Économie

Afrique subsaharienne : Le GPL, maillon oublié de la transition énergétique

Près d’un milliard de personnes en Afrique subsaharienne continueront, en 2024, à cuisiner au bois, au charbon ou à la bouse séchée. Ce constat, tiré du dernier rapport du dernier rapport du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF), illustre l’ampleur d’une crise silencieuse : celle de la cuisson propre. Derrière ces chiffres se cachent des coûts humains, économiques et environnementaux colossaux. Selon le document, « la dépendance à la biomasse impose des coûts profonds : 815 000 décès prématurés par an dus à la pollution de l’air domestique et la perte de 1,3 million d’hectares de forêts ». Le temps consacré à la collecte du bois — assumé majoritairement par les femmes et les filles — prive des millions de foyers d’éducation, de revenus et de productivité. Dans ce contexte, le gaz de pétrole liquéfié (GPL) apparaît comme « une solution éprouvée et évolutive » pour transformer cette réalité. Mais son adoption reste marginale, freinée par des obstacles structurels.

Le premier est financier. Passer au GPL exige l’achat d’un kit de démarrage (bouteille, réchaud, détendeur) qui représente entre 7 % et 75 % du revenu mensuel rural selon les pays, explique le rapport. Au Soudan, cette dépense absorbe près des trois quarts du revenu moyen ; en Ouganda, presque la moitié ; au Ghana, encore un cinquième. À cela s’ajoutent des coûts de recharge récurrents, représentant environ 5 % du revenu mensuel, un seuil insurmontable pour des ménages vivant avec moins de 2,15 dollars par jour. Même quand la demande existe, l’offre ne suit pas. Le rapport relève un « sous-investissement chronique dans les terminaux, dépôts, unités d’embouteillage et réseaux ruraux ». Résultat : en zones rurales, les prix du GPL grimpent de 20 à 40 % au-dessus de la moyenne nationale. Faute d’infrastructures, investisseurs et ménages se retrouvent piégés dans un cercle vicieux : peu de demande, donc peu d’investissement, donc des prix plus élevés encore.

Face à cette équation, le GECF tranche : « Les subventions ne sont pas facultatives, elles sont inévitables. » Mais il ne s’agit plus de programmes universels coûteux et inefficaces, comme au Sénégal dans les années 2000. Le rapport plaide pour des dispositifs « ciblés, efficaces et limités dans le temps », combinant aides à l’acquisition des kits, soutien temporaire aux recharges et exonérations fiscales intelligentes. Les exemples régionaux abondent : au Cameroun, des subventions sur les recharges ont permis de tripler la consommation domestique en six ans, faisant passer l’accès national de 12 % à près de 30 %. Au Rwanda, un modèle innovant de Pay-As-You-Go (PAYG), associant kits subventionnés et paiements mobiles par petites tranches, a déjà séduit plus de 10 000 foyers.

200 milliards de dollars de bénéfices potentiels

Au-delà du social, le GPL s’impose comme une brique de la transition énergétique africaine. Il réduit immédiatement la pression sur les forêts et les émissions de particules fines, tout en libérant du temps pour des activités génératrices de revenus. « Corriger ces distorsions par des subventions n’est pas une charge fiscale, mais un investissement stratégique », insiste le rapport, chiffrant à 200 milliards de dollars les co-bénéfices potentiels en santé, égalité de genre, productivité et durabilité. Pour être efficaces, ces soutiens doivent s’inscrire dans un cadre plus large : stabilité réglementaire, développement des infrastructures, financement innovant et coopération régionale. L’intégration via la ZLECAf ou l’Union africaine permettrait d’harmoniser les normes, de mutualiser les achats et de sécuriser l’approvisionnement. En définitive, le GPL ne constitue pas une solution miracle ni un substitut aux énergies renouvelables. Mais il représente une passerelle indispensable vers la modernité énergétique pour des millions de foyers africains. Ignorer la cuisson propre dans la transition énergétique, c’est oublier qu’elle concerne la moitié de l’énergie consommée dans la région et qu’elle conditionne directement la santé, la productivité et l’égalité des chances. Loin d’être un luxe, c’est une urgence.

Sabrina Aziouez

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