Doublement primé à Cannes: Mohamed Lakhdar-Hamina s’éteint
Le cinéma algérien et africain perd l’une de ses figures les plus emblématiques avec la disparition de Mohamed Lakhdar-Hamina, survenue ce vendredi à l’âge de 95 ans.
Réalisateur, producteur, acteur et moudjahid, cet homme aux multiples facettes aura consacré plus d’un demi-siècle de sa vie à porter la voix de l’Algérie sur les écrans du monde entier, gravant dans la pellicule l’épopée d’un peuple en quête de liberté et de dignité. Sa disparition marque la fin d’une époque dorée du septième art algérien et la perte irremplaçable d’un témoin privilégié de l’Histoire contemporaine de son pays.
Né à M’sila, Mohamed Lakhdar-Hamina avait très tôt manifesté une passion dévorante pour l’image et la photographie, pressentiment précoce d’une vocation qui allait transformer sa vie en une quête artistique inlassable. Son parcours singulier illustre parfaitement le destin d’une génération d’intellectuels algériens qui ont vécu la colonisation, participé à la lutte pour l’indépendance et accompagné la construction de l’Algérie moderne. Après ses premières études en Algérie puis en France, c’est vers Tunis qu’il se dirigera en 1958, rejoignant les rangs du Front de libération nationale pour mettre sa caméra au service de la révolution algérienne. Cette période fondatrice verra naître ses premiers films documentaires au maquis, témoignages bruts et authentiques d’une lutte héroïque qui marquera à jamais sa vision cinématographique.
L’année 1959 constitue un tournant décisif dans sa formation artistique lorsque le FLN l’envoie en Tchécoslovaquie pour étudier le cinéma à Prague, où il se spécialise dans la prise de vue tout en continuant ses allers-retours vers Tunis pour collaborer avec Djamel Chanderli sur des œuvres fondatrices comme « Yasmina », « La Voix du peuple » et « Les Fusils de la liberté ». Cette double formation, théorique en Europe de l’Est et pratique sur le terrain de la révolution, forge chez lui une approche cinématographique unique, alliant rigueur technique et engagement politique indéfectible.
Consécration à Cannes
L’Indépendance acquise, Mohamed Lakhdar-Hamina devient l’un des architectes du cinéma algérien naissant en créant avec ses anciens collaborateurs de Tunis l’Office des actualités algériennes, qu’il dirigera de 1963 à 1974. Cette institution sera le laboratoire d’expérimentation d’un cinéma national authentique, libéré des influences coloniales et résolument tourné vers l’expression des réalités algériennes. C’est dans ce contexte qu’il réalise en 1965 « Le Vent des Aurès », son premier long-métrage qui révèle immédiatement l’ampleur de son talent. Porté par l’interprétation bouleversante de Keltoum dans le rôle d’une mère algérienne errant désespérément à la recherche de son fils disparu dans les geôles coloniales, ce film obtient le Prix de la première œuvre au Festival de Cannes en 1967, consacrant l’entrée fracassante du cinéma algérien sur la scène internationale.
Cette reconnaissance cannoise ouvre la voie à une carrière exceptionnelle qui verra Mohamed Lakhdar-Hamina concourir quatre fois au prestigieux festival français, exploit rarissime pour un réalisateur africain ou arabe. En 1968, « Hassen Terro » avec l’inoubliable Rouiched lui apporte la popularité en Algérie, tandis que « Décembre » en 1972 dénonce avec une force saisissante la barbarie de la torture coloniale. Mais c’est en 1975 que son génie atteint son apogée avec « Chronique des années de braise », fresque épique magistrale qui retrace en six tableaux l’histoire de la résistance algérienne depuis les premiers soulèvements jusqu’à la Révolution de novembre 1954. Cette œuvre d’une puissance visuelle extraordinaire lui vaut la Palme d’or, distinction suprême qui fait de lui le premier et unique réalisateur algérien à recevoir cette consécration, devenant par la même occasion le doyen des lauréats encore vivants de cette prestigieuse récompense.
Directeur de l’Office national du cinéma et de l’industrie cinématographique de 1981 à 1984, Mohamed Lakhdar-Hamina continue d’enrichir sa filmographie avec « Vent de sable » en 1982 et « La Dernière Image » en 1985, avant de signer en 2014 « Crépuscule des ombres », testament artistique d’un créateur jamais lassé d’explorer les profondeurs de l’âme algérienne. Parallèlement à sa carrière de réalisateur, il s’impose comme producteur de renom, notamment en soutenant des œuvres majeures du cinéma international comme « Z » de Costa-Gavras en 1969 et « Le Bal » d’Ettore Scola en 1983, démontrant sa capacité à transcender les frontières culturelles tout en restant fidèle à ses convictions artistiques.
Sa présence à l’écran en tant qu’acteur, notamment dans ses propres films où il incarne souvent des personnages de conteurs ou de sages, révèle une autre facette de son talent et de sa philosophie cinématographique. Dans « Chronique des années de braise », son personnage de Miloud, conteur incomp
Mohand Séghir
Le Président de la République présente ses condoléances suite au décès du moudjahid et grand réalisateur Mohamed Lakhdar-Hamina
Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a présenté ses sincères condoléances et sa profonde compassion à la famille du moudjahid, grand réalisateur et producteur Mohamed Lakhdar-Hamina, décédé, vendredi, à l’âge de 95 ans. « C’est avec une immense tristesse et une profonde affliction que le président de la République, Monsieur Abdelmadjid Tebboune, a appris la disparition du monument du cinéma mondial, le grand réalisateur Mohamed Lakhdar-Hamina, survenue à la veille de la célébration par l’humanité du cinquantième anniversaire de sa Palme d’or remportée au Festival de Cannes pour son chef-d’œuvre +Chronique des années de braise+, œuvre magistrale qui a révélé au monde entier un pan des souffrances du peuple algérien durant la colonisation », a écrit le président de la République dans son message de condoléances. « Le défunt, avant d’être un cinéaste créatif de renommée internationale ayant marqué l’histoire du septième art de son empreinte indélébile, fut un moudjahid fier et engagé, ayant contribué à la libération de sa patrie à travers des images et des scènes qui ont transmis à l’humanité les épopées de la Révolution algérienne », a ajouté le président de la République. « En cette pénible perte et douloureuse circonstance, Monsieur le Président adresse à la famille du défunt, à la famille révolutionnaire, ainsi qu’à la famille du cinéma algérien et international, ses condoléances les plus sincères et l’expression de sa profonde compassion, priant Allah Tout-Puissant d’entourer le défunt de Sa sainte miséricorde, de l’accueillir en Son vaste paradis et d’accorder à ses proches et au peuple algérien patience et réconfort. A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons », conclut le président de la République.
APS