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Le monde face à la pénurie d’eau douce : Les unités de dessalement de l’eau de mer comme solution

« Eau, tu n’as ni goût, ni couleur, ni arôme, on ne peut pas te définir, on te goûte, sans te connaître. Tu n’es pas nécessaire à la vie : tu es la vie ». Antoine de Saint-Exupéry.

Depuis 1850, notre planète s’est réchauffée en moyenne de 1,1°C avec un impact sur la mobilisation de l’eau douce qui au cours de l’histoire de l’humanité est le facteur déterminant du développement des Nations. Or, l’augmentation des températures modifie les précipitations à l’échelle régionale et mondiale, et, partant, le régime des pluies et celui des saisons agricoles, ce qui a des répercussions majeures sur la sécurité alimentaire, la santé et le bien-être des populations. Il faut agir de toute urgence pour améliorer la gestion coopérative de l’eau, adopter des politiques coordonnées sur l’eau et le climat afin de parer aux aléas hydrologiques. Selon les études du Groupe intergouvernemental d’experts des Nations unies sur l’évolution du climat, de l’Institut international pour la gestion de l’eau, de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture et de l’Unesco, 70% de la surface de la Terre est recouverte d’eau, mais 97,5% de cette eau est de l’eau salée. Des 2,5% restants d’eau douce, 68,7% est gelé dans les calottes glaciaires et les glaciers. Moins d’un pour cent de cette eau douce est disponible pour être utilisée par les humains. Dès lors, l’eau est un enjeu stratégique à la fois sécuritaire et économique, impliquant tant un nouveau modèle de consommation énergétique axé sur les énergies renouvelables (le solaire) et l’hydrogène qu’un nouveau modèle de consommation de la part des êtres humains qui seront obligé de consommer moins d’eau douce. Car avoir accès à l’eau est devenu un enjeu économique et géostratégique, voire sécuritaire à l’échelle planétaire et les récents événements montrent tous les enjeux de la sécurité alimentaire. Selon l’Organisation mondiale de la Santé en 2021, 50% des cas de sous-nutrition chez les enfants sont dus à la consommation d’eau non potable et plus de la moitié de la population mondiale n’a pas accès à des services d’assainissement sûrs.

