Règlement à l’amiable pour la récupération des avoirs détournés : Des explications et des questions en suspens
Les nouvelles mesures proposées par le gouvernement pour faciliter la récupération des avoirs détournés ont suscité la polémique.
L’idée de transiger avec les oligarques de l’ère bouteflikéenne a provoqué l’opposition d’une bonne partie des députés et une certaine incompréhension au sein de l’opinion publique. Jeudi, au cours de la séance parlementaire consacrée aux réponses du gouvernement aux préoccupations soulevées par les députés, le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, a tenu à lever certaines équivoques autour d’une proposition qui pèche par son manque de clarté. Le chef de l’Exécutif a ainsi tenu à explique que les nouvelles mesures ne concerneront en aucun cas les oligarques emprisonnés, mais les personnes morales, notamment les compagnies étrangères impliquées dans des affaires de corruption. Des mesures qui selon lui ne remettent en rien en cause les démarches entreprises actuellement pour la Justice et l’appareil diplomatique pour rapatrier les fonds détournés vers l’étranger, et encore moins les efforts entrepris dans le cadre de la moralisation de la vie publique et de la lutte contre la corruption. Il a ainsi affirmé que « l’Etat ne cédera sur aucun dinar volé ou détourné, ni aucune parcelle de terrain pillé ou détournée de sa vocation » et a réitéré « la volonté de l’Etat de lutter sans relâche contre la corruption et les corrupteurs et de récupérer l’argent du peuple pillé, et ce par la mobilisation de toutes les institutions de l’Etat, y compris son poids diplomatique, dans le strict respect de la loi et de l’indépendance de la justice ». Aïmene Benabderrahmane explique ainsi qu’il s’agit là « d’une approche globale concernant ce dossier à travers la mise en place de mécanismes de coordination de haut niveau, outre le lancement d’une série de procédures avec les pays vers lesquels les fonds pillés ont été détournés ». Il a expliqué que cette approche passera par « l’activation des outils juridiques disponibles dans le cadre des accords internationaux bilatéraux et multilatéraux, notamment la Convention des Nations Unies contre la corruption ». En outre, ajoute le Premier ministre, « des mécanismes et des initiatives de coopération ont été activés dans le cadre d’organisations internationales spécialisées afin de suivre la traçabilité de ces biens, les localiser et échanger des informations à leur sujet ».
Règlement à l’amiable : comment et quelle limite
Néanmoins et au sujet du dispositif à l’amiable pour la récupération des fonds pillés détournés vers l’étranger, Aïmene Benabderrahmane a précisé que celui-ci «ne concerne pas les personnes physiques mises en cause, ni les sanctions prononcées à leur encontre, mais concerne plutôt les personnes morales, à savoir les sociétés étrangères impliquées dans des opérations de corruption, qui ont également bénéficié de ces fonds détournés dans le cadre de transactions et de projets, objet de pratiques de corruption ». Et d’ajouter pour défendre cette proposition que ce mécanisme « s’est avéré efficace dans de nombreux pays et considéré comme une pratique idéale et efficiente dans la lutte contre la corruption ». Il est donc clair qu’entre l’approche misant sur la sanction et l’approche américaine sur la transaction, le gouvernement Benabderrahmane a choisi de couper la poire en deux et de s’inspirer en partie du principal dispositif US de lutte contre la corruption, à savoir le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA). Un dispositif qui a permis de condamner plus de 174 personnes morales et 115 personnes physiques pour des actes de corruption transnationale ou infractions connexes, bien qu’il soit critiqué pour sa permissivité. Un dispositif qui permettrait ainsi de traiter avec des multinationales impliquées dans des affaires de corruption et pour lesquelles le dispositif actuel demeure insuffisant, dans la mesure où il ne permet pas de récupérer l’argent détourné via les surfacturations, les pots de vin et les rétro-commissions. Il n’en demeure pas moins que cette question demeure sujet à débat, dans la mesure où rien n’a été clarifié en ce qui concerne les mécanismes de sa mise en œuvre et la marge de manœuvre dont disposent les autorités algériennes, notamment en termes de juridiction de compétence.
Chokri Hafed