâtre dans la construction de l’identité nationale. Les Masters Class, véritables laboratoires de création, ont offert aux jeunes talents l’opportunité de parfaire leur art sous la direction de professionnels reconnus. Les travaux présentés lors de la cérémonie de clôture ont révélé la vitalité de la nouvelle génération théâtrale algérienne, promesse d’un avenir riche en créations innovantes. L’une des recommandations phares du jury préconise d’ailleurs que les troupes participantes puissent assister à l’ensemble des représentations, favorisant ainsi les échanges artistiques et l’émergence de nouveaux projets collaboratifs. La suggestion de voir la troupe lauréate représenter l’Algérie lors des manifestations internationales témoigne de l’ambition du festival de rayonner au-delà des frontières nationales.
Mohand Seghir