Tensions planétaires

La gestion de l’eau pourrait générer des tensions planétaires, surtout en Asie , au Moyen Orient, en Afrique pouvant entraîner des conflits armés. Plus de 40% de la population mondiale est établie dans les 250 bassins fluviaux transfrontaliers du globe où ces populations doivent partager leurs ressources en eau avec les habitants d’un pays voisin. Or, une telle situation peut être à l’origine de conflits récurrents, notamment lorsqu’un cours d’eau traverse une frontière, car l’eau devient alors un véritable instrument de pouvoir aux mains du pays situé en amont. Aujourd’hui, les contentieux à propos de l’eau sont nombreux à travers le monde, notamment au Nord et au Sud de l’Afrique, au Proche-Orient, en Amérique centrale, au Canada et dans l’Ouest des États-Unis. Au Moyen-Orient des tensions peuvent s’accélérer. Au Proche-Orient, selon l’ONU, une dizaine de foyers de tensions existent. Ainsi l’Égypte, entièrement tributaire du Nil pour ses ressources en eau, doit néanmoins partager celles-ci avec dix autres États du bassin du Nil : notamment avec l’Éthiopie où le Nil bleu prend sa source, et avec le Soudan où le fleuve serpente avant de déboucher sur le territoire égyptien. D’où des tensions pour le barrage de la renaissance réservoir ayant une capacité de 75 milliards de mètres cubes d’eau faisant de lui le plus grand barrage d’Afrique, le cout prévu initialement à 4,5 milliards de dollars en 2011 selon certains experts avoisinerait 10 milliards de dollars .Quant à l’Irak et à la Syrie, ils sont tous deux à la merci de la Turquie, où les deux fleuves qui les alimentent, le Tigre et l’Euphrate, prennent leur source. Grâce aux nombreux barrages qu’elle a érigés sur le cours supérieur du fleuve, la Turquie régule le débit en aval. Autre point névralgique : l’Asie du Sud-Est, qui pourrait bien devenir une poudrière où le nord-est de la Chine recèle seulement 15% des ressources en eau du pays pour 45% de sa population totale. D’où les projets du gouvernement pour pomper l’eau au sud afin de l’acheminer au nord-est grâce à de grands projets de canaux de dérivations, selon l’expert Franck Galland. Le premier à l’est de la Chine où un grand canal puisant son eau dans le fleuve Bleu pour l’acheminer vers la région de Pékin, le second étant dérivation au centre. Mais c’est le troisième projet qui peut être source de tensions notamment avec l’Inde, le Bangladesh, voire le Pakistan. Puisqu’il concerne directement les fleuves prenant leur source dans les contreforts tibétains de l’Himalaya , expliquant que la Chine entend garder la main sur la région du Tibet, le «château d’eau de l’Asie» où l’Indus, le Gange, le Brahmapoutre et le Mékong y ont leur source. Toujours en Asie , le partage des eaux du Brahmapoutre apparaît comme l’une des sources de conflit potentiel entre la Chine, le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et le Vietnam. C’est que plus d’un tiers de l’humanité soit plus de 2 milliards d’habitants survivent avec moins de 5 litres d’eau par jour, moins de 1700 litres par an (1.7 m3), concentré en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique. Des actions coordonnées doivent être mises en œuvre pour éviter des tensions futures et prendre des mesures au principalement au nombre quatre. Premièrement la réduction de l’envasement des barrages. Deuxièmement, le traitement approprié des eaux usées qui nécessitent la maîtrise technologique. Troisièmement, une lutte contre le gaspillage. Globalement, seuls 55% des prélèvements en eau sont réellement consommés, les 45% restants étant soit perdus. Dans certaines grandes villes d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine comme Le Caire ou Mexico, jusqu’à 70% de l’eau distribuée est perdue par fuite dans les réseaux. Certaines nappes, qui pourtant ne se renouvellent plus ou quasiment plus à l’échelle humaine, sont fortement exploitées, notamment à des fins d’irrigation. Quatrièmement le développement des projets de dessalement de l’eau de mer dont bon nombre de pays en ont fait la priorité.

