Monde

Soudan : L’ONU alerte sur un risque imminent de crimes de masse

Le conseiller spécial des Nations Unies pour la prévention du génocide, Chaloka Beyani, a mis en garde samedi contre de possibles crimes de masse à El Fasher, ville de l’ouest du Soudan tombée fin octobre entre les mains des Forces de soutien rapide (FSR), après plus de cinq cents jours de siège. « Nous constatons de graves violations du droit international des droits humains, des attaques directes contre des civils, un non-respect du droit international humanitaire et ces attaques visent en grande partie des civils », a déclaré le haut responsable onusien, récemment nommé à ce poste. Chaloka Beyani, qui a échangé sur ce dossier avec la coordinatrice humanitaire de l’ONU au Soudan, Denise Brown, prévoit de transmettre prochainement un avis au secrétaire général de l’organisation, au Conseil de sécurité et à l’ensemble du système des Nations Unies. Le conseiller spécial a souligné la gravité exceptionnelle de la situation en précisant que « lorsque notre bureau tire la sonnette d’alarme, cela dépasse les simples violations ordinaires des droits humains ou du droit humanitaire. Cela signifie que le seuil est sur le point d’être franchi, et qu’il faut donc agir de manière préventive ». Des images et témoignages diffusés ces derniers jours ont révélé des atrocités commises par les FSR dans la capitale du Darfour du Nord, prise par la milice aux troupes gouvernementales fin octobre. Tom Fletcher, chef des affaires humanitaires de l’ONU, avait déjà lancé un cri d’alarme devant le Conseil de sécurité le 31 octobre en déclarant : « Nous n’entendons pas les cris, mais, alors que nous sommes réunis ici, l’horreur continue. » Selon le bureau du conseiller spécial pour la prévention du génocide, plusieurs indicateurs de risque de crimes de masse sont réunis au Soudan, même si seule une juridiction internationale peut statuer sur la qualification de génocide. La Cour pénale internationale s’est dite « profondément alarmée » par les informations faisant état de massacres, de viols collectifs et d’exécutions sommaires à El Fasher, où l’ONU a officiellement déclaré un état de famine. Le tribunal international poursuit son enquête sur les crimes commis au Darfour depuis le début du conflit entre les FSR et l’armée soudanaise en avril deux mille vingt-trois. « Le bureau du procureur prend immédiatement des mesures pour préserver et collecter les preuves pertinentes en vue de poursuites futures », a-t-il indiqué. Sur le terrain, la situation humanitaire demeure critique pour des milliers de familles déplacées. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies a déclaré que « dans la région de Long Island et les régions environnantes, les personnes déplacées vivent dans des conditions extrêmement difficiles, sans nourriture suffisante, sans eau potable, sans abri ni soins médicaux ». Les organisations humanitaires travaillent avec des partenaires locaux pour mettre en place de nouveaux camps afin d’accueillir les nouveaux arrivants d’El Fasher, qui s’ajoutent aux plus de 650.000 personnes déplacées ayant déjà trouvé refuge à Tawila. Une mission inter-agences conjointe dirigée par Antoine Girard, coordonnateur humanitaire adjoint au Soudan, est arrivée mardi dernier à Tawila pour dialoguer avec les populations touchées, évaluer les besoins et renforcer la réponse en cours. Le Haut-Commissariat pour les réfugiés fournit une aide vitale et des services essentiels aux familles déplacées, tout en effectuant des évaluations individuelles de protection pour les nouveaux arrivants les plus vulnérables.

La crise s’étend au-delà du Darfour. Dans l’État du Kordofan occidental, les combats se poursuivent et des victimes civiles ont été signalées lors des récents affrontements. Des dizaines de familles déplacées de la localité d’Al-Adiya sont arrivées à Al-Abyad, dans l’État voisin du Kordofan du Nord, après avoir fui les attaques survenues près d’Al-Nuhud au cours des deux dernières semaines. L’Organisation internationale pour les migrations a signalé que beaucoup sont arrivés épuisés et affamés après avoir marché pendant plusieurs jours. Environ deux cent cinquante personnes déplacées sont actuellement hébergées dans quatre abris temporaires avec un accès limité aux services de base, tandis que les réserves alimentaires des cuisines collectives s’épuisent. L’OCHA a souligné l’urgence d’un soutien supplémentaire pour répondre aux besoins humanitaires croissants au Darfour et au Kordofan, notant que le Plan de réponse humanitaire pour le Soudan de cette année ne couvre que 28% des besoins. Le conflit opposant l’armée soudanaise aux FSR depuis avril 2023 a fait des milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué ce que l’ONU qualifie de pire crise humanitaire actuelle.

Lyes Saïdi

admin

admin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *