Maghreb : Libye, l’autre bombe à retardement
Tous les spécialistes de la Libye s’accordent à dire que les luttes de leadership se seraient arrêtées à un moment ou à un autre si la Libye n’avait pas été prisonnière des ingérences étrangères. Des pays européens et arabes n’ont jamais caché leur projet de faire main basse sur les ressources pétrolières et gazières de ce pays.
Sans doute jamais l’Algérie n’a évolué dans un environnement régional aussi porteur d’incertitudes et de dangers que celui dans lequel elle se trouve depuis quelques années. A l’Ouest, le Maroc affiche désormais clairement son hostilité à l’égard du pays. Cela vaut surtout depuis l’alliance ignominieuse scellée par Rabat avec l’entité sioniste.
Au Sud, la situation n’est pas meilleure. Le territoire national est pratiquement ceinturé par des Etats à la fois faillis et en crise. C’est le cas particulièrement du Mali dont une grande partie du territoire est toujours sous la coupe réglée des groupes terroristes et autres bandes criminelles. Un peu plus au Sud-Est, le Niger est ravagé par la famine et la pauvreté. Sa partie septentrionale est considérée comme une sorte d’eldorado pour les trafiquants d’êtres humains, de drogues et d’armes.
Mais après la menace marocaine, c’est la situation en Libye qui suscite le plus d’inquiétudes. Il s’agit d’une véritable bombe à retardement. En crise depuis 2011, date du renversement puis de l’assassinat de Mouammar El Gueddafi par les Occidentaux, l’ex-Jamahiriya a sombré dans une guerre civile dont elle n’arrive pas toujours à s’extraire. A cela s’ajoute un chaos politique et social. La raison de l’impasse politique et sécuritaire est connue. Bien sûr, il y a les guerres fratricides pour le pouvoir que se livrent les seigneurs de guerre locaux. Elles ont eu pour effet de clochardiser les Libyens et détruire le gros de l’infrastructure économique léguée par Mouammar El Gueddafi.
Tous les spécialistes de la Libye s’accordent cependant à dire que ces luttes de leadership se seraient arrêtées à un moment ou à un autre si le pays n’avait pas été prisonnier des ingérences étrangères. Des pays européens et arabes n’ont jamais caché leur projet de faire main basse sur les ressources pétrolières et gazières de la Libye. Et ils ne reculent devant rien pour y parvenir. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs l’ancien président français Nicolas Sarkozy et l’ex-premier ministre britannique James Cameron ont renversé Mouammar El Gueddafi et mis à sa place le Conseil national de transition (CNT). Cette structure n’était rien d’autre qu’un gouvernement fantoche aux ordres de Paris et de Londres. L’effort de guerre avait notamment été pris en charge à l’époque par les Emirats arabes unis et l’Arabie Saoudite. Ils avaient pratiquement mis à prix la tête d’El Gueddafi.
Ce sont ces mêmes pays qui continuent aujourd’hui à souffler sur les braises de la crise libyenne et à les monter les uns contre les autres afin, in fine, d’affaiblir tout le monde et de se partager le formidable gâteau que représentent les ressources énergétiques libyennes. Ce sont ces mêmes acteurs extra régionaux qui empêchent également le premier ministre libyen Abdel Hamid Dbeibah de tenir sa promesse d’organiser des élections présidentielle et législatives, opération qui aurait permis au Libyens d de se doter d’institutions légitimes et démocratiquement élues et de faire taire les armes.
Le cheval de Troie des destructeurs de la Libye n’est rien d’autre que Khalifa Haftar qui ne fait pas mystère de sa volonté de prendre le pouvoir par la force et d’imposer son diktat à une population éprouvée par près de 11 ans de guerre civile. Un Haftar qui trouve des soutiens aussi du côté de l’entité sioniste et son allié les Émirats arabes unis. L’espoir entretenu par l’entité sioniste de faire tomber un second pays du Maghreb dans l’escarcelle de la normalisation avec Haftar à la tête de la Libye n’est pas un secret.
La crainte pour l’Algérie qui partage avec la Libye près de 1000 kilomètres de frontière est de voir ce conflit perdurer et devenir un théâtre d’affrontement entre puissances. Ce qui l’est un peu déjà. Si un tel scénario venait à se confirmer, les régions du Maghreb et du Sahel pourraient être davantage déstabilisées. L’Europe ne serait pas épargnée aussi. D’où l’urgence pour la communauté internationale et particulièrement l’ONU qui traîne les pieds sur ce dossier de trouver sans plus attendre une issue politique et pacifique à la crise libyenne.
Khider Larbi