L’impacts des taxes douanières américaines sur l’économie algérienne via la rente des hydrocarbures
ParAbderrahmane Mebtoul
Professeur des universités et expert international.
Il y a lieu d’analyser les impacts des décisions récentes des taxes douanières du président Trump concernant 180 pays. Pour l’Algérie, les taxes qui étaient jusque-là de 18,9 %, sont passées à 30% ce qui aura un impact directement et indirectement sur l’économie algérienne fortement dépendante de la rente des hydrocarbures. En rappelant que vers les années 2004, les échanges commerciaux bilatéraux, étaient environ 8,5 milliards de dollars, et depuis avec la production de pétrole et de gaz de schiste , selon l’ambassade des USA à Alger le volume des investissements directs a triplé étant estimé en 2023 à 6 milliards de dollars et en 2024 selon le FMI les échanges ont atteint 3,5 milliards de dollars. Les importations en provenance des USA en 2024 ont été de 1 milliard de dollars et l’Algérie a exporté vers les États-Unis, pour 2,5 milliards de dollars de biens composé essentiellement d’hydrocarbures- produits pétroliers raffinés ou bruts , des engrais azotés, très accessoirement le ciment, certains produits sidérurgiques et agricoles. Avec ces surtaxes, à moins d’un accroissement proportionnel de la productivité interne, ces produits peuvent n’être plus compétitifs par rapport aux autres pays qui ont eu un taux largement inférieur. Qu’en sera t-il des impacts avec les compagnies américaines qui récemment avaient exprimé leur volonté d’investir en Algérie avec les nouvelles taxes et n’investiront –elle pas vers d’autres pays moins taxés?
Mais le plus grand impact de ces taxes douanières est sur la détermination du cours des hydrocarbures qui est la décroissance de l’économie mondiale comme le montre la panique des places boursières mondiales: pour exemple avec l’annonce de ces taxes en plus de l’augmentation de la production de l’OPEP+, le cours du pétrole a été coté le 04 avril 2O25 à 65,58 dollars pour le Brent et 61,99 dollars pour le Wit, une baisse de près de 8/10 dollars en référence au mois de février etmars 2025, avant cette annonce, une lourde perte pour l’Algérie.
Il faut être réaliste , l’Algérie doit être très attentive à tous ces impacts. Car, les recettes de Sonatrach représentant l’essentiel des recettes en devises qui sont passées de 60 milliards de dollars en 2022, à 50 en 2023 , des estimations provisoires entre 43/44 milliards de dollars pour 2024 pour un cours moyen de 75 dollars. Qu’en sera-t-il si le cours moyen pour 2025 est inférieur à 70 dollars , le déficit budgétaire, source d’inflation, prévu pour 2025 étant déjà très élevé étant estimé par la loi de finances 2025 à 61,72 milliards de dollars au cours actuel
Cette dépendance vis-à-vis de la rente des hydrocarbures est d’autant plus inquiétante pour plusieurs raisons. Les banques commerciales et d’investissement opèrent non plus à partir d’une épargne puisée du marché, mais par les avances récurrentes (tirage et réescompte) auprès de la Banque d’Algérie et les entreprises publiques déficitaires sont refinancées par le Trésor toujours via les recettes de Sonatrach. Cet assainissement a coûté 250 milliards de dollars durant les trente dernières années à fin 2020 (source APS) et cela a continué entre 2021/2024 via toujours la rente des hydrocarbures.
– la technique de triangularisation de la matrice du produit intérieur brut PIB montre clairement que majorité des entreprises privées et publiques, que ce soit pour leur investissement ou leur exploitation courante, sont entièrement dépendantes de la «monnaie hydrocarbures » et que le taux de croissance via la dépense publique qui influe sur le taux d’emploi et donc sur le taux de chômage dépendant de cette rente.
– elle permet l’allocation chômage et une généreuse politique généreuse des transferts sociaux, comme tampon social mais mal ciblées et injuste, bénéficiant à toutes les catégories sociales, évaluées pour 2023 et 2024 à plus de 5000 milliards de dollars soit au cours actuel 37,32 milliards de dollars ainsi que l’augmentation de la prochaine l’allocation touristique évaluée à 4 milliards de dollars /an selon la déclaration du Ministère des Finances en date du 30 mars 2025
– elle permet 98% des recettes en devises y compris les dérivées d’hydrocarbures inclus dans la rubrique hors hydrocarbures pour près de 65/70% évalués à 6,9 milliards de dollars en 2022, 5,01 en 2023 et selon les premières estimations du premier semestre 2024 par l’ONS allant vers 4,3 milliards de dollars en 2024, dont et par ricochet les réserves de change estimées à plus de 70 milliards de dollars fin 2024 .
En conclusion, de profondes réformes structurelles s’imposent pour résister à la fois aux nouvelles mutations géostratégiques et aux aléas de la conjoncture internationales dont la réforme des institutions, du système socio-éducatif, du foncier et du système financier dans sa globalité – banques, fiscalité, domaines, douanes et afin d’améliorer la gouvernance et de dynamiser le tissu productif. L’objectif de la réforme globale est de redonner confiance à la population algérienne, condition de sa mobilisation pour relever les nombreux défis. ademmebtoul@gmail.com