Béjaïa : Reboisement des zones incendiées un pari risqué pour l’environnement
Le reboisement immédiat des zones touchées par les derniers incendies à travers certaines wilayas du pays pourrait être préjudiciable pour l’environnement, a considéré, dans un entretien à l’APS, Amina Younsi, experte en infrastructure qualité, agriculture et environnement. »C’est un investissement qui permettra juste une réparation du paysage, avec un pourcentage d’échec très élevé, et qui peut occasionner des éboulements de terrain à cause de la fragilité du sol », souligne-t-elle ajoutant que cela, pourrait également, « favoriser les mêmes conditions qui ont causé cette catastrophe ».Ces incendies, explique-t-elle, « ne sont pas sans conséquences sur le sol et la végétation et celles-ci ne peuvent être estimées avec certitude qu’en disposant d’importantes informations comme l’intensité des températures des incendies et le temps de l’incendie ».Cependant, fait-elle remarquer, « un sol incendié est un sol dont la matière organique est brûlée et devient friable et exposé à des érosions beaucoup plus qu’un sol non brûlé, de même que les habitats naturels détruits feront fuir les animaux jusqu’à la reprise progressive de la flore de la faune souterraine ».
C’est pourquoi, précise-t-elle, « il n’est pas conseillé de toucher à la forêt après un incendie et laisser la nature faire son travail et se consacrer à la collecte des données et caractéristiques des points de déclenchement des incendies, leur puissance, recoller le puzzle pour savoir qu’elles étaient les températures, le temps et la nature de la végétation qui a pris feu ».
Estimant entre 3 à 5 ans le temps nécessaire pour l’émergence d’une jeune forêt, Mme Younsi explique que c’est seulement alors qu’un reboisement doit être envisagé en fonction de la densité de la végétation régénérée. »Beaucoup de graines de conifères comme le pin se retrouvent libérés des cônes par les hautes températures et germeront rapidement, et à ce moment là, si la densité est faible alors un reboisement serait le bienvenu, de même que l’occupation de l’espace par de petits animaux comme les lièvres et sangliers », explique-t-elle.Durant cette première phase, il est plus « judicieux », estime-t-elle, de « créer des zones d’exploitations forestières comme des oliveraies ou des vergers d’espèces fruitières rustiques autour des habitations, qui constitueront une sorte de pare-feux à l’avenir, et en même temps, des sources de revenus pour la population de ces zones ».
Analysant les conditions de déclenchement de ces incendies dans plusieurs pays même à l’image de la Grèce, des Etats-Unis et même de l’Australie, Younsi relève qu’ils se sont déclarés « dans un contexte de fortes chaleurs conséquence d’un dérèglement climatique que nous vivons d’une manière récurrente depuis les 10 dernières années ».S’agissant des causes de ces incendies, dont l’origine avait été qualifiée par les autorités compétentes de « criminelles », puisque plusieurs pyromanes ont été arrêtés et la quasi-totalité des départs de feu a été enregistrés près des routes, Mme Younsi évoque, également, « une longue période de chaleurs qui a causé le dessèchement de la forêt et de la végétation devenues craquantes et inflammables, les débris de verre, de métaux et autres déchets laissés par négligence ou carrément jetés par la population et qui ont contribué à la dissémination des feux ».Mais aussi, ajoute-t-elle, « l’insuffisance des aménagements et infrastructures forestières, pistes et pare-feux, ainsi que les broussailles qui ont pris le dessus en forêt et même autour des habitations, ce qui offre une matière à bruler aux feux déclarés ». Et dans ces conditions, note-t-elle, « il est évidemment difficile d’agir en cas de catastrophe, notamment, en l’absence de moyens sophistiqués ».
APS