Crise libyenne : Le rapport alarmant de Abdoulaye Bathily
Le nouveau Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye,Abdoulaye Bathily, aprésenté un exposé lundi devant le Conseil de sécurité de la situation dans l’ex-Jamahiriya. Abdoulaye Bathily a évoqué plusieurs obstacles dont le plus important reste «l’impasse politique» dans laquelle est plongé le pays. Cette impasse politique a, selon lui, pour conséquence d’assombrir les perspectives d’élections.
Abdoulaye Bathily dit en être arrivé à ces conclusions après des consultations avec les représentants politiques, institutionnels, de sécurité et de la société civile. Pour lui, la sortie de crise passe nécessairement par un «(…) un processus consensuel de relégitimation de l’État ». « Des institutions légitimes capables de subvenir aux besoins fondamentaux de la population doivent être établies sur la base d’une véritable volonté politique. Dans ce processus, la conduite des élections législatives et présidentielles est primordiale», a-t-il insisté.
Mais la conduite de ce processus, reconnaît M. Bathily, n’est pas chose aisée. L’ancien homme politique sénégalais rappellera que pour l’heure, la Libye est divisée entre deux administrations rivales. Le gouvernement d’entente nationale (GNA), reconnu par la communauté internationale et basé à Tripoli, et le gouvernement parallèle de Syrte qui n’est rien d’autre que le cheval de Troie du seigneur de guerre Khalifa Haftar qui veut gouverner de gré ou de force la Libye.
La signature d’un cessez-le-feu négocié par l’ONU en octobre 2020 a bien ouvert la voie à la possibilité de tenir les élections tant attendues en décembre 2021. Celles-ci ont cependant été reportées en raison d’un désaccord sur la base juridique du vote. Cela a eu pour effet d’aggraver le pourrissement. Preuve en est, des affrontements meurtriers entre les deux camps rivaux ont secoué Tripoli en août dernier. La crise a commencé en mars, après la décision du parlement de Tobrouk, également sous l’influence de Khalifa Haftar, de mettre en place un nouveau gouvernement. L’ONU et le Premier ministre soutenu par la communauté internationale s’opposeront au projet. Khalifa Haftar tentera alors de s’emparer du pouvoir par la force, en vain.
«L’impasse politique persiste sans qu’aucune fin claire ne soit en vue (…)», a regretté M. Bathily devant les membres du Conseil de sécurité. D’après lui, le constat est aggravé par le fait que «(…) les efforts visant à résoudre les questions en suspens liées à la base constitutionnelle des élections ne semblent pas conduire à une action concrète de la part des acteurs concernés, ce qui retarde davantage les perspectives de tenue d’élections inclusives, libres et équitables visant à mettre fin à la transition et rétablir la légitimité des institutions ».
Abdoulaye Bathily a indiqué avoir organisé des consultations avec les acteurs libyens « pour concevoir une réponse à ces défis politiques de taille » mais constaté que « des divergences importantes subsistent sur la manière dont les Libyens veulent surmonter la crise ». Ces divergences sont dues, selon lui, aux ingérences étrangères dans les affaires de la Libye. Aussi, il a dit avoir souligné à tous ses interlocuteurs que « la solution à la crise doit venir de l’intérieur Libye, sur la base de la volonté du peuple libyen ». M. Bathily a exhorté en outre les dirigeants libyens « à entendre l’aspiration du peuple à la paix, à la stabilité, au développement économique et à un leadership réactif ».
Quid de la situation sécuritaire ? Sur ce point également, le représentant du Secrétaire général de l’ONU s’est montré inquiet même si le cessez-le-feu continue de tenir. Selon lui, il est indéniable que l’impasse politique a eu un impact négatif sur l’action en matière de sécurité. Les affrontements violents à Tripoli, prévient-il, ont provoqué un changement dans l’équilibre des pouvoirs dans la capitale et aggravé les tensions, entraînant une stabilité fragile. « Malgré la diminution notable de la mobilisation des groupes armés et des affrontements entre eux, des informations font état d’activités de recrutement à grande échelle en cours », a mis en garde Abdoulaye Bathily. Autrement dit, la Libye peut (re)basculer à tout moment dans la violence.
Khider Larbi