Boubekeur Sellami, expert en fiscalité et finances publiques: « Il faut limiter les paiements en espèces »
L’expert en fiscalité et finances publiques Boubekeur Sellami a souligné, dans une entretien au service multimédias de la Radi algérienne, les enjeux cruciaux de l’économie nationale, notamment en ce qui concerne la lutte contre l’informel.
Sellami tire d’ailleurs la sonnette d’alarme sur l’ampleur de l’économie parallèle en Algérie. « Les montants d’argent présents sur le marché parallèle dépassent presque ceux qui circulent dans les banques », affirme-t-il avec inquiétude. L’expert propose une solution radicale pour assainir cette situation : « Il faut changer les billets de banque avec interdiction de retrait à nouveau, on vous donne des chèques, on vous donne des cartes de paiement, on vous donne toute possibilité de paiement électronique et bancaire ». Cette approche vise à forcer l’intégration de l’argent liquide dans le circuit bancaire officiel.
Sur un autre volet, l’analyse de Sellami révèle les contradictions des politiques publiques algériennes envers les petites et moyennes entreprises. Malgré des avantages fiscaux considérables – la charge fiscale pour les auto-entrepreneurs étant réduite de 5% à 0,5% – les résultats restent décevants. « Nous n’avons pas d’études précises qui nous disent par exemple, depuis le début de l’octroi des avantages il y a des décennies jusqu’à aujourd’hui, combien a dépensé le Trésor public et quels sont les résultats obtenus », déplore l’économiste. Le cas de l’ANSEJ (Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes), devenue ANADE, symbolise ces dysfonctionnements. Sur 400 000 projets financés entre 2011 et 2020, seulement 10% ont réussi. « 90% n’ont pas réussi, se sont enlisés », constate Sellami, pointant l’absence d’accompagnement et de suivi des porteurs de projets.
La résistance à la digitalisation constitue aussi un frein majeur au développement économique. Sellami dénonce les pratiques de certains responsables administratifs : « Quand vous savez qu’une personne dans une administration donnée a cinquante dossiers dans le tiroir et les contrôle comme elle veut sans qu’il y ait de contrôleur », cette situation favorise la corruption et les dysfonctionnements.
Concernant l’interdiction d’importation de produits fabriqués localement, Sellami adopte une position nuancée. Bien qu’approuvant le principe, il met en garde contre les effets pervers.
Les recommandations de Sellami s’articulent autour de plusieurs axes : digitalisation des procédures administratives, évaluation rigoureuse des politiques publiques, lutte contre l’économie parallèle et modernisation du système de paiement. « L’économie a besoin de liberté, mais une liberté avec surveillance, liberté selon nos possibilités en devise pour l’importation, liberté avec protection de la production nationale réelle ».
Amar Malki