Une version modifiée du règlement intérieur de l’APN proposée
La Commission des affaires juridiques de l’Assemblée populaire nationale a adopté lundi le règlement intérieur révisé, conformément à la décision de la Cour constitutionnelle. Une adoption unanime qui masque difficilement les vives tensions qui ont marqué les débats.
La Commission des affaires juridiques, administratives et des libertés de l’Assemblée populaire nationale (APN) a adopté, lundi, le règlement intérieur de l’institution, après l’avoir mis en conformité avec les exigences de la Cour constitutionnelle. Présidée par Toumi Abdelkader, la réunion a été consacrée à l’examen de la décision rendue par la haute juridiction concernant le contrôle de conformité de ce texte à la Constitution. Si le communiqué officiel fait état d’une adoption à l’unanimité, les échanges auraient été particulièrement tendus. Les divergences portaient essentiellement sur la méthodologie de travail, certains membres souhaitant élargir la révision à d’autres dispositions que celles explicitement visées par la Cour constitutionnelle. Parmi les amendements notables figure l’adaptation de l’article 7 relatif à l’élection du président de l’APN. Le terme « complète » a été supprimé du dernier alinéa concernant le mandat du président, en raison de son incompatibilité avec les dispositions constitutionnelles. La commission a également abandonné une proposition visant à accorder au président de l’Assemblée une immunité qui aurait empêché sa destitution durant la législature. Les modifications ont également concerné la suppression du terme « permanente » de l’article 9 et du dernier alinéa de l’article 15. Plus radicalement, les articles 94, 148, 149, 184 et 199 ont été purement et simplement abrogés pour non-conformité à la Constitution.
L’article 94, symbole des dérives constitutionnelles
La Cour constitutionnelle a particulièrement pointé du doigt l’article 94, qui autorisait le bureau de l’Assemblée à organiser des séances de débat ou de vote avec une participation restreinte aux vice-présidents, aux chefs de groupes parlementaires, aux membres des bureaux de commissions et au représentant des députés non-inscrits, en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles. Pour la haute juridiction, cette disposition instaurait un mécanisme exceptionnel portant gravement atteinte au fonctionnement régulier de l’Assemblée, en permettant la conduite des travaux et l’adoption de décisions législatives par un nombre limité de représentants, sans la présence des autres députés. Un dispositif en contradiction flagrante avec les articles 97 à 101 de la Constitution régissant les circonstances exceptionnelles.
Le règlement intérieur n’a jamais fait l’unanimité. Plusieurs formations politiques, dont le Front de libération nationale (FLN), le Mouvement de la société pour la paix (MSP) et le Mouvement El Bina, s’étaient abstenues lors du vote initial, estimant que de nombreuses dispositions soulevaient des problèmes de fond. Saisie par le président de la République en vertu de l’article 190 de la Constitution, la Cour constitutionnelle a rendu, le 15 juillet dernier, une décision sans appel : près de vingt articles ont été jugés non conformes à la Loi fondamentale. L’institution a adressé à l’administration de l’Assemblée une série d’observations sévères, dénonçant des mécanismes « non constitutionnels » et des atteintes à des droits fondamentaux.
Les griefs portaient notamment sur des dispositions remettant en cause le principe de séparation des pouvoirs, limitant les droits de l’opposition parlementaire, ou introduisant des articles relevant plutôt du domaine de la loi organique que d’un simple règlement intérieur. L’article 92, qui accordait au bureau de l’Assemblée un pouvoir discrétionnaire pour accepter ou refuser une proposition de l’opposition d’organiser une séance mensuelle, a été particulièrement critiqué. Pour la Cour, cette latitude « neutralise » le droit garanti par l’article 116 de la Constitution. Elle a exigé que le bureau ne puisse rejeter une proposition que pour deux motifs précis : l’incompétence de l’Assemblée sur le sujet ou l’inscription de celui-ci dans les travaux en cours. Avec cette adoption, un chapitre se referme, mais les divisions au sein de l’hémicycle demeurent, laissant présager des débats houleux lors du retour du texte en séance plénière.
Hocine Fadheli