L’Algérie face aux « guerres de conscience »
L’Institut national d’études de stratégie globale a réuni jeudi à Alger les principales institutions du pays pour décrypter les nouvelles formes de menaces visant la cohésion sociale à travers les réseaux sociaux, le président du Conseil national économique, social et environnemental dénonçant « les manipulations des algorithmes » destinées à « démoraliser, créer des crises et tenter de couper les générations montantes de leur héritage historique ».
Les menaces ne se limitent plus aux frontières physiques. L’Algérie fait face à une nouvelle génération de conflits qui se jouent dans les consciences et sur les écrans, mobilisant jeudi les principaux acteurs institutionnels du pays autour d’une question stratégique : comment préserver la cohésion nationale face aux « guerres de conscience » amplifiées par la révolution technologique. L’Institut national d’études de stratégie globale (INESG) a organisé une rencontre scientifique consacrée à ce thème, au cours de laquelle les participants ont souligné l’importance de l’attachement aux valeurs nationales et de la protection de la société afin de faire face aux défis liés à ce type de guerres qui ont évolué avec la rapidité du développement technologique dans le monde. Cette conférence, organisée en coordination avec le Conseil national économique, social et environnemental (CNESE), le Haut conseil islamique (HCI) et l’Académie algérienne des sciences et technologies (AAST), a réuni des représentants de plusieurs départements ministériels, institutions et organismes nationaux, ainsi que des universités et centres de recherche, témoignant de la dimension transversale accordée à cette problématique.
Présidant l’ouverture de la rencontre, le directeur général de l’INESG, Abdelaziz Medjahed, a indiqué que l’objectif vise à « concrétiser les idées sur le terrain afin de renforcer la cohésion sociale et de faire face à tous les défis liés aux guerres de conscience ». Ce qui traduit une volonté de dépasser le stade du diagnostic théorique pour construire des réponses opérationnelles face à des menaces désormais identifiées comme prioritaires par l’appareil d’État. Le président du CNESE, Mohamed Boukhari, a livré l’un des diagnostics les plus alarmants de la journée en mettant en garde contre « les manipulations des algorithmes à travers les réseaux sociaux », qui visent selon lui à « démoraliser, créer des crises, déstabiliser et tenter de couper les générations montantes de leur héritage historique ». Les réseaux sociaux ne sont ainsi plus perçus comme de simples plateformes de communication, mais reconnus comme des vecteurs potentiels de manipulation massive des consciences, particulièrement vulnérables chez les jeunes générations. Mohamed Boukhari a également salué l’approche proactive adoptée par l’État algérien, fondée sur « l’intégration de la sécurité cognitive, de la résilience sociale et de la vigilance médiatique, dans une vision globale plaçant le citoyen au cœur de l’équation ». Le président du CNESE a affirmé que le renforcement de la conscience collective et de la cohésion sociale offrent « une véritable immunité à la société face à ces défis ». Après avoir souligné que l’Algérie « dispose de tous les facteurs de puissance et est en mesure de faire face à ces défis avec efficacité et selon une vision nationale globale », Mohamed Boukhari a réaffirmé l’engagement du CNESE à « assumer pleinement son rôle à travers l’accomplissement des missions constitutionnelles qui lui sont confiées, notamment en matière de promotion du dialogue social et d’élaboration de rapports prospectifs pertinents ».
Le président du Haut conseil islamique, Mabrouk Zaid El Kheir, a pour sa part insisté sur la nécessité de « mobiliser l’ensemble des énergies afin de consolider, de resserrer les rangs et de définir les priorités pour la défense des constantes nationales et de la sécurité du pays ». Cette intervention inscrit la problématique dans une dimension identitaire et spirituelle, soulignant le rôle des référents religieux dans la construction de l’immunité sociale face aux tentatives de manipulation. Le président de l’Académie algérienne des sciences et technologies, Mohamed Hichem Kara, a quant à lui mis en avant « les dangers des guerres dormantes visant la conscience des peuples et la désintégration des pays », affirmant que l’Algérie « est en mesure de faire face à ces défis en poursuivant la sensibilisation et en mobilisant toutes les énergies ». Lors de cette rencontre, plusieurs spécialistes et chercheurs ont abordé des thématiques liées notamment aux risques des technologies modernes sur la conscience de l’individu, aux tentatives de semer la discorde, aux guerres sectaires, ainsi qu’à la déformation de l’image des institutions et des symboles de la nation. Les intervenants ont appelé à renforcer l’immunité sociale et la citoyenneté dans tous les espaces, y compris les cyberespaces, afin de se prémunir contre les algorithmes de déstabilisation et de destruction.
Cette mobilisation révèle une prise de conscience des mutations profondes des formes de conflictualité à l’ère numérique, où les batailles pour l’influence passent moins par la force militaire que par la captation des esprits et la fragmentation des sociétés.
Salim Amokrane

