Culture

La pièce « Le Fil rouge » présentée : Quand le théâtre tisse des liens entre mémoire collective et histoire personnelle

La scène du Palais de la Culture Moufdi-Zakaria d’Alger a vibré dimanche soir aux échos d’une mémoire douloureuse mais essentielle avec la présentation de « Le Fil rouge », un monodrame poignant écrit et interprété par Elisa Biagi, comédienne italienne d’origine algérienne. Cette représentation, inscrite au programme des soirées culturelles du Ramadhan, s’est déroulée en présence du ministre de la Culture et des Arts, Zouhir Ballalou, soulignant l’importance accordée à cette œuvre qui explore les méandres de la mémoire coloniale algérienne. Mise en scène avec sobriété et justesse par Anaïs Caroff, la pièce plonge le spectateur dans l’histoire de « Nana Nouara », grand-mère de la comédienne, dont le destin personnel se confond avec celui de nombreuses femmes algériennes ayant traversé l’épreuve de la colonisation française. À travers ce personnage familier, Elisa Biagi réussit l’alchimie délicate de transformer un témoignage intime en fresque historique, donnant corps et voix aux souffrances trop longtemps tues. Sur scène, la comédienne incarne avec une intensité rare cette aïeule dont l’existence fut marquée par la violence, la déportation, les privations et la pauvreté. Son interprétation, portée par une gestuelle précise et maîtrisée, transcende la simple représentation pour atteindre une véritable incarnation. Le public algérois a pu ainsi voyager dans le temps et l’espace, confronté à cette « période sombre de l’histoire d’Algérie » que la pièce explore sans concession mais avec une profonde humanité. La performance d’Elisa Biagi, saluée par de longs applaudissements, a su toucher les spectateurs par sa sincérité et sa capacité à faire revivre non seulement le parcours individuel de « Nana Nouara », mais aussi celui de toutes ces femmes anonymes des villages et hameaux algériens, gardiennes résilientes des valeurs familiales et sociales en des temps de grande adversité. « Le Fil rouge » s’inscrit ainsi dans cette nécessaire démarche de transmission et de réappropriation mémorielle qui caractérise une partie du théâtre contemporain algérien. En choisissant de faire résonner la voix de sa grand-mère, Elisa Biagi tisse effectivement un fil rouge entre les générations, entre les deux rives de la Méditerranée, et invite à une réflexion sur l’héritage colonial dont les échos continuent de façonner les identités contemporaines. Cette représentation, par sa dimension à la fois intime et universelle, rappelle la puissance du théâtre comme vecteur de mémoire collective et outil de reconstruction identitaire, particulièrement significative dans le contexte des relations franco-algériennes où le travail de mémoire demeure un enjeu fondamental.

M.S.

admin

admin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *