Financement des groupes terroristes au Sahel : L’ONU tire la sonnette d’alarme
La Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Ghada Waly, a présenté, jeudi devant le Conseil de sécurité, un rapport extrêmement intéressant qui livre de nouveaux éléments sur la manière dont les groupes terroristes au Sahel financent leurs activités criminelles. Ses recherches confirment « la collusion des groupes terroristes et du crime organisé en Afrique subsaharienne, qui contribue au pillage des ressources naturelles et à l’instabilité ».
Ghada Waly a commencé sa présentation par un constat pour le moins alarmants : «La menace que représentent le terrorisme et le crime organisé s’installe durablement en Afrique». Elle a rappelé à ce propos que les 3.500 victimes de terrorisme l’année dernière sur le continent représentent la moitié du bilan mondial de ces attaques. Le Sahel en particulier, a-t-elle indiqué, subit les assauts de groupes terroristes parmi les plus actifs et les plus meurtriers du monde, tant en attaque qu’en stratégie de recrutement.
Comment les groupes terroristes sont-ils parvenus à acquérir un tel niveau de nuisance ? La Directrice exécutive de l’ONUDC a expliqué que ces groupes financent leurs activités criminelles en s’adonnant désormais « au pillage et au trafic illicite des ressources naturelles ». Les groupes terroristes s’adonnent notamment à l’exploitation illégale de minerais comme l’or, l’argent et les diamants. Il apparaît donc clairement que les groupes terroristes ont sophistiqué leur modèle économique ces dernières années. «(…) Ces trafics profitent à d’autres groupes qui rivalisent pour le contrôle lucratif des territoires d’extraction ou des routes de contrebande. Ces revenus s’ajoutent bien évidemment à ceux obtenus par l’extorsion ou l’imposition illégale des populations et leur permettent d’acquérir des armes qui pérennisent leur mainmise sur les zones de conflits », prévient la responsable de l’ONUDC.
Énormes profits
Ghada Waly explique que « l’or extrait illégalement, une fois écoulé sur le marché régulier, génère d’énormes profits pour les trafiquants », indiquant que fin 2020, l’ONUDC et INTERPOL ont ainsi coordonné une opération anti-armes à feu qui a permis de saisir 40.000 bâtons de dynamite et cordons détonateurs, tous destinés à l’extraction illégale d’or pour des groupes terroristes armés au Sahel. La Directrice exécutive de l’ONUDC rappelle que « le trafic d’espèces animales sauvages, et le commerce illégal de l’ivoire permet déjà à lui seul aux groupes terroristes d’engranger chaque année 400 millions de dollars ».
Aux yeux de l’office onusien, « cette exploitation criminelle prive l’Afrique, dont 500 millions d’habitants sur un total d’1,3 milliard vivent dans une extrême pauvreté, d’une source importante de revenus, et constitue une spoliation pour les millions de personnes qui dépendent de ces ressources naturelles pour leur subsistance, alimentant ainsi les conflits et l’instabilité ». Ces crimes, regrette Ghada Wali, « pénalisent un peu plus des économies déjà fragilisées par le changement climatique et les conséquences de la pandémie et freinent aussi les progrès vers la réalisation des objectifs de développement durable, au point de saper gravement l’Agenda 2063 de l’Union africaine ». Elle a en outre évoqué une autre conséquence de l’exploitation minière illégale et des trafics de minerais. Situés principalement dans les zones de conflits, ils sont souvent liés à la maltraitance des enfants, à la traite des êtres humains, au travail forcé et à d’autres violations des droits de l’homme.
Comment mettre fin ou à tout le moins enrayer le phénomène de trafic illicite des ressources naturelles ? La cheffe de l’ONUDC a jugé essentiel de mieux appréhender les liens entre crime organisé et terrorisme en Afrique. Pour cela, elle a recommandé d’accumuler les données et les preuves permettant de mettre en œuvre des politiques efficaces en particulier face à l’exploitation illégale des minerais. Grâce à ses recherches, a précisé Mme Waly, « l’ONUDC sera en mesure de travailler avec les Etats membres pour prévenir et combattre des crimes qui menacent l’environnement, qu’il s’agisse d’exploitation minière illicite, de trafic de métaux précieux, de déchets ou de crimes contre la faune sauvage, les forêts et les pêches ».
Dans ce cadre, l’ONUDC a indiqué qu’elle contribue à renforcer la coordination inter-institutions entre les services de renseignements, les forces de l’ordre, les cellules de renseignement financier et les procureurs. Pour renforcer les enquêtes financières sur les trafics de ressources naturelles et de faune sauvage, l’office onusien établit également des partenariats entre le secteur privé, y compris les entreprises participant à la chaîne d’approvisionnement des minéraux, les pouvoirs publics et la société civile et travaille à améliorer les connaissances sur les flux financiers illicites nationaux ou transfrontaliers liés à la criminalité minière.
Khider Larbi