La « guerre des mémoires » et les nouvelles donnes qui s’imposent à la France : L’Algérie exige une écriture libérée de l’Histoire
Les rapports sont en train de prendre une autre tournure, le monde n’est plus ce qu’il était avant la crise ukrainienne. C’est une nouvelle démarche géopolitique qui s’esquisse et l’Algérie profite brillamment de cette nouvelle mutation pour s’affirmer en tant que force régionale qui a son mot à dire.
La mémoire d’une nation se nourrit de son histoire et de son écriture. Une écriture qui échappe à la versatilité et la perfidie d’une anthropologie colonialiste qui fait d’une œuvre dans l’absolu une espèce de prouesse et une sorte de salut pour l’Humanité. Une anthropologie colonialiste qui a transformé 132 ans de colonisation de l’Algérie par la France en un « saut qualitatif » et une « mission civilisatrice » des plus flamboyantes et idylliques même.
Cette vétille qui a trop éberlué les crédules est en passe d’être réduite à sa véritable valeur et dimension barbare et criminelle. La « guerre mémorielle » entre l’Algérie et la France est en train de prendre une tournure qui mettra un terme à la vantardise et le matamorisme des adeptes de l’anthropologie coloniale en France.
L’échange qui s’est déroulé entre l’historien Benjamin Stora et le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, signe la mise à mort de l’approche mémorielle développée par le président français, Emmanuel Macron et des « mines » qui ont été inoculées dans son fameux « rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie ». La mémoire fait partie de moyens de pression pour pouvoir réaliser quelques exploits et soutirer de la rente politique en la matière. Le dernier échange casse avec la « doxa » répandue par les ultras et les nostalgiques de la période coloniale tous azimuts.
Tebboune n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour signifier à la France que l’écriture et l’approche développées par les historiens de la France officielle ne sont pas en mesure de réparer ce qui a été perpétré comme massacres, enfumades et autres crimes contre l’humanité pendant 132 ans de domination coloniale des plus abjectes et des plus barbares de par l’histoire de l’Humanité. Pour ainsi dire, le rapport de Benjamin Stora trouve sa place dans les arcanes de ceux qui l’ont promu.
La démarche de l’Etat algérien est focalisée sur le principe d’une écriture qui tiendra compte de la nouvelle étape que connaît l’Algérie et son nouveau rôle en sa qualité de puissance régionale qui impose des relations fondées sur le respect et la reconnaissance.
La déclaration du président de la République, Abdelmadjid Tebboune lors de son échange avec l’historien Benjamin Stora atteste de la nouvelle approche que l’Algérie veut entreprendre quant à la politique mémorielle à l’adresse de la France et son passé colonial.
Dans ce sens, l’historien Benjamin Stora a rappelé que « La guerre de conquête a été très longue et très meurtrière. Elle a duré pratiquement un demi-siècle, de 1830 à 1871. Elle a été marquée par une dépossession foncière et identitaire. Lorsque les gens perdaient leur terre, ils perdaient leur nom, et par la mise en place d’une colonie de peuplement avec au final un million d’Européens sur neuf millions d’habitants. Autant de traumatismes qui perdurent jusqu’à aujourd’hui dans la perception réciproque des deux peuples et qui expliquent la difficulté des relations franco-algériennes », a-t-il rappelé.
Tout est clair, c’est-à-dire que ce qui a été conçu et peaufiné par certains cercles qui s’abreuvent toujours de la nostalgie coloniale ne peut plus retrouver ses traits dans les prochains contacts autour de la nouvelle conception de l’écriture commune de la mémoire qui a trait à la période coloniale.
Cela veut dire que les ultras seront obligés de faire marche arrière et laisser place à la « perspicacité » des historiens qui ont fait un travail similaire sur d’autres expériences avec objectivité et neutralité.
L’Algérie ne veut pas réduire l’existence coloniale de la France uniquement depuis le déclenchement de la guerre de libération, en 1954 jusqu’à 1962.
C’est ce qui a poussé le président Tebboune lors de son échange avec l’historien Benjamin Stora à dire qu’« il faut qu’il y est un travail de mémoire commun sur toute la période de la colonisation française en Algérie ».
Les rapports sont en train de prendre une autre tournure, le monde n’est plus ce qu’il était avant la crise ukrainienne. C’est une nouvelle démarche géopolitique qui s’esquisse et l’Algérie profite brillamment de cette nouvelle mutation pour s’affirmer en tant que force régionale qui a son mot à dire.
Rachid Nassouti