Un texte qui doit soumettre le secteur aux règles du marché : Où est donc passée la loi sur la publicité ?
Un nouveau cadre réglementaire devant régir les médias est soumis à débat. La loi sur l’information a été examinée par le Gouvernement, il y a une dizaine de jours, et doit être soumise au Conseil des ministres. Un texte qui doit traduire les principales dispositions de la Constitution et répondre aux besoins d’organisation des professionnels, ainsi qu’aux missions de service public et à l’intérêt général. C’est du moins la promesse.
Cependant, l’examen de cette loi nous invite à nous pencher sur la situation actuelle du secteur, notamment celui de la presse écrite, qui subit les affres d’une destruction programmée sous le couvert de l’argument de réorganisation.
Disons-le, la presse écrite – plus précisément les titres dirigés par les journalistes professionnels – est dans tous ses états. Le fait est que ces titres sont soumis à un processus d’étranglement financier injustifié par le biais de la réduction de l’aide publique continue et drastique accordée par le biais de la publicité publique. La majorité des titres dirigés par des journalistes professionnels qui répondent aux obligations de service public, de respect des règles de déontologie professionnelle et aux impératifs de préservation des intérêts de la Nation sont sanctionnés au profit d’autres titres de presse qui ne répondent à aucune de ses exigences. L’on voit ainsi des titres dirigés par des personnes qui n’ont aucun lien ni de près, ni de loin avec le journalisme, voire des prête-noms, qui ne répondent à aucune exigence de l’éthique professionnelle, que l’on ne retrouve nullement sur les étals des kiosques, voire qui n’ont même pas un site internet, gratifiés de plusieurs pages de publicité publique. Une situation qui laisse pantois quant aux objectifs réels d’une telle démarche d’étranglement de la presse écrite, principale organe d’éveil et d’orientation de l’opinion, au moment où les plus hautes autorités du pays appellent les médias à participer à l’œuvre nationale de réédification et de protection du pays des attaques dont il est la cible. Le 23 octobre dernier, lors de la célébration de la Journée nationale de la presse, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait appelé le Gouvernement à « soutenir le secteur de l’information pour parvenir à un véritable professionnalisme dans un monde où l’arme de l’information occupe une place avancée et vitale dans la défense des intérêts des peuples et des nations ». Au mois de décembre dernier, c’était au tour du chef de l’État-major de l’ANP, Saïd Chanegriha, de souligner le rôle des médias qui devront être au premier front pour « affronter les plans hostiles à la stabilité du pays ». Or, la situation actuelle de la presse écrite reflète une dichotomie entre le discours et la réalité du terrain. La campagne qui cible actuellement la presse professionnelle s’oppose, de manière flagrante, aux objectifs annoncés. Cela est plus flagrant dans le cas des quotidiens sportifs. Passe encore le cas des grands quotidiens sportifs qui jouent un rôle politique et social determinant. Sinon comment justifier le soutien publicitaire sans précédent accordé à une catégorie de presse sportive quotidienne qui n’a jamais traversé l’enceinte de l’imprimerie publique et qui n’est d’aucun apport, ni en termes d’information et encore moins en ce qui concerne les missions de service public.
Un constat qui suscite des questionnements et qui pousse à craindre la réédition de certains cas comme le scandale « El Balagh Erriadhi » né de l’attribution de publicité publique à un quotidien sportif qui ne paraissait même plus et ce, même après la dissolution de la société éditrice.
Revoir l’aide publique à la presse
Le retour en force de ces pratiques risque aussi d’avoir des répercussions sur le plan économique, et plus particulièrement sur l’exécution des programmes de relance économique et des projets de développement public. La publication d’appels d’offres sur des journaux qui ne sortent pas de l’imprimerie a déjà induit, par le passé, une hausse du taux d’infractuosité des appels d’offres. Et cela risque encore aujourd’hui d’être le cas.
Cela pose surtout la problématique de l’aide publique à la presse. Car la réorganisation du secteur des médias devait passer par une révision de ce qu’on appelle familièrement « code de l’information » et de la loi sur l’audiovisuel, mais aussi par la publication d’une loi sur la publicité ainsi que la réactivation du fonds d’aide à la presse. Des mesures qui devraient imposer le respect des règles du marché sur le secteur de la publicité, y compris publique. Mais aussi de revoir les mécanismes d’aide à la presse sur la base d’un cahier des charges et des critères objectifs d’éthique managériale et professionnelle. D’ailleurs, 15 critères avaient été annoncés et auxquels devaient répondre les médias pour pouvoir bénéficier de l’aide publique en attendant la refonte des textes. La loi sur la publicité, elle, devait être promulguée après les législatives. Or, ces questions ont tout simplement été reléguées aux calendes grecques, et ne sont même plus évoquées par le nouveau ministre de la Communication cloitré dans ses séants en parfait spectateur.
Azzedine Belferag