Thème d’une rencontre à Alger : Les rapports complexes entre texte théâtral et littérature en débat
La question du rapport entre le texte théâtral et la littérature a été au cœur d’une rencontre organisée dimanche à Alger dans le cadre du programme culturel accompagnant le 18e Festival national du théâtre professionnel, mettant en lumière les défis de la critique théâtrale entre exigence journalistique et rigueur académique. Intitulée « Lire le théâtre, complexité et subjectivité », cette conférence a permis à l’universitaire Ahmed Cheniki de développer une réflexion approfondie sur les enjeux de l’approche critique du fait théâtral. L’intervenant a souligné d’emblée les difficultés inhérentes à la critique théâtrale, discipline qui se trouve constamment tiraillée entre deux pôles apparemment inconciliables. D’un côté, l’impératif journalistique impose sa rapidité, son accessibilité et sa dimension immédiate. De l’autre, la rigueur académique exige profondeur d’analyse, distance critique et précision conceptuelle. Selon Ahmed Cheniki, le théâtre se définit fondamentalement par sa complexité intrinsèque et par la relation dynamique qui unit la scène à son public. Cette dimension vivante et éphémère de l’art dramatique complique nécessairement toute tentative d’analyse ou de fixation par l’écrit. « L’acte de lire le théâtre n’est jamais un geste neutre », a-t-il affirmé, insistant sur la charge subjective et interprétative qui accompagne inévitablement toute réception d’une œuvre théâtrale. L’universitaire a développé cette idée en précisant que la lecture d’une pièce de théâtre constitue « une expérience singulière et une démarche intellectuelle qui convoque l’émotion, la mémoire et l’histoire au niveau de la réception du spectacle ». Abordant le contexte spécifique de l’Algérie, Ahmed Cheniki a observé que la critique théâtrale dans le pays « s’est souvent développée dans un espace hybride entre journalisme et université dans une sorte d’alliance où se heurte l’exigence journalistique à l’austérité du langage académique ». Cette situation hybride n’est pas sans conséquences sur la qualité et la portée du discours critique. Elle révèle également les tensions qui traversent le champ culturel algérien, partagé entre des logiques institutionnelles différentes et des publics aux attentes variées. La critique théâtrale se trouve ainsi au carrefour de plusieurs exigences parfois contradictoires, devant à la fois informer, analyser et contribuer au développement d’une pensée théâtrale nationale.
Face à ces défis, Ahmed Cheniki a plaidé pour une approche méthodologique renouvelée, qui reconnaisse « la double articulation discursive » entre le discours de l’auteur et la mise en scène. Cette proposition théorique invite à dépasser l’opposition traditionnelle entre texte et représentation pour penser leur complémentarité. Il s’agit de considérer le théâtre comme un art total où le texte littéraire et son incarnation scénique forment un ensemble indissociable, chacun éclairant et enrichissant l’autre.
M.S.

