Actualité

Grâce présidentielle et mesures d’apaisement : Qui est concerné et qui est exclu

L’annonce de mesures d’apaisement à l’occasion de la célébration du soixantenaire de l’indépendance alimente le débat public depuis quelques jours. Les mesures de grâce édictée et qui seront suivies par une loi d’amnistie « spécifique » induit une série d’interrogations sur l’étendue de cette amnistie et sur les personnes que celle-ci pourrait concerner. Une question qui vaut son pesant d’or, d’autant que l’annonce de cette amnistie partielle dans un contexte marqué par l’initiative de rassemblement lancée par le président de la République. Une initiative assise sur la nécessité de renforcer le front intérieur, de rompre avec l’exclusion et un certain passif politique. Une démarche de rassemblement assise sur un « grand pardon », pour peu que les « lignes rouges » n’aient pas été outrepassées

Dès lors, les débats politiques sont centrés sur les personnes que cette amnistie devra toucher. Pourtant, le décret de grâce présidentielle publié dans la dernière livraison du Journal officiel peut apporter certains éléments de réponse. Si le texte reprend l’essentiel des principes guidant les mesures de grâce et les remises de peine annoncées le 4 juillet en cours, il spécifie les catégories exclues des dispositions annoncées. 

Le décret signé par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, exclut clairement des mesures de grâce décidées plusieurs catégories. Et il est clair à travers la lecture du texte que les personnes liées à ce qu’on appelle communément la Issaba et celles détenues dans le cadre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale sont exclues de la démarche. 

Le décret exclut du bénéfice des mesures de grâce présidentielle les personnes ayant commis des crimes crapuleux et violents et des crimes liés au trafic d’êtres humains et de drogue. Il exclut également les personnes détenues concernées par les dispositions de l’ordonnance n° 06-01 du 27 février 2006 portant mise en oeuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Il exclut également  les personnes condamnées définitivement pour avoir commis ou tenté de commettre des infractions prévues et réprimées par le décret législatif n° 92-03 du 30 septembre 1992, modifié et complété, relatif à la lutte contre la subversion et le terrorisme, ainsi que les personnes condamnées pour avoir commis ou tenté de commettre des infractions prévues et réprimées par les articles 87 bis à 87 bis-12 et 181 du code pénal, relatives aux actes de terrorisme et de subversion, sans oublier les personnes condamnées définitivement pour avoir commis ou tenté de commettre des crimes de trahison, espionnage, massacre, évasion, assassinat (…). Le texte éjecte également des mesures de grâce les personnes condamnées définitivement pour avoir commis ou tenté de commettre des délits et crimes de dissipation, soustraction, destruction et perte volontaire de deniers publics, concussion, corruption, trafic d’influence, passation de marchés publics en violation des dispositions législatives ou réglementaires, contrefaçon, falsification ou altération de la monnaie, titres, bons ou obligations et blanchiment de capitaux, les personnes condamnées définitivement pour avoir commis ou tenté de commettre les infractions prévues et réprimées par la loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption et les personnes condamnées définitivement pour avoir commis ou tenté de commettre les infractions relatives à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux. Le même décret exclut également les personnes condamnées définitivement pour avoir commis ou tenté de commettre les délits et crimes d’attentats, de complot contre l’autorité de l’Etat, l’intégrité et l’unité du territoire national et les personnes condamnées définitivement pour avoir commis ou tenté de commettre les délits et crimes de faux en écriture publique ou authentique, d’usurpation ou d’usage irrégulier de fonctions, de titres ou de noms, entre autres. Le texte recentre le débat sur le bénéfice des mesures de grâce annoncées et recadre le contexte dans lequel sera examinée la loi spécifique d’amnistie annoncée comme un prolongement de la loi sur la Rahma et la concorde civile. 

Chokri Hafed

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *