Gaz naturel: L’Algérie continuera à dominer le marché méditerranéen
Malgré l’effervescence autour des découvertes gazières en Méditerranée orientale, l’Algérie conserve sa position dominante sur le marché européen du gaz naturel grâce à ses réserves colossales et son infrastructure de transport éprouvée. Une étude récente menée par l’Institut Baker pour les politiques publiques, analysée par l’unité de recherche énergétique « Attaqa » basée à Washington, révèle que les gisements de la Méditerranée orientale, bien qu’importants, restent modestes comparés aux vastes réserves algériennes. Si l’étude souligne que les capitales européennes fondent de grands espoirs sur le gaz de Méditerranée orientale comme alternative potentielle aux approvisionnements russes, elle pointe du doigt que la complexité géopolitique de cette région soulève des défis incontournables. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la région abrite des ressources récupérables de haute qualité estimées à environ 80 000 milliards de pieds cubes selon un rapport de Wood Mackenzie, tandis qu’Oussama Mobarez, secrétaire général du Forum du gaz de Méditerranée orientale, évalue les réserves non découvertes à quelque 300 000 milliards de pieds cubes.
En comparaison, l’Algérie détient des réserves prouvées de gaz naturel d’environ 159 000 milliards de pieds cubes fin 2024. Plus impressionnant encore, le pays possède les troisièmes plus importantes réserves mondiales de gaz de schiste non exploité, évaluées à plus de 700 000 milliards de pieds cubes selon l’Institut géologique américain. Cette richesse souterraine confère à l’Algérie un avantage stratégique considérable dans l’équation énergétique mondiale. L’avantage décisif de l’Algérie réside toutefois dans son infrastructure de transport déjà opérationnelle. Contrairement aux pays de Méditerranée orientale qui peinent encore à développer leurs projets, l’Algérie a déjà construit un réseau sophistiqué de gazoducs. Le pipeline TransMed reliant l’Algérie à l’Italie via la Tunisie et le gazoduc Medgaz connectant directement l’Algérie à l’Espagne constituent l’épine dorsale de cette infrastructure. Cette connectivité directe avec l’Europe permet à l’Algérie de livrer rapidement et efficacement son gaz aux marchés européens.
L’Algérie exploite également plusieurs terminaux de liquéfaction à Skikda et Arzew, lui permettant d’expédier le combustible vers tous les continents et offrant une flexibilité inégalée dans ses capacités d’exportation. Second plus grand exportateur africain de gaz naturel liquéfié après le Nigeria, l’Algérie a exporté 11,62 millions de tonnes l’année dernière, avec 2,24 millions de tonnes durant le premier trimestre 2025 selon le rapport sur les marchés arabes et mondiaux du GNL publié par l’unité de recherche énergétique.
En 2024, la part de l’Algérie dans les importations totales de GNL de l’Union européenne atteignait environ 6,84 millions de tonnes, culminant à 1,07 million de tonnes au premier trimestre 2025. Ces chiffres témoignent de la position privilégiée qu’occupe l’Algérie dans l’approvisionnement énergétique européen, statut renforcé par la stabilité politique relative du pays.
Dans un contexte géopolitique turbulent marqué par la guerre en Ukraine et les tensions au Moyen-Orient, l’Algérie conserve un atout rare : la stabilité politique, souligne l’étude. Ce facteur constitue le carburant silencieux derrière sa capacité continue de production et d’exportation sans interruption. À l’inverse, les conflits régionaux en Méditerranée orientale, du conflit israélo-palestinien aux tensions entre la Turquie et la Grèce, rendent tout projet énergétique à long terme particulièrement risqué, précise-t-on encore.
Cette stabilité institutionnelle, combinée à l’expertise technique développée au fil des décennies et aux relations commerciales établies avec l’Europe, place l’Algérie en position de force pour répondre à la demande européenne croissante en gaz naturel.
Samira Ghrib