Rahabi répond à Vedrine, Philippe et Driencourt : « L’instinct colonial survit et vise l’Algérie »
L’ancien diplomate algérien Abdelaziz Rahabi a publié une mise au point cinglante sur sa page Facebook officielle, dénonçant une résurgence d’un discours colonial français. L’ancien ambassadeur d’Algérie à Madrid met en lumière la persistance d’une mentalité impérialiste qui continue de structurer la vision française de sa relation avec l’Algérie.
Rahabi a ainsi tenu à répondre aux propos d’Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, d’Édouard Philippe, ancien Premier ministre et probable candidat à l’élection présidentielle de 2027, et de Xavier Driencourt, qui a occupé à deux reprises le poste d’ambassadeur de France en Algérie. Ces trois figures, bien que provenant d’horizons politiques différents, convergent selon Rahabi vers un même discours empreint de nostalgie coloniale.
La première déclaration relevée par l’ancien diplomate algérien émane d’Hubert Védrine, qui s’est exprimé récemment à Genève. L’ancien chef de la diplomatie française a affirmé sans ambages que « la France n’acceptera jamais la création d’une république sahraouie dans la région », justifiant cette position par un argument révélateur. Selon Védrine, l’émergence d’un État sahraoui indépendant « rompt le lien de la francophonie allant de Tanger au Maroc jusqu’à Yamoussoukro en Côte d’Ivoire ». Cette formulation, souligne Rahabi, trahit une conception géopolitique où la francophonie n’est pas perçue comme un espace culturel et linguistique partagé, mais bien comme une zone d’influence devant demeurer continue et ininterrompue, à l’image des anciens empires coloniaux. Pour Rahabi, cette déclaration illustre la persistance d’un instinct colonial qui ne conçoit les relations internationales qu’à travers le prisme de la domination, refusant d’accepter que les peuples de la région puissent décider souverainement de leur destin sans l’aval de Paris.
La deuxième déclaration mise en exergue par Rahabi provient d’Édouard Philippe. Interrogé sur la question de savoir si la colonisation constituait un crime, Philippe a répondu par la négative, « froidement et avec beaucoup d’assurance ». Pour Rahabi, cette déclaration témoigne d’une volonté de réécrire l’histoire coloniale en évacuant sa dimension criminelle, alors même que les recherches historiques ont amplement documenté les massacres, les déportations, les spoliations et les politiques d’extermination menées par l’administration coloniale française en Algérie. La troisième déclaration dénoncée par Rahabi est celle de Xavier Driencourt, diplomate qui a occupé par deux fois le poste stratégique d’ambassadeur de France en Algérie. Driencourt a récemment réclamé « avec véhémence », selon les termes de Rahabi, « l’indépendance de la Kabylie ». Cette position constitue une ingérence manifeste dans les affaires intérieures algériennes et une remise en cause de l’intégrité territoriale de l’Algérie. L’ancien ambassadeur reprend ainsi le vieux discours colonial qui prétendait diviser l’Algérie entre Arabes et Berbères, entre régions et ethnies, afin de mieux régner sur un territoire fragmenté.
Rahabi souligne que la question kabyle est désormais devenue, aux côtés du voile islamique et des Obligations de Quitter le Territoire Français, un sujet de politique intérieure en France. L’ancien diplomate algérien prévoit que « ces thèmes occuperont une place centrale lors des prochaines élections présidentielles françaises, ce qui aura un impact direct sur l’image de l’Algérie et de sa diaspora en France ainsi que sur ses intérêts diplomatiques ».
La communauté algérienne en France, forte de plusieurs millions de personnes, risque de devenir l’otage de surenchères électoralistes visant à flatter un électorat sensible aux thèmes identitaires et sécuritaires. Rahabi formule une analyse qui va au-delà de la simple dénonciation ponctuelle. Il souligne que ces trois responsables politiques, « malgré la diversité de leurs tendances », « partagent en réalité un même discours fondé sur l’anthropologie coloniale qui prévalait durant la période coloniale » et « que l’on pensait d’un autre temps ». C’est dans ce contexte que Rahabi pose une question qu’il estime être venue le moment de poser : « Qui fait usage de la rente mémorielle, le colonisateur arrogant et dominateur ou les victimes de l’entreprise d’extermination d’un peuple qui ne doit sa survie qu’à la courageuse résistance de ses enfants ? » . Soulignant que la colonisation est une « entreprise d’extermination », l’ancien diplomate rappelle la violence intrinsèque du système colonial français en Algérie, caractérisé par des massacres de masse, des déportations, l’appropriation des terres et une politique délibérée de déshumanisation des populations autochtones. En conclusion, Rahabi met en garde contre le retour d’une pensée coloniale qui, selon lui, « ne s’est pas encore remise de la perte de l’Algérie ».
Salim Amokrane

