Un accord algéro-chinois pour le développement des mines de phosphate signé : Le début de la concrétisation
C’est parti ! Le programme de développement minier entre enfin dans sa phase concrète. Après plusieurs mois de procédures et de négociations, le premier accord permettant la création d’une joint-venture dédiée au développement industriel intégré d’un site minier a été signé hier. Le pacte d’actionnaires entre des entreprises publiques algériennes et chinoises avalisé hier permettra le développement des mines de phosphate de Tébessa. Montant de l’investissement 7 milliards de dollars.
La Compagnie nationale des hydrocarbures a annoncé, hier dans un communiqué, la signature d’un pacte d’actionnaires entre les groupes publics algériens Asmidal, filiale de la Sonatrach et le groupe minier Manal d’un côté et les entreprises chinoises Yunnan TIAN’AN WUHUAN. Une joint-venture qui garantit la détention de la majorité du capital par l’Algérie dans la mesure où Asmidal et Manal conservent 56% des parts sociales tandis que les 44% restants sont détenus par les partenaires chinois.
La signature de ce pacte est l’aboutissement d’un processus qui a été entamé au mois de mai dernier par le lancement d’un appel d’offres international pour la sélection d’un partenaire technologique susceptible de permettre à l’Algérie de développer ce projet de manière optimum. Un projet dont le lancement a souffert de divers reports depuis 2018, notamment en raison du retrait des partenaires initiaux.
Aujourd’hui, le développement industriel intégré des mines de phosphate représente, de par sa portée et son importance, la politique de relance économique actuelle axée sur la diversification économique et la valorisation des ressources naturelles, notamment minières, dans une démarche d’industrialisation. Un projet qui permettra aussi à l’Algérie de jouer un rôle majeur sur le marché des engrais azotés. Un segment qui reste sous exploité et qui s’était limité jusque-là à l’exploitation de quelques gisements par Somiphos, filiale du groupe Manal.
Dans ce contexte, le P-DG de la Sonatrach a souligné hier que la signature du pacte d’actionnaires acte la première étape dans le développement d’un projet de première importance. « Ce projet permettra à l’Algérie d’être l’un des principaux pays dans le monde dans l’export d’engrais et de fertilisants. Actuellement, l’Algérie produit près de 3 millions de tonnes d’urée. Avec ce projet, l’Algérie produira plus de 6 millions de tonnes de produits phosphatés annuellement », a fait savoir M. Hakkar dans une allocution à l’occasion de la cérémonie de signature d’un pacte d’actionnaires pour la création, en partenariat algéro-chinois, d’une société par actions de droit algérien pour entamer le développement du PPI.
Il est vrai que le projet est ambitieux, non seulement pour les objectifs de valorisation des produits nationaux sur le marché international, mais aussi pour son impact économique et social. Une importance reflétée d’abord par le montant de l’investissement prévu, soit 7 milliards de dollars, mais aussi par sa portée, d’autant qu’il doit concerner pas moins de 4 wilayas, soit Tébessa, Souk Ahras, Skikda et Annaba.
« Ce projet va mobiliser beaucoup de ressources financières, humaines et techniques. Il aura des impacts sociaux et économiques, notamment dans l’est du pays. Il concerne quatre wilayas mais il touchera indirectement jusqu’à sept wilayas », a d’ailleurs souligné le premier responsable de la Sonatrach.
Il est utile de noter dans ce contexte que le projet englobera le développement et l’exploitation du gisement de phosphate de Bled El Hadba, Djebel Onk, dans la wilaya de Tébessa, la transformation chimique des phosphates à Oued El Kebrit, dans wilaya de Souk Ahras, la fabrication des engrais à Hadjar Soud, dans la wilaya de Skikda, ainsi que des installations portuaires dédiées au niveau du port de Annaba. Après l’achèvement du projet, la société produira à terme 5,4 millions de tonnes d’engrais par an. Le projet permettra la création d’environ 12.000 emplois en phase construction et à terme, en phase exploitation, environ 6.000 emplois directs et 24.000 emplois indirects.
Algérie-Chine : coopération renforcée
Pour concrétiser un projet d’une telle importance, c’est tout naturellement que la Sonatrach s’est tournée vers des partenaires chinois. La Chine étant considérée comme un leader incontesté dans le développement minier et l’exploitation des terres rares dont elle domine 85% du marché.
Il est utile aussi de rappeler dans ce contexte que le premier partenaire Wuhuan Engineering Co. Ltd. est une société internationale d’ingénierie intégrant la recherche et le développement techniques, la technologie d’ingénierie, les services d’ingénierie et les opérations industrielles. C’est la filiale à 100% de China National Chemical Engineering Group Corporation sous la responsabilité directe de la Commission de supervision et d’administration des actifs appartenant à l’État. Depuis sa création, en 1958, WUHUAN a réalisé plus de 2 000 projets de conception d’ingénierie et plus de 100 projets clé en main en Chine et à l’étranger. WUHUAN a accumulé de riches expériences dans la conception d’ingénierie, l’approvisionnement, la construction et la mise en service ainsi que l’exploitation et la maintenance des usines d’engrais, tels que les engrais phosphatés et azotés, etc. De son côté Yunnan TIAN’AN Chemical Co. Ltd. est une société de production d’engrais azotés et phosphatés parmi les plus connues en Chine. TIAN’AN est expérimentée dans la gestion de la production d’engrais et dispose d’un large réseau de commercialisation en Chine, aux États-Unis, au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est et de plus de 10 000 franchisés et distributeurs dans le monde.
Une expérience que le PDG du Groupe Asmidal, Mohamed Tahar Heouaine, a d’ailleurs tenu à mettre en avant. « les deux entreprises chinoises ont une grande expérience dans la technologie, la production d’engrais et l’exploitation minière du phosphate ». Dans un premier temps, a-t-il expliqué, la société algéro-chinoise « Algerian Chinese Fertilizers Company » (ACFC), effectuera l’ensemble des études économiques et techniques. Par la suite, une partie de la production sera orientée vers le marché local et une grande partie sera orientée vers l’export. Ce qui fera de l’Algérie « l’un des importants producteurs et exportateurs » d’engrais phosphatés sur le plan international.
Notons que la signature de ce pacte d’actionnaires intervient deux jours après la visite du ministre des Affaires étrangères et de la Communauté algérienne à l’étranger, Ramtane Lamamra, à Pékin. Une visite qui a d’ailleurs permis de souligner les convergences de vues entre l’Algérie et la Chine sur de nombreuses questions internationales et nationales, mais aussi économiques. C’est ainsi qu’Alger et Pékin ont convenu de « renforcer l’harmonisation entre les stratégies de développement des deux pays de manière globale tout en approfondissant la coopération au service des deux peuples ». Les deux pays ont également annoncé avoir abouti à un consensus sur « le plan exécutif pour la concrétisation conjointe de l’initiative de la Ceinture et de la Route de la soie », qui sera signé « dans les plus brefs délais ».
Samira Ghrib