Craintes de récession, confinements en Chine, plafonnement des prix du pétrole russe : Quelles perspectives pour les cours du pétrole en 2023 ?
En dix jours le cours du Brent a perdu 11%, tandis que le baril de pétrole américain flirte avec son plus bas niveau depuis janvier.
Cette semaine a marqué un tournant sur le marché pétrolier. Les cours ont fini en baisse cette semaine, frôlant même leur plus bas niveau depuis le début de l’année. Ce qui relance les interrogations sur les perspectives d’évolution des cours au cours du mois de décembre et au début de l’année 2023, sur fond de craintes de récession de l’économie mondiale, de perspective de plafonnement des prix du pétrole russe par les économies du G7, mais aussi à la lumière de la posture de l’Opep+ et de l’impact de ses prochaines décisions sur l’offre de pétrole.
En attendant, le déséquilibre menace les fondamentaux du marché et cela se fait ressentir par l’évolution des cours. Le prix du baril de Brent de la mer du Nord, pour livraison en janvier, a lâché 2,40%, pour clôturer à 87,62dollars. En dix jours, le Brent a perdu plus de 11%.Quant au baril de West Texas Intermediate (WTI) américain, avec échéance en décembre, il a cédé 1,91%, à 80,08 dollars.En séance, le WTIavec reculé jusqu’à 77,24 dollars, non loin du plus bas depuis janvier enregistré en septembre (76,25 dollars).Le marché garde en tête « la préoccupation liée à la demande » chinoise, sur fond de flambée des cas de coronavirus, « qui rendent peu probable l’allégement des restrictions sanitaires », ont indiqué les analystes de Commerzbank.Pour Phil Flynn, de Price Futures Group, les opérateurs s’inquiètent, plus largement, d’un ralentissement de la demande provoqué par le resserrement monétaire brutal de la banque centrale américaine (Fed).Selon les analystes marché interrogés vendredi par l’AFP, le marché de l’or noir est passé vendredi en situation dite de contango.Cela signifie que le prix payé pour du pétrole livrable à une date ultérieure est supérieur au tarif pour livraison immédiate. « Le phénomène traduit généralement un déséquilibre du marché à court terme, dû à une demande affaiblie ou une offre trop abondante », explique l’agence de presse. En effet, le prix du contrat de WTIpour livraison en mars 2023 est passé, vendredi, au-dessus de celui avec échéance en décembre prochain, une première depuis près de deux ans. Une situation alimentée par les sombres perspectives de l’économie mondiale, mais aussi par des éléments géopolitiques. Pour Phil Flynn, outre la dégradation de l’économie, le décrochage du brut s’explique aussi par ce qui semble être un assouplissement des relations entre États-Unis et Arabie saoudite.
En effet, le gouvernement américain a fait valoir jeudi que le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane devrait bénéficier d’une immunité lui évitant des poursuites aux États-Unis pour le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. »Certains spéculent sur le fait que ce changement de politique est lié au pétrole », a détaillé Phil Flynn, même si la Maison Blanche a assuré vendredi que cette décision n’avait « absolument rien à voir avec la relation bilatérale avec l’Arabie saoudite ».
Washington-Riyad : le réchauffement ?
Ce qui suscite de nouvelles interrogations à propos de cette évolution et de son impact sur les futures politiques de l’Opep, d’autant que l’Arabie saoudite est le plus gros exportateur de pétrole de l’organisation. Il est vrai que l’Opep s’est montrée jusque-là attachée à des positions favorables à la préservation de l’équilibre du marché, et ce grâce à l’effet de levier sur l’offre de pétrole qu’elle actionne dans le cadre de son alliance avec les grands producteurs de pétrole non-Opep, la Russie en tête. L’Opep et ses alliés ont décidé de prolonger la déclaration de coopération jusqu’à fin 2023 et le SG de l’Opep n’a pas écarté mercredi dernier une nouvelle intervention de l’alliance lors de la réunion de l’Opep+ le 4 décembre prochain pour ajuster les politiques d’offre aux perspectives de demande qui s’annoncent moroses pour 2023. Reste à savoir si le réchauffement des rapports entre Washington et Riyad risque d’infléchir la politique pétrolière saoudienne ou pas. En tout état de cause, les traders, du moins une partie, n’hésitent pas à parier qu’en contrepartie des annonces américaines, les Saoudiens se positionnent plutôt pour une hausse de la production lors de la réunion du 4 décembre.
Si la récession est annoncée en Grande-Bretagne, qu’elle risque d’affecter la zone euro cet hiver, que les nouvelles ne sont pas bonnes pour l’économie américaine, ni du côté de l’économie chinoise, il reste un élément qui contrebalance ces facteurs. Il s’agit de l’élément géopolitique. Le G7 entend imposer un plafonnement des prix sur le pétrole russe et ce, dès le mois de décembre. Le plafond fixé devrait être annoncé mercredi, mais rien n’est encore certain quant à la position de l’UE par rapport à ce plafond. Cependant, cela alimente les inquiétudes sur l’offre de pétrole, d’autant que la Russie a déjà annoncé qu’en cas d’introduction du plafonnement, elle ne comptait pas se soumettre à ces règles du jeu ni vendre son pétrole à des prix imposés. Elle a signalé que le plafonnement entraînerait la baisse des livraisons pétrolières sur le marché global aussi bien qu’une nouvelle flambée des prix. Reste à savoir dans quelle mesure le plafonnement va affecter l’offre et don l’évolution des prix en 2023.
Samira Ghrib