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La Banque d’Algérie serre la vis sur le droit de change : Haro sur la fraude !

Face à une vague de fraude massive touchant l’allocation touristique, avec 100.000 cas détectés en moins de deux mois selon le ministre de l’Intérieur, la Banque d’Algérie a décidé de durcir considérablement les conditions d’octroi du droit de change.  

Dans deux notes adressées aux banques les 15 et 16 décembre, l’Autorité monétaire impose désormais le paiement exclusif par moyens scripturaux et la détention obligatoire d’un compte bancaire, mettant fin au règlement en espèces qui facilitait les détournements. Ces mesures interviennent après la découverte de réseaux organisés qui, avec la complicité d’agences de voyage, auraient détourné l’équivalent de 75 millions d’euros depuis l’augmentation de l’allocation à 750 euros en juillet dernier. La Banque d’Algérie a décidé de mettre un terme aux dérives qui ont entaché l’application de la mesure d’augmentation du droit de change pour les voyageurs. À travers deux instructions successives signées respectivement par le Directeur général de l’inspection générale et la Directrice générale des changes, la BA impose un cadre réglementaire strict destiné à sécuriser l’octroi de cette allocation et à empêcher les fraudes massives révélées ces dernières semaines. Dans sa première note du 15 décembre, la Banque d’Algérie rappelle aux établissements bancaires « l’obligation d’observer rigoureusement les dispositions de l’instruction n°05-2025 du 17 juillet 2025 relative au droit de change pour voyage à l’étranger, notamment celles prévues à son article 10 ». Le texte introduit une rupture majeure dans les pratiques antérieures en subordonnant désormais « l’octroi du droit de change à la détention, par le demandeur, d’un compte bancaire ». Cette exigence vise à tracer l’origine des fonds et à identifier clairement les bénéficiaires effectifs. Plus radical encore, le règlement en espèces, qui prévalait jusqu’alors et facilitait l’anonymat des transactions, est purement et simplement supprimé. Selon l’instruction, « la contre-valeur en dinars du montant en devises doit être réglée exclusivement par des moyens scripturaux émis par les banques, tels que la carte CIB, le chèque bancaire ou tout autre instrument scriptural autorisé ». Cette disposition permet d’établir une piste financière claire et de contrôler la cohérence entre les ressources déclarées du demandeur et le montant sollicité.

Les banques se voient également confier une responsabilité accrue dans la vérification de la solvabilité des clients. Elles sont tenues de « s’assurer que les capacités financières du bénéficiaire effectif lui permettent de s’acquitter, pour son propre compte ou au profit des personnes apparentées, du montant afférent à l’opération ». Les établissements doivent « mettre en œuvre l’ensemble des mesures de vigilance prévues par les textes en vigueur, notamment celles relatives à la connaissance du client, à la vérification de l’identité et à l’évaluation de la cohérence des opérations avec le profil du titulaire ».

Un autre volet des nouvelles dispositions concerne les voyageurs dont la durée de séjour à l’étranger serait anormalement courte. Les banques doivent désormais « informer les bénéficiaires ayant séjourné à l’étranger pour une durée effective inférieure à sept jours, de l’obligation de restituer le montant du droit de change perçu, sous peine de perdre le bénéfice de ce droit pour une durée de cinq années, sans préjudice de poursuites judiciaires ». Cette clause vise directement les stratagèmes mis en place par des réseaux frauduleux.

La seconde note, datée du 16 décembre, précise que « l’encaissement de la contre-valeur en dinars du droit de change relève désormais exclusivement des banques ». Le règlement sera effectué « directement auprès de la banque par le bénéficiaire effectif du droit de change ou par tout national résident au profit de son conjoint ou de ses ayants droit, conformément aux dispositions de l’article 5 de l’instruction n°05-2025 ». La Banque d’Algérie justifie ces changements par la nécessité de « rationaliser les circuits de paiement de la contre-valeur en dinars et permettre aux banques d’assurer une meilleure gestion des flux financiers liés à ce droit de change ».

Ces mesures drastiques interviennent dans un contexte de fraudes massives au droit de change. Le ministre de l’Intérieur, Saïd Sayoud, a révélé devant l’Assemblée populaire nationale que pas moins de 100.000 cas de fraude ont été enregistrés en seulement 45 jours. Des réseaux organisés, avec la complicité d’agences de voyage, auraient mis en place un système de faux voyages vers la Tunisie, permettant aux fraudeurs de récupérer les 750 euros de l’allocation sans effectuer un réel séjour à l’étranger. L’écart entre le taux de change officiel et parallèle, qui avoisine les 100%, transforme cette fraude en une opération très lucrative.

La Banque d’Algérie précise que ces dispositions, qui entrent en vigueur immédiatement, « visent à sécuriser les conditions d’octroi du droit de change, à garantir son utilisation par les seuls bénéficiaires effectifs et à assurer le bon déroulement de l’opération ». Le message est clair : l’État maintient l’augmentation de l’allocation touristique décidée en juillet, mais entend désormais traquer impitoyablement les abus qui menacent les réserves de change du pays.

Amar Malki

admin

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