Culture

Numérisation du patrimoine manuscrit : Un projet civilisationnel

Le patrimoine manuscrit algérien, trésor méconnu abrité dans les Khizanate et les bibliothèques publiques, sort progressivement de l’ombre grâce aux efforts conjugués des institutions culturelles nationales. Lundi à Adrar, la Bibliothèque principale de lecture publique accueillait l’ouverture d’un colloque national de formation intitulé « Patrimoine manuscrit algérien, étude théorique et techniques de conservation », une initiative du Centre national des manuscrits placée sous le patronage du ministère de la Culture et des Arts. Cette rencontre de deux jours, qui a rassemblé universitaires, chercheurs et spécialistes de la conservation, témoigne d’une prise de conscience collective quant à l’urgence de préserver et de valoriser ce legs civilisationnel face aux défis du temps et de la modernité.

Dès la séance inaugurale, le ton était donné. Les participants ont unanimement souligné l’importance capitale de la numérisation pour promouvoir la valeur civilisationnelle, culturelle et scientifique de ce patrimoine. Cette convergence de vues n’a rien de fortuit : elle répond à une double nécessité, celle de sauvegarder des documents parfois millénaires menacés par la dégradation naturelle, et celle de rendre accessibles au plus grand nombre des textes qui dorment encore dans les bibliothèques privées et publiques du pays. Les intervenants ont insisté sur le fait que la numérisation ne constitue pas une simple opération technique, mais bien un projet civilisationnel qui permettra aux générations futures d’accéder à la mémoire collective nationale et de mesurer l’apport de l’Algérie au patrimoine scientifique et culturel universel.

La question de la sensibilisation du citoyen à l’intérêt de la préservation du patrimoine manuscrit a occupé une place centrale dans les débats. Plusieurs intervenants ont rappelé que ce patrimoine représente bien plus qu’une collection de documents anciens : il incarne la mémoire collective du pays, témoin de siècles d’échanges intellectuels, de production scientifique et de rayonnement culturel. Cette sensibilisation passe nécessairement par une meilleure connaissance de ce qui compose ce patrimoine, d’où l’importance de le cataloguer, de l’étudier et de le rendre visible. Les universitaires présents ont également souligné que la valorisation de ces manuscrits nécessite un travail de longue haleine associant historiens, philologues, paléographes et spécialistes des sciences islamiques, capables de décrypter, contextualiser et analyser des textes souvent rédigés en arabe classique ou en différentes langues anciennes.

Les participants ont par ailleurs salué les mesures prises par le ministère de la Culture et des Arts, notamment la dotation du Centre national des manuscrits en moyens mobiles destinés à la numérisation du patrimoine conservé dans les Khizanate, ces bibliothèques de particuliers qui recèlent souvent des trésors insoupçonnés. Cette initiative répond à un besoin criant exprimé depuis des années par les chercheurs : pouvoir accéder aux manuscrits sans avoir à les manipuler excessivement, évitant ainsi toute dégradation supplémentaire. Les unités mobiles de numérisation permettent désormais de se rendre directement chez les propriétaires de manuscrits, facilitant ainsi le travail d’inventaire et de sauvegarde numérique tout en respectant le lien affectif et patrimonial que les familles entretiennent avec ces documents hérités de génération en génération. Le colloque, structuré autour de trois ateliers thématiques, a permis d’aborder les différentes facettes de la problématique du patrimoine manuscrit à l’ère numérique. Le premier atelier a planché sur les mécanismes de protection juridique du patrimoine manuscrit algérien, une question cruciale dans un contexte où la législation doit évoluer pour s’adapter aux défis posés par la circulation internationale des biens culturels et les tentatives de trafic illicite. Le deuxième atelier s’est penché sur la révision et le catalogage des manuscrits à l’ère de la numérisation et de l’intelligence artificielle, explorant les potentialités offertes par les nouvelles technologies en matière de reconnaissance de caractères, de traduction automatique et d’indexation sémantique. Enfin, le troisième atelier a abordé les techniques de sauvegarde et d’entretien des manuscrits algériens, rappelant que la numérisation ne dispense nullement de préserver les supports originaux dans des conditions optimales de température, d’humidité et de luminosité.

Mohand S.

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