France-Algérie: Retailleau surf sur l’escalade des tensions
Le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau revient à la charge alimente une nouvelle escalade de la crise diplomatique entre la France et l’Algérie. S’exprimant hier sur BFMTV et RMC, le responsable français a délibérément opté pour une posture de confrontation en plaidant ouvertement pour « un rapport de force » avec Alger et en menaçant de prendre « de nouvelles mesures » si la situation restait inchangée.
Ces propos interviennent au lendemain d’une rencontre qu’il a organisée, conjointement avec le ministre des Affaires étrangères Jean Noël Barrot, avec les douze diplomates français expulsés d’Algérie mi-avril. Une nouvelle intervention qui illustre la manière dont Retailleau s’approprie des dossiers relevant traditionnellement de la diplomatie française. En instrumentalisant la dimension émotionnelle de cette affaire, le ministre de l’Intérieur tente visiblement de capitaliser sur cette crise à des fins politiques personnelles. « Je leur ai parlé individuellement, tous étaient très choqués. Vous vous rendez compte que certains d’entre eux ont laissé leur famille, ils ont des jeunes enfants qui sont scolarisés, d’autres ont une épouse ou une compagne qui est algérienne », a-t-il déclaré avec emphase, cherchant manifestement à susciter l’indignation de l’opinion publique française. La crise actuelle a été déclenchée le 3 avril dernier par l’arrestation et l’incarcération d’un agent consulaire algérien à Paris, une provocation délibérée avec une opération spectacle menée par les services de la DGSI sous la tutelle de Retailleau. En réponse, l’Algérie avait demandé le 14 avril à douze agents français de quitter le territoire national sous 48 heures, mesure à laquelle Paris avait répliqué de manière similaire deux jours plus tard.
Une rhétorique belliciste
Loin de chercher l’apaisement qui serait pourtant nécessaire après ces échanges de représailles diplomatiques, Bruno Retailleau adopte une rhétorique belliciste et menace désormais de remettre en cause l’accord de 2013 qui exempte de visa les porteurs algériens et français de passeports diplomatiques. « C’est une exception d’ailleurs par rapport aux autres pays du Maghreb. Je pense qu’il faut suspendre cet accord, et puis il y a aussi d’autres voies, d’autres moyens », a-t-il ajouté de façon équivoque. Cette attitude agressive du ministre français intervient dans un contexte particulièrement sensible, alors que les deux pays venaient tout juste de sortir d’une précédente crise diplomatique qui avait duré huit mois. En s’immisçant dans des domaines qui relèvent traditionnellement de la compétence du ministère des Affaires étrangères, Bruno Retailleau semble davantage motivé par des considérations de politique intérieure et des ambitions personnelles que par la recherche d’une résolution constructive du différend avec l’Algérie. Le secrétaire d’État chargé de la Communauté nationale à l’étranger, Sofiane Chaib, n’avait d’ailleurs pas manqué de souligner il y a quelques que le ministre français « assume entièrement la responsabilité de cette nouvelle situation créée dans un contexte tout à fait particulier ». Cette ingérence d’un ministre de l’Intérieur dans les affaires étrangères françaises et son acharnement à envenimer les relations avec l’Algérie interrogent sur les véritables motivations qui animent Bruno Retailleau, dont les prises de position semblent davantage dictées par des calculs politiques personnels que par l’intérêt des relations bilatérales.
Salim Amokrane