La nouvelle loi sur la lutte contre le blanchiment d’argent entre vigueur : Ce qui change
La nouvelle loi sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme a été publiée au Journal officiel N° 48 et entre ainsi en vigueur. Le texte durcit considérablement la lutte contre les crimes financiers en Algérie, avec des innovations majeures qui concernent tous les secteurs économiques. L’innovation la plus marquante de cette réforme concerne l’interdiction pure et simple des actifs virtuels. La nouvelle loi interdit formellement d’« émettre, acheter, vendre, utiliser des actifs virtuels ou de les détenir, d’en faire le commerce, de les promouvoir ou de créer ou d’exploiter des plates-formes d’échange ». Cette interdiction s’étend également au minage de cryptomonnaies, plaçant l’Algérie parmi les pays les plus restrictifs au monde sur ce sujet.
Le texte introduit également de nouvelles règles de transparence et de gouvernance dans les entités économiques. Toutes les entreprises algériennes devront désormais déclarer obligatoirement leurs bénéficiaires effectifs – c’est-à-dire les personnes physiques qui contrôlent réellement l’entreprise. Un registre spécial devra être tenu à jour en permanence et conservé pendant cinq ans minimum après dissolution de la société. Cette mesure vise à percer le voile des montages financiers complexes. Il impose aussi une surveillance accrue des associations. Les organisations à but non lucratif font l’objet d’une attention particulière. Elles devront désormais se soumettre à une « surveillance appropriée » et ne pourront plus recevoir de dons d’origine inconnue. Cette disposition répond aux préoccupations internationales sur le détournement d’associations à des fins de financement du terrorisme. Le volet répressif a été considérablement renforcé. Les entreprises contrevenantes risquent désormais des amendes pouvant atteindre 5% de leur chiffre d’affaires annuel. Pour les dirigeants, les sanctions peuvent aller jusqu’à 500 000 dinars, tandis que les responsables d’associations s’exposent à 300 000 dinars d’amende.
Immobilier, automobile et paris sportifs
La loi élargit son périmètre à de nouveaux secteurs : concessionnaires automobiles, marchands de pierres précieuses, agents immobiliers, ou encore organisateurs de paris sportifs. Ces professionnels devront appliquer les mêmes obligations de vigilance que les banques, notamment l’identification des clients et la déclaration d’opérations suspectes. Face à la dimension transfrontalière des crimes financiers, la loi facilite l’échange d’informations avec les autorités étrangères. Un nouveau « comité de suivi des sanctions internationales » est créé au ministère des Affaires étrangères pour assurer l’application des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU. Plusieurs nouveaux délits font leur apparition : le refus de déclarer un bénéficiaire effectif (jusqu’à 2 ans de prison), la violation des mesures de gel d’avoirs (jusqu’à 3 ans), ou encore l’utilisation de cryptomonnaies (jusqu’à 1 an). Ces infractions s’ajoutent aux délits existants de blanchiment et financement du terrorisme.
La loi introduit une approche plus moderne basée sur l’évaluation des risques. Les entreprises devront identifier leurs expositions spécifiques au blanchiment et adapter leurs mesures de contrôle en conséquence, plutôt que d’appliquer uniformément les mêmes procédures.
Cette réforme s’inscrit dans l’alignement de l’Algérie sur les standards internationaux du Groupe d’action financière (GAFI), l’organisme mondial de référence en matière de lutte contre le blanchiment. Elle témoigne de la volonté des autorités algériennes de renforcer l’intégrité du système financier national face aux défis contemporains de la criminalité économique.
Amar Malki