Le dessalement pour faire face au stress hydrique

 Un grand nombre de pays d’Afrique (Nigeria, Maroc, Mauritanie, Afrique du Sud, Sénégal, Madagascar, Tanzanie, Kenya, Somalie, Algérie, Tunisie, Egypte), du Moyen-Orient (Arabie Saoudite, Koweït, Qatar, Emirats Arabes Unis, Oman, Yémen, Iran, Jordanie, Irak) et l’Asie (Chine, Japon, Philippines, Indonésie, Malaisie, Singapour, Sri Lanka, Inde, Kazakhstan, Mongolie, Vietnam, Thaïlande) sont confrontés à un grave stress hydrique et sont confrontés à une augmentation prévue de la consommation d’eau douce. Car près de 40% de la population mondiale vit à moins de 100 km d’un océan ou d’une mer, justifiant ainsi le dessalement de l’eau de mer comme partie intégrante de la réponse mondiale à la pénurie d’eau. Les technologies de dessalement sont disponibles et utilisées depuis une cinquantaine d’années dans des régions souffrant d’un stress hydrique. Pour transformer une eau de mer ou saumâtre en eau douce, il faut séparer les sels et les molécules d’eau. Quand un mètre cube d’eau de mer est dessalé, on récupère environ 500 litres d’eau dessalée et 500 litres d’un concentré ou saumure enrichi en sels. Avant cette séparation, qui constitue l’opération de dessalement à proprement parler, il faut prétraiter l’eau de mer pour la débarrasser d’une grande partie des particules, matières organiques, algues et microorganismes, pour assurer la productivité de la séparation sel/eau. Théoriquement, dessaler 1 m3 d’eau moyennement salée à des conditions isentropiques (température constante) nécessite une quantité d’énergie estimée à 536 Wh. Dans les faits, les deux principaux procédés actuels de dessalement consomment 5 à plus de 30 fois plus d’énergie : la distillation, procédé thermique consistant à chauffer l’eau salée dans une chaudière ou à l’aide du rayonnement solaire jusqu’à évaporation. La vapeur d’eau s’échappant est condensée pour récupérer de l’eau douce. La consommation énergétique de ce procédé avoisine 15 kWh par m3 d’eau dessalée; Nous avons l’osmose inverse, procédé consistant à appliquer une pression sur un volume d’eau salée au travers d’une membrane semi-perméable retenant le sel et les autres impuretés. La consommation énergétique peut dans ce cas être réduite entre 2,5 et 3 kWh par m3. Selon le nouveau manuel sur la sécurité de l’eau de l’Association internationale dessalement (IDA), la capacité mondiale totale de dessalement installée s’élève à 97,4 millions de mètres cubes par jour (m3/jour), alors que la capacité contractuelle cumulée totale mondiale est de 104,7 millions de m3/j. Le dessalement est historiquement une option plus coûteuse que le traitement traditionnel des eaux de surface ou souterraines, avec des prix d’environ entre 0,5 et 1 dollar US par mètre cube, mais l’une des dernières avancées en matière de dessalement a été une amélioration du coût global, y compris les dépenses opérationnelles (OPEX), ainsi que les dépenses d’investissement initiales (CAPEX). Au cours des 20 dernières années, ce chiffre a été réduit de 80% grâce aux progrès de la technologie et des équipements et très récemment, des appels d’offres à Abu Dhabi, et en Arabie Saoudite ont vu pour la première fois le prix tomber en dessous de 0,50 $/m3. Le coût ou le prix de l’usine de dessalement dépend de certains facteurs importants qui sont la technologie de dessalement, qualité d e l’eau brute et de l’eau produite le type de captage et d’exutoire, l’emplacement de l’usine ou du projet, le type de récupération d’énergie utilisé, le prix de l’électricité, les besoins de post-traitement, le stockage, la distribution, les coûts d’infrastructure locaux et les réglementations environnementales et la source d’eau est également importante pour le coût, le cout de d’eau saumâtre BWRO étant inférieur au dessalement d’eau de mer SWRO. En moyenne mais cela est variable. Le coût de l’usine de dessalement peut se décomposer en éléments suivants : coût fixe (37 %), main d’œuvre (4 %), remplacement de la membrane (5 %), maintenance et pièces (7 %), consommables (3 %) et électricité et énergie (44 %).Cependant, le dessalement contribue aux émissions de gaz à effets de serre, notamment par son utilisation d’énergie. Au total dans le monde, on estime que le dessalement absorbe l’équivalent d’environ 0,4 % de la consommation électrique mondiale. Il aurait émis 76 millions de tonnes de CO2 en 2014, avec une prévision de 400 millions de tonnes de CO2 estimées pour 2050. La seule opération de séparation sel/eau, que ce soit par osmose inverse ou par distillation, nécessite une énergie théorique minimale de l’ordre de 1 kWh par mètre cube d’eau produite. À cela, il faut ajouter sur chaque site les énergies nécessaires pour l’approvisionnement en eau, la distribution de l’eau traitée et la diffusion des saumures qui dépendent de l’emplacement de l’installation, et l’énergie nécessaire pour prétraiter et reminéraliser l’eau, qui dépendent de la qualité de l’eau de mer. D’où l’importance d’utiliser les énergies renouvelables . Pour les plus grandes usines de dessalement du monde en fonction de leur capacité et cout nous avons Ras Al Khair, Arabie Saoudite : 2.998.000 m3/jour pour un investissement de 7,2 milliards de dollars. Elle est communément considéré comme le poids lourd du dessalement au monde et c’est un projet hybride qui utilise à la fois les technologies de flash thermique à plusieurs étages (MSF) et d’osmose inverse (RO) et situé à 75 km au nord-ouest de Jubail et desservant Riyad. Il y a aussi l’usine de Djebel Ali Emiraties de 2.228.000 m3 jour 3 milliards de dollars-Usine de Fujaïrah Emiraties 1.045.361 mètres cubes jour pour un investissement d’entre 650/700 millions de dollars- l’usine de Taweelah Emiraties 909.200 mètres cubes jour pour 874 millions de dollars- Compagnie des eaux et de l’électricité de Jubail Arabie Saoudite 800.000 mètres cubes jour pour un coût estimé entre 800 et 1000 millions de dollars- Usine d’Umm Al Quwain Emiraties 681.000 millions de mètres cubes jour pour coût de 797 millions de dollars, l’Usine de Shuaiba Arabie Saoudite 600.000 millions de mètres cubes jour avec un coût de 821 millions de dollars

