Un arsenal pour faire barrage au terrorisme routier !
L’Algérie s’apprête à muscler son dispositif de lutte contre l’insécurité routière avec un projet de Code de la route entièrement révisé, présenté comme une véritable rupture législative.
Conçu par le ministère de l’Intérieur, le texte, dont les détails ont été publiés par nos confrères d’El Khabar et d’Echourouk, entend enrayer un fléau qui coûte chaque année des milliers de vies et des pertes économiques considérables. Le texte, fort de 190 articles répartis en dix chapitres, combine réorganisation des règles, dispositifs préventifs renforcés et sanctions nettement alourdies, dans l’ambition d’imposer une discipline accrue sur la voie publique. La réforme repose d’abord sur une refonte de la hiérarchie des infractions, désormais classées en quatre degrés pour les contraventions, et en délits ou crimes pour les faits les plus graves. Les sanctions financières sont revalorisées : de 4 000 dinars pour les manquements légers, comme le non-respect des passages piétons ou l’absence de documents du véhicule, à 15 000 dinars pour les comportements les plus dangereux parmi les contraventions, tels que l’inobservation des panneaux d’arrêt ou l’absence d’éclairage nocturne. Les excès de vitesse, l’utilisation abusive du corridor d’urgence ou les modifications non déclarées du véhicule s’inscrivent également dans cette grille graduée. Mais c’est sur la responsabilité pénale que le chantier marque une inflexion décisive. Le projet instaure un régime de sanctions beaucoup plus sévère pour les atteintes à la vie et à l’intégrité physique. Les peines prévues pour l’homicide involontaire commis au volant s’échelonnent entre un et cinq ans d’emprisonnement, pouvant atteindre sept ans pour les poids lourds ou transports collectifs. Elles grimpent à dix ans lorsque l’accident est aggravé par des circonstances telles que la fuite, la conduite avec un permis retiré ou l’usage du téléphone. Les cas liés à l’alcool ou aux stupéfiants sont encore plus lourdement sanctionnés : jusqu’à douze ans pour les conducteurs professionnels. Le maximum est fixé à vingt ans de réclusion lorsque plusieurs décès surviennent dans des circonstances aggravées impliquant notamment des véhicules de transport.
Le projet innove également en étendant la responsabilité à l’ensemble des acteurs de la chaîne de sécurité routière. Les centres de contrôle technique et experts miniers pourront être poursuivis si la délivrance d’un certificat de conformité non fondé contribue à un accident mortel, tout comme les auto-écoles et inspecteurs qui auraient accordé des permis irrégulièrement. Les fabricants ou importateurs de pièces défectueuses verront leur responsabilité engagée si celles-ci provoquent un accident. Les entreprises chargées de la réalisation ou de l’entretien des routes devront répondre civilement des sinistres dus à des défauts d’infrastructure.
Annulation du permis
Autre axe majeur : la lutte contre la conduite sous influence, désignée comme l’une des causes les plus critiques des accidents mortels. Le texte rend obligatoires les analyses de dépistage à l’obtention ou au renouvellement du permis. Les conducteurs de poids lourds, transports collectifs, taxis ou transport scolaire sont soumis à des tests systématiques lors de l’embauche et à des contrôles périodiques. Le refus de se soumettre aux vérifications est assimilé à une conduite en état d’ivresse ou sous stupéfiants. Le permis connaît lui aussi une réorganisation. Une période probatoire de deux ans devient obligatoire pour tout nouveau conducteur, avec interdiction d’obtenir une nouvelle catégorie durant cette phase. L’annulation du permis devient automatique en cas d’homicide involontaire, notamment pour les conducteurs en période probatoire. S’agissant des véhicules, le texte interdit strictement tout dispositif occultant les vitres et rend obligatoire l’installation du chronotachygraphe pour les transports de marchandises de plus de 3,5 tonnes et pour les véhicules de transport de plus de neuf passagers.
Enfin, le projet se dote d’un cadre institutionnel renforcé : un Conseil national de la sécurité routière chargé de définir la stratégie globale, une Délégation nationale chargée de sa mise en œuvre et des cellules communales de veille chargées d’identifier les points dangereux et d’intervenir rapidement.
À travers cette architecture mêlant prévention, contrôle renforcé et sanctions dissuasives, le gouvernement entend donner un caractère structurant à la politique de sécurité routière et rompre avec des décennies d’hémorragie humaine et matérielle sur les routes du pays.
Samir Benisid

