Une autorisation exigée pour les bus de transport de voyageurs vers la Tunisie
Une mesure pour endiguer la fraude au droit de change
Depuis dimanche, les bus transportant des touristes algériens vers la Tunisie ont été bloqués à la frontière en raison de l’absence d’autorisation de transport international. Cette décision, appliquée dans tous les postes frontaliers terrestres, s’inscrit dans une volonté des autorités de lutter contre les détournements de l’allocation touristique de 750 euros.
La mesure a pris de court les agences de voyages organisés qui, jusqu’à dimanche soir, pouvaient faire traverser la frontière à leurs clients munis d’une simple licence touristique ordinaire. Désormais, les compagnies de transport de voyageurs par voie terrestre sont contraintes de détenir une licence de transport international, conformément à un accord bilatéral avec la Tunisie et à la mise en conformité avec les lois tunisiennes sur le transport international. Selon une source douanière, cette exigence répond à une situation devenue intenable aux postes frontaliers algéro-tunisiens.
L’ampleur du phénomène explique l’urgence de la décision. Jusqu’en novembre 2025, plus d’un million de voyageurs algériens ont franchi la frontière vers la Tunisie via des agences de voyages organisés. Mais derrière ce chiffre impressionnant se cache une réalité moins reluisante : de nombreux pseudo-touristes ne se rendent en territoire tunisien que pour détourner l’allocation touristique. Leur stratégie est bien rodée. Pour bénéficier des 750 euros accordés par décision du président de la République Abdelmadjid Tebboune, ils réservent des séjours de sept jours en Tunisie. Une fois sur place, ils convertissent immédiatement leurs euros en dinars tunisiens qu’ils dépensent pendant la durée minimale exigée, avant de revendre leur allocation touristique à leur retour sur le marché noir avec une marge bénéficiaire pouvant atteindre 50 000 dinars algériens. Cette manne financière a transformé les voyages organisés en Tunisie en un véritable business parallèle, créant une anarchie aux deux côtés de la frontière. Les files d’attente interminables, pouvant durer jusqu’à douze heures dans les deux sens, pénalisent les voyageurs légitimes qui se rendent en Tunisie pour des raisons médicales ou professionnelles. La situation était devenue insoutenable pour ces citoyens habitués à traverser régulièrement la frontière et qui subissaient les désagréments causés par l’afflux massif de faux touristes.
Face à cette dérive, la Banque d’Algérie a publié dimanche un communiqué visant à clarifier les règles d’utilisation du droit de change pour voyage. L’institution monétaire rappelle que cette allocation de 750 euros pour les adultes et 300 euros pour les mineurs est accessible une fois par an, précisément durant une année de référence qui court du 20 juillet au 19 juillet de chaque année, conformément à l’instruction numéro 05-2025 du 17 juillet 2025. Le communiqué insiste particulièrement sur le caractère personnel et non transférable de ce droit, soulignant que l’allocation est servie uniquement à destination du bénéficiaire effectif, excluant ainsi toute possibilité de cession à un tiers.
La Banque d’Algérie met également en garde contre les pratiques frauduleuses. L’instruction 05-2025, notamment dans son article 10, interdit et sanctionne le recours à toute manœuvre visant à dévier l’usage du montant du droit de change, conformément à la législation en vigueur. Cette précision témoigne de la détermination des autorités monétaires à préserver l’intégrité d’un dispositif conçu pour faciliter les voyages des Algériens à l’étranger tout en maintenant les équilibres macroéconomiques du pays.
La décision de bloquer les bus dépourvus d’autorisation de transport international marque ainsi la fin du désordre qui prévalait aux frontières algéro-tunisiennes. Elle constitue une intervention nécessaire des autorités pour réguler un marché des voyages organisés devenu incontrôlable. Si cette mesure a suscité du mécontentement, cette démarche s’inscrit dans une politique plus large de régulation du marché des changes, visant à garantir une application équitable et transparente de l’allocation touristique tout en prévenant les abus qui compromettent l’efficacité du dispositif présidentiel.
Sofia Chahine