Le cas de l’Algérie

Devant faire un bilan serein, sans compter les montants d’investissement entre 1962 à 2018 pour les barrages, et pour les unités de dessalement réalisés entre 2003/2018 où en sont leurs capacités hydriques réelles par rapport aux prévisions, ainsi que le raccordement de In Salah à Tamanrasset d’une longueur de 750 km et d’un coût global de 198 milliards de dinars inauguré en 2011 ( source APS) pour un coût au cours de 2011 de 76 dinars un dollar de 2,60 milliards de dollars, certains organismes internationaux donnant 3 milliards de dollars, soit près de 4 millions de dollars par km, permettant un apport supplémentaire en eau potable de 100.000 mètres cubes jour selon le ministère de l’hydraulique entre 1999/2024 plus de 9OO milliards de dinars soit au cours actuel 6,6 milliards de dollars ont été alloués en vue de renforcer l‘infrastructure hydraulique. L’Algérie possède 81 barrages d’une capacité de 9milliards de mètres cubes mais dont entre 11/15% sinon plus pour certains barrages faute d’une maintenance des les premières années est perdue par envasement. Les prévisions tablent sur 89 barrages pour atteindre une capacité de 12 milliards de mètres cubes ainsi que 750 retenues collinaires avec une capacité de 350 millions de mètres cubes. Du fait des faibles précipitations, la politique hydrique mise sur les unités de dessalement de l’eau de mer comme choix stratégique. Le gouvernement a décidé de dégager environ 5,4 milliards de dollars d’investissement. A court terme cela concerne cinq usines de dessalement dans les wilayas d’El Tarf (Koudiet Draouch), Béjaïa (Tighremt-Toudja), Boumerdès (Cap Djinet), Tipaza (Fouka) et Oran (Cap blanc) pour un investissement avoisinant 2,4 milliards de dollars, ce qui donne un cout moyen pour chaque unité de 300.000 mètres cubes jour environ 480 millions de dollars. Ces infrastructures porteront la production nationale d’eau potable issue du dessalement de 2,2 millions de M3/j à 3,7 millions de M3/jour. Au total les onze usines prévues utilisent le processus de l’osmose inverse, très gourmand en énergie et les capacité de production de l’eau potable grâce au dessalement de l’eau de mer devrait atteindre environ 5,8 millions m³, d’ici 2O3O.. L’AEC facturera à la société de distribution publique, l’Algérienne Des Eaux entre 52 et 100 dinars (0,39-0,76 dollar) par m³ d’eau. Mais les consommateurs ne paieront qu’une petite fraction de cette somme, vu que l’Etat subventionne environ 95 % du coût de l’eau. A ce propos, le Président directeur général de Sonatrach, a affirmé le 24 février 2025 (source APS) lors d’une présentation sur l’usine de dessalement d’Oran, à l’occasion de son inauguration par le président de la République que les cinq cinq usines de dessalement réalisées ont été construites avec des compétences 100% algériennes et que le taux d’intégration des produits nationaux dans ces infrastructures a atteint 30%, 70% des équipement étant importés en devises, portant ainsi la capacité totale des cinq usines, estimée à 1,5 million de M3/j, faisant passer la capacité de 18% en 2O24 à 42% en 2025 . L’Algérie ambitionnant de couvrir 60% de ses besoins en eau potable grâce au dessalement de l’eau de mer d’ici 2030.

En conclusion, face à la pénurie d’eau douce les unités de dessalement de l’eau de mer peuvent être la solution mais se pose cette question : qu’en sera t –il pour bon nombre de pays enclavés qui n’ont pas de côte maritime, d’énergie, le financement sans compter les impacts du réchauffement climatique dont d’ailleurs l’Afrique n’est responsable selon l’ONU que de moins de 5% des effets de serre. Car nous assistons un bouleversement inégal depuis des siècles, d’un côté pluies diluviennes, inondations, de l’autre côté, sécheresse et incendies. Or cela entraîne des coûts colossaux, impossibles à supporter par un seul État , étant une menace pour l’avenir de l’humanité, d’où l’urgence d’une action collective.

A.M.

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